L’état de grâce n’est décidément plus ce qu’il était, que ce
soit en France ou aux Etats-Unis et, plus généralement, dans l’ensemble des
pays démocratiques.
Nous sommes désormais dans l’ère du tout, tout de suite,
dans celle du toujours plus et dans celle l’immédiateté médiatique qui empêchent
le plus souvent la mise en place de politiques structurelles à moyen et long
terme qui ne donnent pas de résultats à court terme.
Résultat, les cotes de confiance sondagières s’effondrent à
une vitesse de plus en plus subsonique, ce qui permet une remise en cause
d’élections par une soi-disant démocratie directe qui n’est en réalité qu’un
populisme de mauvaise humeur excité par des démagogues qui ne sont pas
forcément des extrémistes.
La contestation politique se focalise alors sur la légitimité
d’un pouvoir démocratique par la rue et des mouvements qui s’érigent en
contre-pouvoirs autoproclamés (soutenus souvent dès le départ par des
formations politiques de l’opposition) tels le Tea Party aux Etats-Unis ou celui
contre le mariage pour tous en France.
Si François Hollande connaît trop bien cette nouvelle donne,
Barack Obama aussi (même si sa situation personnelle n’a rien à voir), avec,
malgré tout, l’exception notable d’une économie américaine qui va bien mieux
que l’économie française en témoigne encore un taux de chômage à son plus bas
depuis 2008 alors que celui-ci explose en France.
Ainsi, le voilà à nouveau bloqué par les républicains à la
Chambre des représentants mais aussi au Sénat (alors que les démocrates y sont
majoritaires) avec des médias qui se demandent si son second mandat ne sera pas
celui d’un président incapable de mettre en route quelque réforme consistante
que ce soit comme ce fut souvent le cas pour les président réélus avant lui.
Si l’on analyse ses priorités (installer l’assurance santé
après le vote de la loi en 2009, mettre en place une politique de l’immigration
plus efficace, restreindre les ventes d’armes les plus dangereuses, réduire les
déficits publics, réformer la fiscalité pour la rendre plus juste et plus
efficace, adopter une politique énergétique volontariste couplée avec des
objectifs environnementaux majeurs), il est fort possible qu’il ne puisse pas
faire grand-chose.
Sans oublier tous les problèmes qui vont apparaître sans
prévenir dans les quatre ans à venir en particulier sur la scène internationale
ou en matière de terrorisme et qui seront peut-être encore plus difficile à
gérer plus son mandat arrivera à son terme.
Reste que le blocage est une possibilité mais que la
résolution de certaines de ces priorités l’est tout autant.
Dans la configuration actuelle (qui a été souvent celle des
présidents américains), il s’agit d’un rapport de force entre l’exécutif et le
législatif. Et dans cette confrontation, Barack Obama possède trois atouts
majeurs.
Le premier atout est qu’il est nettement plus populaire que
le Congrès et, notamment, que la Chambre des représentants dominée par les
républicains dont les Américains estiment qu’elle fait de l’obstruction
systématique.
Dès lors, la faute à la paralysie de Washington est
attribuée par une majorité d’Américains aux républicains qui savent pertinemment
qu’ils ne peuvent pas faire de cette obstruction une arme anti-Obama sans
qu’elle se retourne contre eux à un moment ou à un autre.
Ainsi, leur refus de la loi sur l’assurance santé
(«Obamacare» dont la Chambre des représentants va voter une nouvelle fois sa
suppression qui sera sans conséquence puisque le Sénat ne suivra pas et
qu’Obama, de toute façon, dispose d’un droit de véto) est à double tranchant
car cette reforme, si elle est majoritairement impopulaire pour l’instant,
contient nombre de dispositions approuvées par l’ensemble des Américains qui y
voient des avancées sociales majeures.
Quant au contrôle plus efficace des armes à feu demandé par
92% des Américains mais rejeté par le Sénat, la mesure n’a même pas été
discutée par la Chambre des représentants, ce qui pourrait valoir quelques
mauvaises surprises aux sortants républicains (représentants et sénateurs) lors
des élections de mi-mandat en 2014…
Sans parler des coupes automatiques dans les dépenses
(«sequester») qui ont été mises en route après que les républicains aient refusé
de s’entendre avec le président sur une gestion des déficits publics et une
réorganisation de la fiscalité.
Le deuxième atout est que les républicains sont obligés de
s’ouvrir aux revendications d’une population de plus en plus métissée pour
pouvoir espérer remporter la prochaine présidentielle (même si la candidature
probable d’Hillary Clinton risque de leur rendre la tâche extrêmement
compliquée).
Ainsi, s’ils veulent attirer la majorité des votes des
latinos et des asiatiques, indispensable pour espérer remporter la Maison
blanche, ils doivent adopter une approche plus positive sur l’immigration,
sujet majeur d’Obama.
Le troisième atout est une embellie réelle de l’économie
américaine (même si elle doit être pérennisée et produire plus de croissance)
qui crédibilise le discours et l’action de Barack Obama.
Bien entendu, il lui faut bâtir une stratégie gagnante pour
que ces atouts produisent leurs effets. Or, après avoir remporté les dernières
présidentielles, il a pu, pendant quelques semaines, les utiliser efficacement
pour faire avancer son «agenda» (programme).
Mais le fait que des mesures de contrôle plus stricts sur la
vente d’armes à feu n’aient pu être votées alors que Barack Obama s’était
engagé fermement en leur faveur a démontré que rien n’était gagné d’avance et
qu’il allait devoir batailler dur pour obliger les républicains à des
compromis, tout en espérant regagner la majorité à la Chambre des représentants
en 2014, tout en ne perdant pas celle au Sénat.
Le challenge est donc relevé. D’autant que Barack Obama
continue de vouloir construire un consensus large autour de ses politiques
centristes, ce qui ne lui facilite pas la tâche.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC