Qu’ils soient dans des partis indépendants où à l’intérieur
de grands partis, les centristes sont une force d’équilibre et de
responsabilité qui, si elle n’existe pas ou ne peut peser sur le débat
politique, ouvre la porte à toutes les dérives comme le démontre la mainmise
actuelle sur Parti républicain américain des extrémistes du Tea Party.
D’ailleurs, on peut penser qu’une grande partie de la droite
française aurait depuis longtemps fricotée ouvertement avec le Front national
sans la pression des élus et des électeurs centristes qui ont permis de garder
relativement étanche la frontière droite-extrême-droite.
Néanmoins, s’inspirant de ces extrémistes du Parti
républicain, certains, à l’UMP comme Jean-François Copé, commencent malheureusement
à jouer la politique du pire et de l’intransigeance ce qui pourrait aboutir, à
terme, à une implosion de la formation de droite et donner naissance, à l’instar
du PS et du Front de gauche, à deux partis, l’un modéré, l’autre radical.
Toujours est-il que la survie de la démocratie républicaine
ne peut se permettre cette politique du pire et de l’intransigeance car son
existence même est assise sur un certains nombre de principes dont la
responsabilité et le consensus.
Le consensus dont on parle n’est pas de trouver à chaque
fois une voie médiane à des opinions opposées mais de s’accorder sur le
fonctionnement d’un système qui donne le pouvoir à une majorité, qui respecter
les droits de la minorité et qui s’appuie sur quelques piliers incontournables
comme le recours à l’impôt, l’égalité politique, la transparence ou la
solidarité.
Or, aux Etats-Unis, le Tea Party a décidé de s’opposer à
tout cela.
Pas d’impôt (sauf pour l’armée et la police), pas d’égalité
politique (avec les lois qui restreignent la possibilité de voter pour les
minorités ou avec le charcutage électoral indécent qui permet à un parti
minoritaire en voix au niveau national de gagner les élections législatives),
pas de transparence (avec l’afflux d’argent pour ces extrémistes venus de
quelques milliardaires et entreprises qui peuvent verser ce qu’ils veulent sans
le dire, faussant in fine le jeu électoral), pas de solidarité (en supprimant
tous les programmes sociaux qui permettent aux plus pauvres de vivre dignement
et en s’opposant par tous les moyens à la mise en œuvre de la loi sur l’assurance
santé décidée par le président – réélu entretemps –, votée par le Congrès et
déclarée légale par la Cour suprême).
Grâce à un activisme et un entrisme que l’on croyait
réserver jusque là aux extrémistes de gauche, les militants du Tea Party ont
réussi, non seulement à phagocyter le Parti républicain mais à le vider
quasi-totalement de tous ses centristes qui se comptent désormais par quelques
dizaines d’élus seulement au niveau national dont une au Sénat, Olympia Snowe
mais aussi de sa culture du compromis démocratique.
Pire, les élus modérés sont désormais terrorisés par les
primaires de leur parti où ils risquent de se faire battre par des extrémistes
jusqu’au-boutistes.
Du coup, pour garder leurs sièges, ils adoptent une position
frileuse en se taisant.
Cela, d’ailleurs ne suffit plus puisque le Tea Party demande
l’allégeance à ses thèses, ce qui fait que nombre de centristes se parjurent
constamment.
Résultat, le blocage du gouvernement américain qui risque de
plonger le pays et le monde dans le chaos, si ce n’est aujourd’hui avec les
crises du budget et de la dette, mais demain ou après-demain car les militants
du Tea Party ont tout leur temps pour réussir leur entreprise: détruire l’Etat
fédéral.
Quand on voit les quelques illuminés du Tea Party et donc du
Parti républicain, heureusement fortement minoritaires actuellement, demander
que l’on mette dehors Obama de Washington à coup de pied dans le derrière tout en
brandissant le drapeau confédéré lors de manifestations ces derniers jours aux
relents nauséabonds de racisme, on comprend la haine qui anime de nombreux élus,
dictant leurs comportements et rendant illusoire tout compromis qu’ils
associent immédiatement à une compromission.
Une des conséquences les plus dommageables pour le système
démocratique américain est que l’alternance politique n’est plus le but d’une
partie du Parti républicain.
Les extrémistes sont en effet plus intéressés à abattre le
système démocratique honni parce que n’allant pas dans leur sens qu’à prendre
le pouvoir. Dès lors, ils ne luttent plus pour la victoire dans les urnes mais
pour une victoire quasi-insurrectionnelle.
Les Etats-Unis ont besoin d’un Parti républicain
conservateur et non d’une formation politique dont le seul but est de s’opposer
et de détruire.
S’il semble que l’on en soit loin au jour d’aujourd’hui, on
peut tout de même espérer que cela surviendra à moyen terme.
Car, ce qui est hautement réconfortant, c’est que la
démocratie américaine, à l’opposé d’autres, a toujours su trouver le moyen de
se revitaliser et de retrouver ses valeurs dans les crises, aussi dures
furent-elles.
Ainsi, lors de la Grande dépression, pendant qu’Hitler
prenait le pouvoir en Allemagne, les Américains confiaient leur destinée en
Franklin Roosevelt…