Après le CNI (Centre national des indépendants) de
Bourdouleix, l’UDI va-t-elle se séparer des libéraux démocrates d’Aurélien
Véron puis de Territoires en Mouvements du maire de Neuilly-sur-Seine,
Jean-Christophe Fromantin?
Va-t-on assister à une énième recomposition au centre de
l’échiquier politique plutôt que réunion des centres?!
Telle sont les questions que l’on est en droit de se poser
quand on regarde de plus près ce qui est en train de se produire dans l’espace
centriste français.
Petit rappel: l’UDI a été créée pour rassembler les partis
centristes et les partis de la droite modérée.
Dans le premier groupe on trouvait le Nouveau centre, Force
européenne démocrate, et l’Alliance centriste.
Dans le deuxième, on trouvait le Parti radical, le CNI, Territoires
en Mouvements et le PLD (Parti libéral démocrate).
Sans oublier quelques groupuscules indéfinissables tels la
Gauche moderne, France écologie, Nouvelle écologie démocrate sensée donner une
couleur progressiste et écologiste à la confédération.
Après le dérapage du président du Centre national des
indépendants sur les gens du voyage et leur élimination par les nazis, ce parti
a été exclu de l’UDI à la rentrée.
Entre temps est venu le temps du rapprochement Borloo-Bayrou
qui devrait donner lieu à un «contrat» entre leurs deux partis, l’UDI et le
Mouvement démocrate, selon la terminologie de Borloo, une «joint-venture» selon
celle de Bayrou.
Dans le même temps, le PLD qui avait rejoint récemment l’UDI
a pris de nombreuses positions iconoclastes avec la ligne politique officielle.
Du coup, beaucoup à l’UDI comme Yves Jégo et Hervé Morin,
mais pas tous comme Jean-Christophe Lagarde, comme nous l’apprend un écho du
Figaro songent à une séparation qui serait peu douloureuse tant il s’agit d’un
micro-parti qui tente depuis quelques années de s’adosser désespérément à une
formation plus importante pour exister (il avait fait des offres au Nouveau
centre dont il était devenu un parti associé après avoir tenté de se rapprocher
de l’Alliance centriste).
L’opposition de Morin au PLD, si elle est confirmée, serait
d’ailleurs assez étonnante, lui qui était un libéral bon teint dans l’UDF,
proche de Léotard (dont il fut le chef de cabinet) et de Madelin, d’autant
qu’il entretenait avec celui-ci de très bonnes relations il n’y a pas si longtemps
que cela, participant même à ses tables rondes.
En revanche, l’eau dans le gaz entre Jean-Louis Borloo et Jean-Christophe
Fromantin représente un défi d’une importance bien plus grande pour l’UDI.
Le maire de Neuilly-sur-Seine, étoile montante de la droite
indépendante, avait été une belle prise pour Jean-Louis Borloo, lui qui avait
réussi contre toute attente à enlever de haute main la mairie de
Neuilly-sur-Seine aux sarkozystes puis, dans la foulée, à devenir député de la
ville.
Mais, indépendant avant tout, il ne s’est jamais vraiment
fondu dans la formation de centre-droit et il s’était déjà distingué en étant
un des chantres des opposants au mariage pour tous, montant même à la tribune
du Champs de Mars aux côtés de Frigide Barjot lors de la manifestation
parisienne pendant que le président de l’UDI, lui, approuvait l’union entre
personnes du même sexe.
Ses relations avec Borloo, alors même qu’il est en charge du
projet politique de l’UDI ne sont donc pas au beau fixe, si elles ne l’ont
jamais été.
Et le voici, dans une interview au Figaro, qui tire à
boulets rouges sur le rapprochement UDI-Mouvement démocrate, pièce essentielle
de la stratégie Borloo.
«Je suis extrêmement réservé, déclare-t-il sans ambages, sur
tous les rapprochements qui procèdent davantage d'un schéma tactique que d'une
perspective de projet. Le niveau de défiance des Français vis-à-vis des partis
politiques est très important car ils nous reprochent de nous préoccuper
davantage de la prospérité des systèmes politiques que des solutions pour la
France. Je m'inquiète par ailleurs du risque de quiproquos autour de la notion
de ‘centre’. Le MoDem me semble être davantage dans une recherche de compromis
entre la droite et la gauche - d'où les virages imprévisibles aux
présidentielles. Je ne suis pas du tout sur cette ligne. Le centre, tel que je
le conçois, correspond à une ligne politique claire, ancrée à droite, orientée
vers quelques principes fondamentaux comme le principe de subsidiarité, la
confiance en l'initiative privée, le rôle structurant des entreprises dans les
politiques sociales et l'attachement à un projet européen. L'UDI ne doit pas
brouiller son message. Elle doit mettre son énergie au service de son projet et
de ses valeurs.»
On ne saurait être plus clair, Fromantin ne veut pas, mais
vraiment pas d’une alliance avec Bayrou.
Ce qui est exactement le contraire d’Hervé Morin.
Celui qui a quitté son chef en 2007 pour créer le Nouveau
centre avec d’autres dissidents de l’UDF parce que Bayrou avait refusé de voter
pour Sarkozy (mais il avait aussi refusé de le faire pour Royal alors qu’en
2012 il a voté pour Hollande…), voit dans l’union avec le Mouvement démocrate,
un moyen d’affaiblir la position de Jean-Louis Borloo.
On peut donc penser que si la réunion MoDem-UDI se réalise,
le maire de Neuilly-sur-Seine quittera l’UDI.
On pourrait donc avoir une UDI amputée de trois partis (CNI,
PLD, Territoire en Mouvement) au nom d’une refondation au centre-droit avec un
Mouvement démocrate qui clame partout qu’il demeurera au centre du Centre et
indépendant...
Sans oublier qu’à l’intérieur du Parti radical, du Nouveau
centre ou de Force européenne démocrate, certains sont toujours opposés à s’acoquiner
avec Bayrou.
La question qui devrait se poser tôt ou tard aux dirigeants
de l’UDI est de savoir si la prise Bayrou vaut la peine de ce remue-ménage qui
pourrait aboutir, in fine, à une scission plus prononcée de la formation au nom
d’une réunion qui est, à l’heure actuelle, plus tactique que justifiée sur le
fond.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC