En expliquant qu’il posait les bonne questions (mais y
apportait les mauvais réponses) et que ses électeurs étaient simplement des
Français désorientés à qui il fallait parler et apporter des réponses
adéquates, le monde politico-médiatique ou médiatico-politique – au choix! --
commet une grave erreur en faisant du Front national un interlocuteur honorable
et fréquentable du débat démocratique.
En lui permettant ainsi, petit à petit, d’entrer dans le jeu
politique démocratique, il a ainsi «dédiabolisé» un parti extrémiste qui, à
l’instar du Parti communiste au XX° siècle, sait parfaitement utiliser les
faiblesses récurrentes du système démocratique face à ses ennemis dont les
principaux sont les médias et les partis politiques démocratiques...
Du coup, Marine Le Pen peut affirmer péremptoirement que son
parti est devenu «le centre de gravité de la vie politique».
Mais l’utilisation du Front national comme repoussoir et
pour le mettre dans les pattes de ses adversaires est un jeu pervers dont le
pays paye le prix quotidiennement avec la montée de l’intolérance et dont
l’addition pour la démocratie pourra être très salée dans un avenir plus ou
moins proche.
C’est la raison pour laquelle, au-delà de cette exploitation
politicienne qui n’est pas à l’honneur de ceux qui l’ont initié (entre autres,
François Mitterrand), que le Centre et le Centrisme estiment que le vote pour
les extrêmes est une faute grave.
Que le système démocratique ne soit pas parfait, personne ne
le conteste. Que la république ait des failles, non plus. Que des individus
souvent sans scrupules, malhonnêtes et irresponsables profitent de celui-ci et
de celle-là, c’est une évidence. Que cela contrarie ou mette en colère
certains, c’est une réalité.
Pourtant, cela n’excuse en rien le vote en faveur des
extrêmes.
Oui, l’électeur qui met un bulletin en faveur d’un candidat d’extrême-gauche
ou d’extrême-droite commet une faute et il est aussi condamnable que celui pour
qui il vote.
Ou alors, il faut nous expliquer pourquoi, selon la Droite
et la Gauche, un irresponsable qui vote contre ses intérêts fondamentaux,
influençable et incapable de discerner le bon du mauvais est autorisé à remplir
son devoir civique…
Si ce n’est pas le cas, ce que nous croyons, il faut donc nous
démontrer en quoi cet acte éminemment politique que de glisser un bulletin de
vote en toute connaissance de cause pour les extrêmes est excusable moralement.
Surtout si l’on estime que la démocratie républicaine
représentative et délibérative est le seul système qui permet de garantir le
plus de liberté et qui est le plus efficace pour développer un pays tout en
permettant aux talents de tous de pouvoir s’exprimer. Il suffit d’étudier l’Histoire.
Qu’il y ait des crises, des problèmes, des manquements issus
de ce système, il faut en convenir.
Mais c’est bien ce système que l’on doit renforcer, réformer
et moderniser et non tenter de le laminer et, in fine, de le détruire en se
tournant vers les solutions liberticides et irresponsables des extrêmes.
Donc, tout citoyen ayant le sens des responsabilités, le
respect de l’autre, la liberté comme étendard et la volonté de construire une
société du juste équilibre, tolérante et solidaire, doit s’engager dans la
défense de la démocratie républicaine et non dans sa destruction.
Voter pour le Front national ou les groupuscules
d’extrême-droite, voter pour le Front de gauche ou les groupuscules
d’extrême-gauche, c’est décider de jouer contre cette démocratie républicaine
représentative et délibérative, contre la liberté, contre le respect, contre
une société du juste équilibre. C’est agir de manière irresponsable.
En démocratie c’est bien évidemment le droit de tous mais
cela ne veut pas dire que ce soit excusable.
Or, aujourd’hui, ceux qui, à droite et à gauche, sont sensés
défendre le système démocratique et les valeurs de la démocratie n’ont plus ce
discours ferme et inflexible face à ce comportement.
C’est la raison pour laquelle les centristes, les vrais, ne
doivent jamais fléchir en rappelant constamment que les valeurs qu’ils portent
ne peuvent mener à une quelconque mansuétude pour ceux qui prônent les
solutions extrémistes mais aussi pour ceux qui votent pour celles-ci et qui
leur permettront peut-être, un jour, de parvenir au pouvoir comme l’Histoire, encore
elle, nous l’enseigne.
Il s’agit d’une question de dignité humaniste. Voilà en quoi
voter pour les extrêmes est une faute morale.
Et espérons que nous n’aurons pas à dire, tel Daladier
revenant en 1938 de Munich et atterrissant au Bourget, voyant la foule joyeuse
de l’accord qu’il venait de passer avec Hitler alors qu’il s’attendait à
recevoir des tomates, «Ah les cons! S’ils savaient!».
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC