L’emblématique victoire de Barack Obama en 2008 en a fait le
premier président noir de l’histoire des Etats-Unis. Mais, dès le départ,
celui-ci a tout fait pour ne pas être le président des noirs.
Il avait ainsi déclaré deux mois après sa prise de fonction
qu’«à l’inauguration (de sa présidence), j’ai pensé qu’il y avait une fierté
justifiée d’une partie du pays que nous avions fait un pas qui avait permis de
laisser derrière nous l’héritage desséché de la discrimination raciale de ce
pays. Mais ce sentiment n’a duré qu’un jour».
Cette volonté lui a été reprochée maintes fois par les
activistes de la communauté noire ou par les médias, que ce soit, depuis son
accession au poste suprême, pour pointer l’écart toujours aussi important entre
la condition de la communauté blanche et la communauté noire ou par le racisme
qui semble toujours aussi présent contre les noirs dans certaines régions du
pays ou dans certains groupes.
L’affaire Trayvon Martin qui vient de connaître son épilogue
lorsqu’un jury composé de six femmes, dont cinq blanches et une latino, ont
acquitté George Zimmerman (qui avait tué ce jeune noir qui rentrait tranquillement
chez son père dans un quartier d’une petite ville de Floride au motif qu’il
avait le profil d’un voleur et qu’une loi de cet Etat permet à toute personne
s’estimant menacée de tuer son soi-disant agresseur), vient de rappeler, par
les réactions diverses – pro et anti – qui ont accueilli ce verdict extrêmement
contesté et contestable, que le «problème noir» était toujours et encore
d’actualité pour ceux qui pensaient être entrés dans une ère nouvelle à ce
sujet.
Bien évidemment, Barack Obama a été victime du racisme
depuis qu’il s’est déclaré candidat à la présidence, sans même parler de la
période d’avant celle-ci.
Rappelons que dans ce fameux «Sud profond» dont la Floride
fait plus ou moins partie et où règnent toujours le fameux esprit «rednecks»
(littéralement les «cous rouges» qui sert à désigner, par les habitants des
côtes Est et Ouest, les ploucs racistes du Sud et du Midwest), on entendait encore
lors de la campagne de 2008 des phrases du genre «les noirs et les femmes, ça
ne fait pas de politique».
Et depuis son élection, Obama est un des présidents les plus
insultés avec des injures qui ne sont pas toujours directement racistes mais
qui ne trompent personne. Sans parler de ceux qui déclaraient vouloir prendre
les armes au cas où il serait réélu…
Pour autant, si Barack Obama, lors du meurtre de Trayvon
Martin en mars 2012 s’était risqué à déclarer que s’il avait eu un fils il lui
aurait ressemblé, ce qui était sa deuxième déclaration présidentielle de
soutien aussi directe à un noir (il en avait faite une autre en 2009 lorsqu’un professeur
d’Harvard, Henry Louis Gates jr. avait été pris par la police pour un
cambrioleur alors qu’il rentrait chez lui et molesté), il a réagi après le
verdict en parlant de tragédie et en demandant un contrôle plus strict des
armes à feu mais sans évoquer la couleur de peau d’aucun des deux protagonistes.
Cela n’empêche pas les membres d’extrême-droite du Parti
républicain d’affirmer que le cas Trayvon Martin a été instrumentalisé dès le
départ par la Maison blanche pour faire passer tous les républicains comme des
racistes et que c’était une des causes de la défaire de Mitt Romney lors du
scrutin de novembre dernier!
Cette thèse farfelue (contenue, notamment, dans un livre
d’un activiste d’extrême-droite très apprécié du Tea Party) qu’évidemment
aucune preuve n’étaye, est un exemple parmi d’autres qui montrent tout le
danger pour Obama d’être le défenseur de sa communauté en tant que président.
Cela montre aussi comment cette extrême-droite tente de diaboliser constamment
ce président noir qui serait l’instigateur d’un complot pour mettre à mal la
démocratie pour défendre sa communauté, ce qui s’appelle du racisme!
Et puis, Barack Obama n’a été qu’une seule fois sur le
continent africain lors de son premier mandat et vient d’achever ce qui risque
d’être son seul ou un de ses deux voyages en Afrique de son second mandat.
Plusieurs raisons expliquent cette décision Barack Obama de
ne pas être le président des noirs.
En premier lieu, il a toujours dit qu’il voulait être un
président «normal» même s’il appréciait la valeur hautement symbolique de son
élection en tant que premier noir à la Maison blanche. Mais, dans son esprit,
sa réélection a été plus importante encore car elle a démontré au monde entier
que si la couleur de sa peau avait pu jouer en sa faveur en 2008, c’est bien sa
compétence qui avait été récompensée en 2012, les Américains n’ayant plus
besoin de se donner bonne conscience en votant pour un noir s’il avait été un
incapable.
En second lieu, sa vision profondément centriste ne peut
s’accommoder de la condition restrictive de président des noirs ou de tout
autre cause ou communauté particulières. Cela irait à l’encontre de ses
convictions et ses valeurs politiques qui sont d’être le président de tout les
Américains en recherchant constamment le juste équilibre et le consensus.
En troisième lieu, dès son intronisation, il a voulu éviter
les polémiques destructrices pour sa fonction et sa politique ainsi que pour
les intérêts de la communauté noire s’il avait été un avocat engagé de cette
dernière et un porte-parole dénonçant tous les actes de racismes à travers le
pays. Sa crédibilité aurait été atteinte profondément et le racisme plus ou
moins latent dont on vient de voir la réalité aurait pu s’exprimer sans aucune
retenue et paralyser toutes ses initiatives au-delà de ce que les républicains
ont mis en place depuis 2010 et leur victoire aux élections de mi-mandat, c’est-à-dire
le plus grand blocage politique jamais organisé depuis que les Etats-Unis
existent (et, pourtant, des blocages, il en a existé!).
Cependant, il faut bien se rappeler que Barack Obama n’est
pas un Michael Jackson de la politique.
Il n’a jamais tenté de cacher qu’il est un membre de la
communauté noire. Plus, il le revendique sans aucune ambiguïté. Car, n’oublions
pas qu’il est métis et qu’il aurait pu choisir de se définir comme blanc (aux
Etats-Unis, c’est l’individu qui choisit sa communauté d’appartenance en
cochant une case sur un formulaire), ce qu’il n’a pas fait, tout à fait
consciemment et comme un acte militant.
De même, il a épousé une femme noire descendante d’esclave
pour mieux revendiquer son appartenance à cette communauté alors que plusieurs
activistes noirs affirmaient que né d’une mère blanche et d’un père kenyan
(donc non-américain), il ne pouvait en être.
Barack Obama entrera sûrement dans l’Histoire comme le
premier président noir des Etats-Unis d’Amérique. Peut-être qu’il y sera
également pour ce qu’il aura accompli ainsi que pour son intelligence et son
charisme. En tout cas, c’est tout ce qu’il souhaite et il aura tout fait pour
que ce soit le cas.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC