Dans la théorie libérale qui est un des piliers de
l’Humanisme et du Centrisme, l’individu se possède et peut donc se vendre (en
particulier sa «force de travail»). Cette vision lui permet de s’appartenir et
de ne plus être la possession d’autres comme sous la féodalité ou dans des
sociétés totalitaires où il doit une obéissance complète et aveugle à l’Etat.
Elle a permis de justifier les révolutions et autres
émancipations qui ont mis en place des régimes démocratiques.
Mais elle pêche par une conception trop utilitariste de
l’humain et basée sur une vision avant tout économique.
C’est pourquoi j’ai toujours préféré la notion où l’être
humain «est», c’est-à-dire qu’il ne se possède pas mais que le fait qu’il
existe fait de lui un être unique et impossible à asservir par d’autres.
L’être précède l’avoir. Il faut être pour avoir.
Nous rejoignons ici plutôt les valeurs chrétiennes, autre
pilier de l’Humanisme et du Centrisme, qui ont débouché sur le personnalisme et
la reconnaissance qu’un individu est, dans la société, une personne qui dispose
de lui-même et, surtout, est lui-même ce qui lui confère des droits et l’inaliénabilité
de son existence et de sa différence.
Ce rappel est primordial si l’on veut aborder la question
essentielle de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour
autrui (les «mères porteuses») et de l’adoption des enfants, ce fameux «droit
à» l’enfant qui se télescope de plus en plus avec le «droit de» l’enfant.
Pouvoir acheter une voiture, quand on a l’argent pour, celle
que l’on veut, quand on veut et pour en faire ce que l’on veut (sauf foncer sur
les autres pour les tuer!), c’est une liberté fondamentale.
Pouvoir avoir un enfant est aussi une liberté mais elle se
régule évidemment avec le fait que l’enfant n’est pas un objet de désir (ou
utilitaire) mais un être humain.
Néanmoins, ne soyons pas, non plus, angéliques. Les enfants
sont trop souvent les laissés pour compte dans la société.
Les moyens pour éviter la pédophilie, les mauvais
traitements, la prostitution sans même parler des accidents ou des traumatismes
psychologiques sont dérisoires pour des êtres que nous prétendons être
au-dessus de tout et pour lesquels nous déclarons que nous serions prêts à tout
sacrifier, même notre existence.
Pour autant, nous pouvons prétendre que tout cela fait
partie de cette vie dangereuse qui nous entoure et que nous tentons, malgré
tout, d’éviter le pire.
Ce n’est pas du tout le cas lorsque l’Etat et la société
légifèrent sur le «droit à» l’enfant en mettant en avant le désir d’avoir un
enfant avant même le bien-être de l’enfant.
Ainsi de l’adoption, de la gestation pour autrui (interdite
en France) et de la procréation médicale assistée.
Un enfant adopté est souvent plus heureux dans sa nouvelle
famille que dans un orphelinat (ou dans sa famille qui l’a abandonné). De même,
un enfant né grâce à la gestation pour autrui ou par les techniques diverses de
procréation assistée est souvent aimé encore plus parce qu’il était vraiment
désiré.
Cependant, tout est-il possible dans ces domaines?
Bien sûr que non.
Parce que le désir manifesté par des adultes d’avoir un
enfant grâce à l’adoption ou à la procréation médicale assistée doit d’abord
être un désir de parent et pas un désir de consommateur.
Avoir un enfant en tant que parent c’est avoir une
responsabilité dans ce qu’il est, ce qu’il va devenir ainsi que sur son
bien-être et sa sécurité, c’est lui donner de l’amour.
En tant que consommateur, il s’agit alors seulement de
contenter un désir.
L’amour des enfants et non le désir d’enfant qui doit être
évidemment le critère de référence. Aimer les enfants c’est les respecter et
vouloir leur bien. Désirer un enfant c’est avant tout vouloir un enfant pour
soi.
Bien sûr, et je l’ai déjà écrit ici, il est très difficile
de faire la part des choses, de sonder l’âme des individus pour savoir s’ils
sont plus dans une démarche de parent ou de consommateur.
Reste que cette règle doit être sous-tendue dans chaque cas
d’adoption ou de procréation médicale assistée.
Dès lors, la question de savoir si les couples homosexuels
peuvent avoir des enfants et être considérés comme deux parents, doit être
passée au crible de l’intérêt de l’enfant et non de l’envie des adultes.
Au moment où l’on brandit à tout va cette notion si
controversée de «principe de précaution» que Jacques Chirac a fait inscrire
dans la Constitution et dont la gauche se sert à tout va, il est pour le moins
étonnant que ceux qui ont le plus de valeur pour une société, les enfants, en
soient exclus.
Car rien ne prouve sans doute les effets néfastes de l’homoparentalité.
Rien ne prouve le contraire, non plus.
Comme l’explique le docteur Guillaume Fond dans une étude qu’il
a réalisé sur le sujet pour l’INSERM, «à ce jour, aucune étude n’a pu démontrer
que l’homoparentalité était un facteur de risque. Mais aucune étude n’a pu
faire de comparaison avec un ‘groupe de contrôle’ suffisamment important».
N’est-ce pas cette situation d’absence de preuve du côté des
«pour» comme du côté des «contre» qui fait qu’en France les OGM sont interdits
au nom du principe de précaution?!
Le Centrisme défend la liberté, mais une liberté dans la
responsabilité et le respect.
Aujourd’hui, l’homoparentalité se heurte à la responsabilité
parentale que nous avons évoquée plus haut et, surtout, au respect de l’enfant.
Se dire opposé à celle-ci n’est donc ni un conservatisme, ni
une réaction ou un retour en arrière.
C’est tout le contraire, c’est faire partie de ce mouvement
qui, depuis deux cents ans, travaille à l’émancipation des enfants dans la
société, qui a permis l’adoption de nombreuses législations à travers le monde
pour lui donner une identité juridique et le protéger contre tous les abus dont
il était victime de la part de la société (et dont il est toujours victime).
Il a abouti à la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant
de 1924 puis à la Déclaration des droits de l’enfant de 1959 ainsi qu’à la Convention
internationale des droits de l’enfant de 1989, adoptées toute deux par les
Nations Unies et signées par la France.
Cette dernière convention dit, explicitement, dans son
article 3 aliéna 1: «dans toutes les décisions qui concernent les enfants,
qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection
sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs,
l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.»
Nous sommes là dans le cœur du débat.
Et en l’absence de réponse claire, l’homoparentalité est un
risque potentiel qui doit engendrer automatiquement une protection de l’enfant
à son encontre.
C’est la réponse humaniste et centriste.