A l’orée de 2013, nous disions que celle-ci serait une année
décisive pour le Centre et les partis centristes dans la reconstruction d’un
espace centriste après la déculottée des élections présidentielles et
législatives de 2012.
Une année sans élections nationales qui devaient permettre l’amorce
de tentatives de rapprochement des centristes comme de celles de positionnements
politiques spécifiques sans autre pression que de se préparer à 2014 et aux
scrutins municipal et européen.
Tout cela a eu lieu comme prévu avec une réunion entre l’UDI
de Jean-Louis Borloo et le Mouvement démocrate de François Bayrou même si les
interrogations demeurent sur sa pertinence et sa durée.
- L’Alternative
ou plutôt «UDI-MoDem: le Centre, l’Alternative» qui est la vraie dénomination
de cette «organisation coopérative» a donc vue le jour le 5 novembre dernier
devant un parterre de journalistes qui ont assisté à un show d’un François
Bayrou très à l’aise et à une intervention bien pâle d’un Jean-Louis Borloo
emprunté, se succédant à la tribune pour annoncer leur union.
Celle-ci a été pour le moins rapide à se conclure, trop
rapide pour certains centristes, que ce soit du côté de l’UDI ou du Mouvement
démocrate, qui craignent une alliance superficielle et sans consistance,
surtout uniquement électoraliste.
Si l’on peut effectivement se demander qu’elle est la
véritable assise politique et programmatique de l’Alternative, tant les discussions
ont été nébuleuses et tant les discours demeurent éloignés sur certaines
questions, il est évident que l’alliance des deux partis du centre de l’échiquier
politique français est électoraliste, plus une question d’existence même, si ne
‘est encore existentielle, tellement les résultats des sondages concernant l’UDI
et le Mouvement démocrate demeurent désespérément médiocres.
D’ailleurs, une première réponse sur les capacités de l’Alternative
d’en être vraiment une face au PS et à l’UMP (l’allié «naturel») a été donné
dans l’incapacité dans de très nombreuses villes de voir l’UDI et le MoDem s’alliés
dans une liste commune uniquement centriste pour les prochaines municipales et
devant faire alliance dès le premier tour avec l’UMP.
Paris est évidemment le cas emblématique de ces difficultés
de peser politiquement et électoralement tout en étant une épine dans le pied
de l’UMP qui craint que les listes de l’Alternative, que ce soit aux
municipales ou aux européennes, permettent au Front national de devancer la
formation de droite.
L’Alternative serait donc, pour l’instant, plus forte par
son pouvoir de nuisance que par son pouvoir d’attraction.
Cette analyse sera évidemment au cœur des commentaires sur
les résultats des deux échéances électorales de 2014.
Encore un mot sur cette «organisation coopérative» qui a
permis à l’UDI et au Mouvement démocrate de s’unir. Jusqu’à maintenant, elle n’a
pas réussi à débaucher plus que quelques personnalités éparses chez les centriste
de l’UMP (comme Pierre Méhaignerie) et aucune du côté du centre-gauche.
De ce point de vue, son pouvoir d’attraction à l’intérieur
même de la mouvance centriste est demeuré très limité en 2013.
- François Bayrou
n’y arrive plus, Jean-Louis Borloo n’y
arrive pas encore
On avait laissé, fin 2012, un François Bayrou battu et en
plein doute mais pas encore résigné à abandonner son «indépendance», d’un côté,
et de l’autre, un Jean-Louis Borloo plein d’espoirs, affirmant avoir conquis
son «indépendance» mais toujours aussi velléitaire.
Le premier avait perdu les présidentielles et les
législatives, ne parvenant pas à être le partenaire qu’il rêvait d’être de
François Hollande et de la Gauche tout en continuant à perdre des troupes au
centre.
Le second avait bien mis en place l’UDI en récupérant des
partis centristes en plein désarroi et déliquescence mais tardait à s’imposer
comme chef d’autant que son positionnement politique demeurait flou (de droite,
de centre-droit, de droite modérée, du centre, radical, républicain?).
Un an après, François Bayrou a perdu le match de la
prééminence au centre de l’échiquier politique et tente de gagner celui du
leadership dans le nouvel ensemble de l’Alternative.
Jean-Louis Borloo a bien gagné le match de la prééminence au
centre mais il a été incapable de s’imposer comme le leader «naturel» des
centristes.
La bataille du leadership au centre a, néanmoins, été lancée
en 2013 avec la création de l’Alternative.
Le gagnant sera, évidemment dans notre système constitutionnel
de la V° République, celui qui représentera cette Alternative (si elle existe
encore…) à la présidentielle de 2017.
Au vu de ce qui s’est passé en 2013 et notamment les deux
derniers mois de l’année, François Bayrou a pris une petite avance médiatique
sur Jean-Louis Borloo. Pas sûr, en revanche, qu’il soit encore capable de
mobiliser des troupes dans quatre ans pour être un outsider crédible à la
présidentielle après, rappelons-le, trois tentatives ratées où il n’a jamais pu
se qualifier pour le deuxième tour malgré son bon score de 2007.
- Hervé Morin
cherche une porte d’entrée, Jean-Christophe
Fromantin une porte de sortie
Chez les seconds couteaux centristes qui se retrouvent dans
l’Alternative, deux sont en porte-à-faux pour des raisons diamétralement différentes.
Il y a d’abord Hervé Morin, le président du Nouveau centre
et vice-président de l’UDI qui ne parvient pas à exister face à Bayrou et
Borloo et ce, malgré des déclarations à l’emporte-pièce et parfois
surréalistes, afin d’attirer l’attention des médias.
Incapable d’exister de manière autonome lorsqu’il était à l’UDF
de Bayrou, ministre de la Défense sans grands pouvoirs de Nicolas Sarkozy, chef
très contesté d’un Nouveau centre incapable de se structurer en grand parti,
second rôle à l’UDI face à un homme qu’il déteste, Jean-Louis Borloo, son
avenir semble assez bouché.
Sans oublier ses déboires lors de la présidentielle de 2012
(1% d’intentions de vote ou moins, incapacité de réunir les 500 signatures
nécessaires pour se présenter alors que Jacques Cheminade y parvint).
On le comprend, 2014 sera une année cruciale pour Morin s’il
ne veut pas disparaître des écrans radars de la politique spectacle et se
cantonner à être un «simple» député du département de l’Eure.
Pour Jean-Christophe Fromantin, 2014 est également l’année
de tous les dangers où il va devoir s’affirmer comme un homme politique de
premier plan, capable de se faire (re)connaître au-delà de sa ville de
Neuilly-sur-Seine et de voler de ses propres ailes tellement sa présence à l’UDI
semble incongrue.
Les prochaines municipales vont être son premier test. On se
rappelle qu’il avait réussi contre toute attenter à enlever la mairie aux
proches de Sarkozy, le «parrain» politique de la ville et alors fraîchement élu
président de la république, lors des municipales de 2008 avec une liste
indépendante de droite.
Fromantin est devenu ensuite député en 2012 tout en
rejoignant l’UDI et devenant le responsable du projet politique.
Tout semblait lui sourire. Mais l’homme est un loup
solitaire avec des idées bien arrêtées qui sont souvent fortement éloignées de
celles de Jean-Louis Borloo, son président, et même de celles du Centre.
Il y a donc de l’eau dans le gaz, d’autant qu’il a combattu
et qu’il combat toujours avec une grande énergie la mise en place de l’Alternative
et le rapprochement avec Bayrou, homme pour lequel il n’a aucune sympathie, ce
qui est un euphémisme.
De l’autre côté, l’UMP veut lui faire payer sa transgression
de 2008.
Du coup, il pourrait être un des grands perdants de l’année
qui vient.
Mais s’il gagne ses challenges alors il prendra sans doute
une nouvelle dimension politique, pas forcément au centre de l’échiquier
politique malgré tout.
Reste, pour autant, à ce qu’il développe un discours
politique plus consistant.
- Jean-Christophe
Lagarde, éternel espoir?
Le député-maire de Drancy avait réussi une année 2012
particulièrement prometteuse en créant une formation politique (FED) et en
étant un des artisans principaux de la création de l’UDI aux côté de Jean-Louis
Borloo.
Celui qui est vu comme un espoir du Centre depuis plusieurs
années a, malgré tout, eu du mal à sortir du lot en 2013.
Evidemment, la faiblesse des partis centristes ne permet pas
une exposition médiatique forte mais Jean-Christophe Lagarde est demeuré dans l’ombre
de Jean-Louis Borloo même s’il a critiqué plusieurs fois le manque de
consistance politique de ce dernier.
Et la création de l’Alternative, le voit maintenant
derrière, non seulement, Borloo mais aussi Bayrou.
Dès lors, l’année qui vient de passer n’aura pas été celle
de son éclosion sur la scène politique. Pire, elle pourrait annoncer son déclin
s’il ne trouve pas l’énergie nécessaire pour exister face à ses deux rivaux.
- Quid des centristes
de l’UMP
Devant le rapprochement de l’UDI et le Mouvement démocrate,
plusieurs centristes de l’UMP ont marqué leur intérêt mais pas plus. Peu d’entre
eux ont rejoint la nouvelle entité qui ne deviendra attrayante que si elle
obtient des résultats électoraux.
Mais si Jean-Pierre Raffarin ou quelques autres se sont montrés
affables avec l’Alternative, d’autres comme Jean-Philippe Daubresse, ont musclé
leurs discours qui a plus à voir désormais avec celui de la droite dure que du
centre-droit, rappelant que les opportunistes au centre de l’échiquier
politique sont toujours d’actualités...
Pour autant, en 2013, l’UMP n’a globalement pas perdu ses
centristes ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’Alternative qui doit
absolument en convaincre un certain nombre en 2014 pour passer un cap politique
indispensable.
- Où sont les nouvelles
têtes?
Soyons clairs et succincts, il n’y a eu aucune nouvelle tête
centriste qui a émergé en 2013.
Ce sont plutôt les vieux de la vieille qui ont tenu le haut
du pavé, de Borloo à Bayrou en passant par Raffarin.
Dans ce registre (même si on ne voit poindre aucune tête
particulière), vivement 2014!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC