Pour l’un, François Bayrou, il s’agit d’union (ou d’une
unité) nationale. Pour l’autre, Jean-Louis Borloo, il s’agit d’une union (ou
d’une unité) qualifiée de «républicaine».
Les deux leaders centristes veulent que les partis
politiques s’unissent derrière un programme plus ou moins ambitieux.
Derrière cela, il y a une vision centriste évidente mais
aussi des ambitions personnelles et une nécessité d’occuper le terrain ainsi que
de tenter de pallier à un manque criant de crédibilité vis-à-vis de l’électorat.
- La vision centriste: le consensus et le compromis sont
deux mots qui font partie de la vision politique centriste. De ce point de vue,
la recherche du plus large consensus autour d’un compromis acceptable par
l’ensemble de la population et/ou de ses représentants dans une démarche de
juste équilibre est bien un processus centriste.
Pour autant, le Centrisme n’est pas la pensée politique de
l’union nationale ou de l’unanimisme, bien au contraire. Il se bat pour des
valeurs et des principes qui se confrontent à ceux de la Gauche et de la Droite
et, surtout, à une pratique idéologique et clientéliste de ces dernières.
Vouloir faire du Centre le lieu d’une union, nationale ou républicaine, c’est
l’affadir et l’affaiblir, le réduire in fine à un simple lien entre les idées
de gauche et de droite, ce que prétendent depuis toujours ses adversaires.
- Les ambitions personnelles: tous les deux le jurent, ils
ne pensent pas à leur carrière, ni même à leur formation politique mais qu’au
bien de la France. Ils ne demandent rien, sauf d’aider leur pays dans la crise.
Belles envolées lyriques qu’évidemment personne ne croit
tant les deux compères ont de l’ambition et des ambitions élyséennes.
Ces deux propositions visent donc à tenter de leur donner
cette fameuse «hauteur» soi-disant propre à ceux qui ont la capacité et l’aura
de diriger le pays installés au sommet de l’Etat.
Reste qu’en se présentant simplement que comme des
facilitateurs pour ne pas apparaître comme uniquement mue par une ambition
personnelle, ils rabaissent du même coup leur personne qu’ils souhaitaient
élever…
- L’occupation du terrain: elle est indispensable pour les
deux hommes actuellement, soit pour l’un (Bayrou) de ne pas disparaître du
paysage politique, soit pour l’autre (Borloo) de tenter de se faire une place
au soleil.
- La volonté de convaincre une majorité de l’électorat de
l’alternance centriste: la crise économique actuelle et le scepticisme
grandissant des Français vis-à-vis du gouvernement en place ne profite ni aux
partis centristes, ni aux personnalités centristes.
Le Front national et le Front de gauche ainsi que Nicolas
Sarkozy et Marine Le Pen sont les grands gagnants dans les sondages mais aussi
dans les médias.
Dès lors, les centristes doivent démontrer qu’ils sont
également des alternatives à la politique socialiste, mais une alternative
sérieuse et responsable, c’est-à-dire crédible et non dans la gesticulation,
face aux dangers que représentent les extrêmes.
Le morcellement du Centre et les querelles picrocholines
entre centristes ainsi que les récentes débâcles électorales sont ici un
handicap lourd à porter.
En tentant d’apparaître comme ceux qui peuvent réparer la
machine et réunir les hommes, les centristes veulent inverser cette tendance.
Une dernière précision: François Bayrou n’est plus pour
l’union nationale mais pour une «unité nationale»! La différence? Selon lui, la
première inclut le Front national et le Front de gauche tandis que la deuxième
se passe entre réformistes républicains des deux rives»… Chacun appréciera
cette différence sémantique. Pour autant, quand Bayrou parle des deux rives, il
parle de la droite et de la gauche. Mais où est donc le Centre?!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC