C’est un grand classique: un parti de gauche ou de droite
qui se retrouve dans l’opposition est toujours plus idéologiquement marqué que
lorsqu’il est au pouvoir. Normal, il se doit de réaliser une introspection
après ses défaites électorales afin de retrouver ses racines et ses
fondamentaux qui lui permettront de réaffirmer sa personnalité propre et de
redynamiser sa base militante et ses sympathisants.
Aux Etats-Unis ce fut le cas des démocrates après 2000 et
c’est le cas du Parti républicain actuellement. Certains avancent même
qu’aujourd’hui Ronald Reagan et George W Bush, deux anciens présidents pourtant
accusés d’avoir été idéologiquement très à droite, n’auraient plus leur place
dans la parti républicain tellement celui-ci a évoluer vers sa droite, sous
l’influence du mouvement du Tea Party, afin de se présenter comme inflexible
sur ses principes!
En France, ce fut le cas du PS après 2001, c’est le cas de
l’UMP depuis 2012.
Néanmoins, au-delà de ce ressourcement idéologique «naturel»
du à l’éloignement du pouvoir et à l’absence d’obligation de devoir gouverner
de manière pragmatique et pour tous les Français, on peut se demander si ce que
certains appellent la radicalisation de la droite française n’est pas plus
profonde cette fois-ci, suivant en cela ce qui se passe dans la plupart des
pays démocratiques, du Japon (avec Shinzo Abe) aux Etats-Unis (avec Paul Ryan
ou Rand Paul) en passant par le Royaume Uni (avec David Cameron).
D’autant qu’une forte résurgence nationaliste concurrence
ces grands partis conservateurs sur leur flanc droit, avec le Front national en
France, l’UKIP en Grande Bretagne ou le Tea Party aux Etats-Unis, suscitant
d’ailleurs des débats houleux sur une possible alliance avec ces divers
mouvements extrémistes.
De ce point de vue, le discours de Jean-François Copé qui
emprunte aux thématiques et à la rhétorique au Front national est assez
emblématique de ce repositionnement de la droite, de même que les sorties médiatiques
d’un Guillaume Peltier, ancien militant du Front.
Non pas que cela soit nouveau à l’UMP si l’on se rappelle
que Nicolas Sarkozy, pour affaiblir durablement le FN, avait repris les
principaux thèmes du parti de Jean-Marie Le Pen afin de démontrer que la droite
classique pouvait s’occuper de toute cette population en déshérence et de ses
préoccupations.
A l’opposé, il ne faut pas oublier qu’il existe une aile de
l’UMP qui se bat contre les connivences et les possibles alliances entre droite
et extrême-droite, emmené par François Fillon, notamment, mais aussi par
Jean-Pierre Raffarin, pourtant allié à l’intérieur du parti à Jean-François
Copé…
Devant cette situation, quel doit être le positionnement des
partis centristes?
On se rappelle que lors de la dernière présidentielle, au
moment où Nicolas Sarkozy a joué son va-tout face à François Hollande en
droitisant parfois à l’extrême ses propos, ses alliés centristes tels
Jean-Louis Borloo, Hervé Morin, Jean-Christophe Lagarde ou François Sauvadet,
tous aujourd’hui membres éminent de l’UDI, ne se sont guère émus de ceux-ci,
allant même jusqu’à les justifier.
En revanche, François Bayrou et ses lieutenants du Mouvement
démocrate avaient réagi vivement en condamnant ce qu’ils considéraient comme
des dérapages préoccupants.
Depuis, l’UDI a semble-t-il adopté majoritairement (mais pas
unanimement, voir à ce sujet certaines déclarations d’Hervé Morin ou des
membres du CNIP, parti membre de la confédération) un discours de défiance
vis-à-vis de ces fameux dérapages à répétition comme ceux de Jean-François
Copé, revenant à un positionnement beaucoup plus centriste.
De son côté, le Mouvement démocrate puise dans cette
radicalisation d’une partie de l’UMP la raison de son opposition actuelle à la
droite et de son appel à voter François Hollande contre Nicolas Sarkozy aux
dernières présidentielles.
Cependant, il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse ce
qui s’est parfois produit, tant du côté de l’UDI que du Mouvement démocrate.
On n’enfoncera pas ici une porte maintes fois ouverte sur le
fait que le Front national peut poser les bonnes questions mais en y donnant
les mauvaises réponses.
En revanche, adopter par principe une position soi-disant «modérée»
ou «équilibrée» sur un certain nombre de problèmes qui touchent au fondement
même de la démocratie républicaine , à la liberté, au respect, à la tolérance
et au juste équilibre, ce n’est pas avoir un positionnement centriste mais
plutôt une position de faiblesse face aux attaques de notre modèle de société
en acceptant qu’il soit considéré comme amendable sans fin face à des
revendications communautaires ou autres de groupes et de lobbies.
Nous nous trouvons alors dans un relativisme et un
renoncement qui, autrefois, nous ont amené à accepté qu’aux portes de la
France, il y ait des régimes dictatoriaux qui ont semé la misère, la désolation
et la mort dans le monde entier.
In fine, le comportement des centristes devant les
manifestations de cette radicalisation d’une partie de la droite doit être de
la condamner fermement, de la contrer par un discours des valeurs à chaque fois
qu’elle se manifeste ainsi que de rappeler sur quels principes se fonde cette
condamnation.
Mais celle-ci doit être faite sans tomber dans la critique
systématique de la droite toute entière, ce qui serait totalement stupide,
contreproductif et ne correspondrait pas à la réalité d’une droite qui,
fondamentalement, n’est pas assimilable l’extrême-droite.
De même, lorsque la radicalisation de la gauche se
manifeste, les centristes doivent tout aussitôt la condamner et la contrer.
Rappelons avec force que le Centre s’oppose à tout
extrémisme. Ainsi, si l’alliance UMP-Front national est inconcevable avec une
alliance centriste, c’est également la même chose pour une alliance PS-Front de
gauche.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC