Alors qu’il vient tout juste de commencer son second mandat
après avoir été réélu sans équivoque, de nouveau, les accusations fusent à
l’encontre de Barack Obama, notamment depuis que les coupes budgétaires automatiques
sont entrées en vigueur après l’échec des négociations entre la Maison blanche
et la Chambre des représentants, début mars.
Venus de la droite comme de la gauche, celles-ci prétendent
que le président des Etats-Unis n’est pas (ou plus) un centriste mais qu’il a,
soit opéré un tournant à gauche (selon les conservateurs), soit mis de l’eau
dans son vin démocrate pour séduire les républicains (selon les liberals).
Qu’en est-il?
Il est vrai que Barack Obama campe sur des positions bien plus
fermes aujourd’hui face aux républicains. Mais la faute à qui et pourquoi? Ce
sont ces mêmes républicains qui ont tout fait pour radicaliser les deux camps
depuis 2009. Et lorsque Barack Obama a fait des gestes vers leurs positions, à
chaque fois, ils en ont profité pour lui en demander plus, c’est-à-dire de
pencher nettement sur sa droite.
On ne peut donc pas le blâmer, après avoir été réélu par ces
concitoyens et voyant ses thèses largement approuvées, d’adopter un
positionnement de départ plus au centre-gauche afin de n’avoir pas à céder trop
de terrain, in fine, lors des négociations avec des républicains toujours
majoritaires à la Chambre des représentants et qui ont, une nouvelle fois,
décidé de faire de l’obstruction car celle-ci est le dernier ciment qui leur
reste entre eux, eux qui sont de plus en plus divisés entre les réalistes (qui
ne veulent plus s’enfermer dans de l’idéologie stérile qui continuera à leur
faire perdre la majorité des voix aux élections, ce qui a été le cas en
novembre 2012, même à la Chambre des représentants où ils n’ont gardé leur
majorité que grâce aux découpages honteux des circonscriptions réalisées par
les organes législatifs de chaque Etat) et les idéologues (qui ne parlent que
de «pureté» et de ligne politique sans concession contrairement au jeu
politique traditionnel américain du consensus issu de la Constitution même des
Etats-Unis qui a mis en place un système de balance des pouvoirs).
Mais, il est vrai aussi que Barack Obama a continué à
affirmer qu’il était ouvert à un vrai compromis avec les républicains,
notamment sur la réduction des déficits par un équilibre entre coupes
budgétaires dans tous les domaines et augmentation des impôts des plus riches
afin de ne pas compromettre la reprise économique que connait actuellement le
pays.
De ce fait, il a été immédiatement accusé par la gauche du
Parti démocrate de vouloir, une nouvelle fois, abandonner les programmes
sociaux et favoriser les entreprises au détriment des plus pauvres.
En réalité, le changement le plus notable dans la politique
de Barack Obama n’est pas le fond mais la forme.
Pendant quatre ans, même quand il avait une majorité
démocrate à la Chambre des représentants jusqu’en 2010, il a tendu la main aux
républicains, même s’il ne l’a pas fait de la manière traditionnelle pratiquée
à Washington en faisant semblant d’être ami avec ses opposants, ce que ces
derniers ainsi que les médias lui ont reproché.
Il faut dire qu’Obama croit en la politique et estime
qu’elle ne sort pas grandie si elle ne devient qu’un spectacle.
Dans un monde de communication, c’est un handicap, lui que l’on
présente pourtant (et à tort) comme un communiquant hors pair en faisant
référence à ses deux campagnes présidentielles et à son utilisation d’internet
et des réseaux sociaux.
Car il est avant tout un homme de conviction avant d’être un
bateleur de foire.
Toujours est-il qu’il a constaté amèrement que ses
ouvertures ont été, à chaque fois, l’occasion pour ses opposants de droite mais
aussi de gauche, de tenter de l’affaiblir et de le déconsidérer auprès des
électeurs.
Rappelons ainsi qu’en 2209, il avait voulu laisser au
Congrès (Chambre des représentants et Sénat) le soin de structurer la loi sur
l’assurance-santé à partir des grandes lignes qu’il avait défendues pendant la
campagne présidentielle afin de trouver le plus large consensus possible.
Résultat, les républicains avaient fait de l’opposition
systématique, avaient joué la montre et avaient monté des opérations de
communication mensongères et indignes (comme par exemple, sur les «panels de la
mort») qui ont abouti, entre autres, à l’émergence du Tea Party et à ses
outrances.
De leur côté, les démocrates de gauche n’avaient pas cessé
de dénoncer en Barack Obama un démocrate conservateur, certain allant même
jusqu’à dire qu’il était plus à droite que nombre de républicains!
Dès lors, à l’entame de son second mandat – qui est pour lui
tout aussi important que son premier, voire plus, car il légitime son action et
n’en fait plus une curiosité historique, «le premier noir à la Maison blanche»
-, il refuse de se faire coincer entre ces deux oppositions, surtout de
permettre aux républicains de bloquer son action réformatrice qu’il veut mener
dans de nombreux domaines (élections, contrôle des armes à feu, programmes
sociaux, immigration, etc.).
Evidemment, il n’est pas sûr qu’il puisse réussir à sortir
de cette nasse. Nombre de médias et de commentateurs sont sceptiques sur ses
chances de réussite. Pour autant, il ne faudrait pas l’enterrer trop vite car
on oublie trop souvent ses nombreux succès et à l’heure du bilan, honnête, on
verra sans doute qu’il a beaucoup plus agi que certains ne le prétendent
actuellement.
Reste que sa politique demeure aujourd’hui dans ses
fondements ce qu’elle était au moment où il devint le 44° président des
Etats-Unis, centriste. Et cela ne plaît vraiment pas à tout le monde. Comme d’habitude…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC