2013 sera-t-elle l’«annus mirabilis» (l’année miraculeuse) du
Centre en France?
En tout cas, après une année 2012 où les mots «union»,
«réunion», «refondation», «réunification», «confédération» ont été utilisés à
tire-larigot sans qu’il y ait, en fin de compte, la création d’un grand parti
centriste tant espéré, les douze prochains mois seront indubitablement placés
sous le signe d’une reconstruction impérative et incontournable si les partis
centristes veulent pouvoir peser sur la politique du pays dans les années à
venir.
Du côté du Mouvement démocrate, le dilemme risque bien de se
résumer à «la reconstruction ou la disparition» (au mieux la marginalisation
groupusculaire).
Du côté des partis centristes qui ont rejoint l’UDI (Nouveau
centre, Alliance centriste, FED), la question sera de savoir s’ils sont en
train de reconstruire un centre-droit ou s’ils ont atterri dans une UMP bis
dirigée par Jean-Louis Borloo.
Mais cette reconstruction ne s’annonce pas aussi facile que
cela car la prise de conscience des leaders centristes de l’urgence à la mettre
en route reste largement à venir.
Ainsi, pour ceux qui ont eu le courage de regarder les vœux présentés
par ces leaders (ceux qui en ont fait), il faut d’abord retenir qu’aucun d’eux
n’a prononcé une seule fois les mots Centre, centriste et Centrisme, ce qui devient
décidément une très fâcheuse habitude.
Evidemment, vu ces absences, la reconstruction de l’espace
centriste n’a été abordée par aucun d’eux.
En revanche, que ce soit François Bayrou, Jean-Louis Borloo
ou Hervé Morin, chacun a affirmé à sa façon que la France avait des
potentialités énormes mais que tout va mal actuellement, ce qui les empêche
d’être utilisées.
Pour Bayrou, assis devant des rayonnages de livres, il y a trois
vertus qui permettront de s’en sortir, la lucidité, la volonté et l’unité,
cette dernière faisant à nouveau référence à son union nationale qu’il est le
seul à promouvoir.
Pour Borloo, les Français doivent «résister» en cette année
2013 et s’en remettre au seul parti digne de ce nom, l’UDI, dans un clip tout à
sa gloire (à Borloo, bien entendu!).
Pour Morin, dans une vidéo toujours aussi décalée (plus dans
sa cuisine mais en pleine campagne normande), il s’agit de «foutre la paix» aux
Français dans une réinterprétation excessivement néolibérale de la devise
nationale, «Liberté, égalité, fraternité», puisque même ce dernier mot signifie
selon lui, une simple «fraternité d’hommes» et non quelques aides concrètes et
matérielles aux plus démunis…
La chance des partis centriste est que 2013 sera une année
sans élection. Ils doivent donc en profiter pour se réorganiser et se
(re)construire dans la sérénité, l’application et le sérieux.
Bien sûr, il est peu probable que le Mouvement démocrate
fusionne avec l’Union des démocrates et indépendants. De même, rien ne garantit
encore que cette dernière n’implosera pas.
Néanmoins, sans être totalement unis, les centristes
peuvent, à la fois, préciser leurs positionnements sur les grandes questions
actuelles et trouver, éventuellement, des passerelles entre eux.
Car il existe une incongruité politique flagrante: les
centristes ont l’air plus capable de parler avec les partis de gauche
(Mouvement démocrate) et de droite (UDI) qu’entre eux!
Ainsi, l’alliance «naturelle» du centre-droit n’est pas avec
l’UMP, comme le déclament sans cesse tous les responsables de l’Union des
démocrates et indépendants, mais bien avec le Centre (voire le centre-gauche).
Ce qui sépare le MoDem de l’UDI est certes réel mais bien
moins que ce qui sépare cette dernière de l’UMP.
C’est en tout cas ce que pensent la grande majorité des
militants, sympathisants et électeurs centristes.
Parlant de l’UMP, une des grandes inconnues sera de savoir
ce que va devenir son pôle centriste. Pas forcément en 2013 (où aucune élection
ne sèmera la zizanie à l’intérieur du parti de droite) mais, à moyen terme,
lorsque les centristes umpistes se rendront une nouvelle fois compte qu’ils ne
sont que la cinquième roue du carrosse et, ce, même s’ils vont pouvoir s’exprimer
plus facilement cette année grâce à la reconnaissance des courants promise par
le président en sursis, Jean-François Copé.
Il semble assez naturel que, si l’UDI réussit à se
construire dans la durée, ces centristes la rejoignent tôt ou tard (même si ce
qui est naturel ne le semble pas toujours aux centristes…).
En revanche, si l’UDI faillit, ce qui demeure une option au
vu des différents échecs de ces dernières années dans la réunion des centres,
les centristes de l’UMP ne devraient pas reprendre leur liberté qui serait
synonyme pour eux de perte de mandats électoraux et disparition à terme.
Quant à tous ceux qui estiment que le débat n’est plus de
savoir si l’UDI sera un succès ou un échec mais qu’elle est bien une nouvelle
force qui compte, rappelons-le que la seule élection à laquelle a été confronté
le parti de Jean-Louis Borloo, s’est soldée par l’échec de son député sortant
dans le Val-de-Marne fasse à un UMP dissident qui n’avait même pas
l’investiture de son parti!
Enfin, 2013 sera peut-être l’occasion d’un rapprochement (ou
même d’un ralliement) entre François Bayrou et François Hollande.
Les difficultés que devraient rencontrer le gouvernement au
cours de l’année qui vient avec une montée du chômage et une croissance atone,
le tout sur fond de défiance de plus en plus grande des Français, pourrait
amener le Président de la république à vouloir, non pas élargir sa majorité (le
MoDem n’a que deux élus…) mais l’ouvrir à une composante centriste qui lui
servirait de caution politique.
Pour François Bayrou, ce serait un risque mais aussi le
moyen de compter à nouveau dans le paysage politique et de redonner vigueur à
son parti, surtout à son ambition présidentielle.
In fine, 2013 sera, à n’en pas douter, une année vérité pour
les partis centristes. A eux de se saisir des opportunités qu’ils ont tant de
fois manquées les années précédentes.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC