samedi 10 novembre 2012

Une Semaine en Centrisme. Alliance centre-droit / droite dure: Mitt Romney-Jean-Louis Borloo, même combat

On dit parfois que le paysage politique outre-Atlantique n’a rien à voir avec celle qui se pratique en Europe et particulièrement en France.
La victoire de Barack Obama pourrait le laisser supposer puisque pratiquement tous les responsables politiques français (et européens), sauf ceux situés à la droite extrême et à l’extrême-droite, ont souhaité que le président sortant fasse un nouveau mandat.
Cette vision d’une dichotomie entre les systèmes américains et européens est largement erronée, relevant avant tout d’une culture politique très déficiente de la part des politiques mais aussi des médias.
Du côté de la mouvance du Centre, il est très intéressant de noter que le président de l’UDI, Jean-Louis Borloo, qui prône en France une alliance entre le centre-droit et la droite dure, se soit ouvertement félicité de la réélection de Barack Obama dont la stratégie électorale est aux antipodes de la sienne…
Car, ce que prône monsieur Borloo ressemble beaucoup à l’alliance mise en place par Mitt Romney entre le centre-droit et la droite dure.
Une alliance qui pose des questions essentielles aux modérés qui en font partie comme l’a montré la campagne et les résultats de l’élection américaine.
Ainsi, le message qui a dominé toute la campagne de Romney a été celui de la droite dure, celle qui, aux Etats-Unis comme en France, remet en cause de nombreux acquis sociaux, discute du bien fondé de la contraception et de l’avortement, demande une politique de complète dérégulation en matière économique et refuse de s’ouvrir à des réformes sociétales comme la légalisation du mariage homosexuel, environnementales comme la mise en place d’une vraie politique pour les énergies renouvelables ainsi que de mesures contre le réchauffement climatique et sociales comme l’ouverture plus grande à l’immigration, non pas seulement pour des raisons humanitaires mais aussi parce que le pays doit absolument s’ouvrir pour attirer les compétences venues du monde entier.
Bien sûr, le candidat républicain a tenté de faire entendre, en fin de campagne (notamment lors des trois débats télévisés) la petite musique du centre-droit mais elle a été souvent couverte par la grosse caisse fort bruyante de la des conservateurs purs et durs et elle n’a été perçue, la plupart du temps, que comme un simple discours opportuniste afin de récupérer les voix centristes.
Cette stratégie de coller le centre-droit à la droite dure et de plaire aux électeurs les plus radicaux a été un échec dont le Parti républicain va avoir du mal à se remettre et, surtout, va devoir analyser correctement pour ne pas demeurer dans l’opposition au cours des prochaines décennies.
D’autant que, l’électorat de Mitt Romney est apparu comme celui du passé des Etats-Unis et non de son avenir, un handicap qui guette fortement les partis de droite en France.
Jean-Louis Borloo n’est évidemment pas sur ces positions ultras. Mais Mitt Romney non plus comme le démontre la plus grande partie de sa carrière politique. En revanche, tous deux estiment que leur alliance naturelle est avec la droite ce qui inclut la droite extrême (mais pas l’extrême-droite).
Ce que révèlent les résultats de la présidentielle américaine, c’est que cette stratégie impose au centre-droit de se droitiser et non le contraire, à la droite de se recentrer.
De même, en ne posant guère de conditions à son ralliement, le centre-droit, plus faible que la Droite, se met dans la quasi-impossibilité d’imposer sa vision d’une société, plus ouverte et plus humaniste.
Le président de l’UDI ne pourra parvenir à renverser cette tendance forte que d’une seule manière, en faisant en sorte, comme il le prétend, que sa formation devienne hégémonique dans la sphère de la Droite.
Mais, pour cela, il lui faut refaire le coup de Mitterrand aux communistes dans les années 1970: s’allier avec eux pour mieux les supplanter et les marginaliser afin qu’ils ne soient plus qu’une force d’appoint.
C’est très exactement le schéma que Jean-Louis Borloo a dans la tête. Peut-être y parviendra-t-il. Mais l’UDI d’aujourd’hui est loin encore d’être le PS d’Epinay.
De même, la Droite n’est pas en voie de disparition et ne se laissera pas faire.
Dès lors, la question principale est de savoir si Jean-Louis Borloo aura les reins assez solides. Mitt Romney, lui, ne les avait pas…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

Vue du Centre. La victoire de Barack Obama et la génération «post-partisane»

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Olivier Nataf, Vice-Président MoDem Etats-Unis, membre co-fondateur des «Démocrates d’Amérique du Nord», et auteur du blog politique «Des Mots Crates» (www.desmotscrates.com)

Le Centre est une conviction, pas une hésitation. Ca n’est pas «ni gauche ni droite», ou «un peu de gauche un peu de droite», c’est une troisième voie différente et indépendante. En France depuis trente ans, la gauche et la droite se sont succédées au pouvoir et ont entrainé le pays dans une spirale d’alternance, un manque dramatique de continuité dans l’action publique et aucune place pour l’alternative équilibrée qui pourrait nous faire aller de l’avant.
«Aller de l’avant»… «Forward»… était le thème de la campagne qui a permis la réélection du Président Barack Obama. Après avoir passé les quatre dernières années à empêcher les Etats-Unis de sombrer dans la récession tout en mettant en place les fondations du redressement productif, l’heure et venue pour le Président Obama de concrétiser l’espoir (Hope) et le changement (Change we can believe in) qui l’avaient fait élire en 2008.
Car nous l’avons bien vu, dans le royaume du bipartisme que sont les Etats-Unis, on a vite fait de rendre le gouvernement impuissant et paralysé devant les décisions majeures qui doivent être prises. Il n’y a pas de Centre aux Etats-Unis, mais il existe chez certains politiciens une volonté, mise à rude épreuve, de dépasser la division démocrate-républicain. Obama a essayé, il a échoué.
Sur la base de ces premières remarques, je pense que l’on peut se rendre compte de l’importance du pluralisme et de l’équilibre que représente le Centre pour deux raisons principales, mais qui différent un peu dans nos deux pays.
D’abord pour le déblocage partisan et donc une réelle possibilité de progrès, ce qui est valable aussi bien pour la France que pour les Etats-Unis.
Ensuite, pour le choix d’un projet de société moderne, fondé sur la liberté d’entreprendre, la solidarité, la responsabilité, qui existe aux Etats-Unis avec les démocrates, mais qui doit encore émerger en France face au socialisme et au néolibéralisme qui caractérisent nos deux principaux partis et leurs alliés.
En schématisant et en se basant sur notre modèle français, on pourrait dire que la France a une gauche et une droite, et les Etats-Unis un centre et une droite. On voit donc bien la limite de ce vocabulaire à deux dimensions car, en fonction du pays, les projets et les idéologies qui se cachent derrière les positions gauche-centre-droit peuvent être bien différents.
Je n’ai jamais cru en la victoire de Mitt Romney, mais je me suis quand même trompé: j’avais prévu une grande défaite pour lui.
C’est incroyable de se dire que la principale raison pour ce score serré, au moins sur le plan du vote populaire (51% vs. 49%), est sans doute la bonne performance de Romney et le raté d’Obama au premier débat. Je crois pouvoir dire que jamais un débat n’a eu autant de poids sur une élection américaine, et je continue à croire que c’est pour une raison bien précise: Romney y a gagné une dimension essentielle à tout homme qui prétend devenir le leader d’un de nos pays, la légitimité (d’ailleurs celle du nouveau président français peut se discuter, ce qui expliquerait pas mal de choses). Le manque d’engouement dans le camp républicain durant la primaire, et la profonde conviction qu’il ne tiendrait pas face au Professeur Obama lui ont finalement donné une opportunité de montrer très simplement une dimension d’homme d’Etat juste en tenant tête au président, lui-même absent lors de ce premier débat.
Mais attardons-nous plutôt sur le nombre de votes, et l’analyse change quelques peu. Romney a obtenu 2 millions de votes de moins par rapport à McCain en 2008. Vous me voyez venir, cela signifie qu’Obama 2012 a perdu 9 millions de voix par rapport a Obama 2008. Les américains ont donc moins voté qu’en 2008 ou même qu’en 2004 (Bush/Kerry), mais surtout ont beaucoup moins soutenu le candidat Obama, président sortant.
Cette victoire, il semble cependant la devoir au fait que l’Amérique ait changé, plus qu’au fait qu’il ait changé l’Amérique.
En effet, les journalistes américains ne parlent que de ça, cette analyse qui fait l’effet d’une sonnette d’alarme pour les républicains. D’abord, Obama a été élu grâce aux femmes qui représentent 54% des votants et ont voté à 55% pour Obama. Ensuite les latinos, le groupe ethnique dont la population croît le plus rapidement aux Etats-Unis, lui ont donné des Etats comme le Colorado, le Nevada et la Floride, traditionnellement très disputés voire à tendance républicaine. Enfin, les jeunes qui sont encore allés voter en masse (mais moins qu’en 2008) ont contribué à sa victoire dans des Etats clefs comme l’Ohio. Une grande question est donc sur les lèvres de nombreux journalistes: quel est le poids des hommes blancs dans les élections américaines de nos jours? Et d’autres questions s’empressent de suivre, par exemple: que doivent faire les républicains pour regagner la confiance des femmes, des jeunes, des hispaniques, mais aussi des banlieues qu’ils avaient tendance à gagner avant (en général lieu de vie des plus aisés) mais qu’ils ont perdu à des endroits stratégiques cette année (ce qui est lié aussi au vote des femmes)?
Au delà de ces calculs, et une fois la gueule de bois des républicains et l’ivresse des démocrates passées, il restera la situation d’avant-hier: un pays très divisé, un Sénat confirmé par les démocrates avec trois sièges supplémentaires (grâce à des femmes nouvellement élues), une Chambre des représentants toujours sous contrôle républicain, et des décisions urgentes sur la dette publique et le budget avant la fin de l’année. Le jeu partisan de l’année dernière avait fait perdre aux Etats-Unis leur fameux triple A, l'agence de notation Standard and Poor's jugeant à l’époque que les disputes partisanes représentaient un risque pour l’économie américaine.
Dès le lendemain de l’élection, le président a eu au téléphone les représentants démocrates et républicains du Senat et de la Chambre pour les appeler à travailler ensemble. Un pas que nous avons bien du mal à faire en France, malgré les risques avérés que cela représente.
Barack Obama à maintenant une chance de rentrer dans l’histoire par la grande porte, en passant d’un statut de symbole à celui de grand Président des Etats-Unis. Le Reagan des démocrates, le Kennedy des temps modernes, l’Obama de la génération future – la génération post-partisane.
Olivier Nataf