Pour les médias américains, le centre politique se trouve
évidemment quelque part à équidistance des deux principales formations du pays,
le Parti républicain et le Parti démocrate, quel que soit le positionnement de
l’un ou de l’autre.
Fort de ce principe, nombre de journalistes et commentateurs
outre-Atlantique, au nom de l’équilibre qui doit régir leur traitement de la
vie politique sont tombés dans le piège tendu par les extrêmes.
Ce fut le cas dans les années 1960 où la diabolisation de la
guerre du Vietnam par une partie de la gauche extrême a fini par définir
l’étalon de la réflexion à son sujet et imposer un débat qui déplaçait le
curseur de la modération vers les positions radicales de la gauche.
C’est à nouveau le cas aujourd’hui mais, cette fois-ci, avec
la droite extrême et ses vues - devenues largement majoritaires au sein du
Parti républicain - sur les questions économiques, financières et fiscales
(sans parler des questions sociétales) qui ont fini par déplacer ce curseur
nettement à droite.
Or ce principe est totalement erroné.
En l’adoptant, on en arrive à identifier le «centre
politique» avec le «centre de la vie politique à un moment donné», ce qui n’est
pas du tout la même chose.
Ici, les journalistes et les commentateurs confondent
objectivité et vue équilibrée.
Ainsi, en pratiquant cette vue, ils ont entériné le tour de
passe-passe des extrémistes du Parti républicain.
Celui-ci a consisté, d’abord à droitiser les positions
républicaines, donc à déplacer vers la droite le centre de la vie politique
actuelle et ainsi à faire croire que le centre politique également se trouvait
désormais plus à droite.
En demandant ensuite sans relâche au président Obama de
faire un pas vers leurs nouvelles positions pour être soi-disant au centre et
bipartisan alors qu’il l’était depuis le début de son mandat, ces extrémistes
ont réussi en entraîner de nombreux médias avec eux dans cette supercherie.
Le but était, au bout du compte, que les médias considèrent
que le président s’était déporté sur sa gauche alors que son positionnement
n’avait pas bougé d’un iota…
C’est ce qui s’est passé même si, récemment, nombre de
journalistes ont réactualisé leurs positions en parlant de la dérive droitière
des républicains.
Les élections de novembre prochain remettront peut-être les
choses à leur place.
Cet exemple d’intoxication idéologique permet, en tout cas,
de réaffirmer que le Centre n’est pas une sorte de modération molle à
équidistance des positions de la Gauche et de la Droite mais qu’il véhicule
bien une pensée originale qui ne se laisse pas définir par le débat
conjoncturel entre cette Droite et cette Gauche.
Ce qui vaut pour les Etats-Unis, vaut également pour la
France.
Car, tout autant que les médias américains, les français
estiment largement que le Centre est également un synonyme du centre de la vie
politique.
Une première remarque sur cette confusion malheureuse serait
de dire que c’est toujours le Centre qui définit la Droite et la Gauche.
Donc, si un positionnement politique est plus proche d’un
autre, ce serait la Droite ou la Gauche qui seraient plus proche du Centre que
l’inverse…
Mais, au-delà de cette évidence (sans centre pas d’extrême,
il ne peut exister une gauche et une droite dans la vie que par rapport à un
axe central), le Centre n’est évidemment pas réductible à un bout de Gauche et
un bout de Droite.
Gouverner par le juste équilibre dans le but d’établir une
société humaniste basée sur les valeurs de la liberté, de la tolérance, de la
solidarité et le respect afin de garantir à tous les membres égaux d’une
communauté - et sans aucun clientélisme de classe, de revenu, d’origine ou de
tout autre acabit - de pouvoir s’épanouir et se réaliser à tous les niveaux
ainsi que, surtout, s’émanciper pour profiter de leurs qualités et de leurs
capacités dans la responsabilité, c’est-à-dire d’être à la fois responsables de
leurs actes mais également d’être responsables de leurs existences qui leur
appartiennent en les gérant comme bon leur semble dans le respect de l’autre,
est le projet centriste.
Plus fondamentalement, le concept de centre ne s’applique
pas au milieu de la vie politique, ni ne se définit en référence à une droite
et une gauche mais relève d’une démarche de philosophie politique mettant en
avant la notion de juste équilibre pour bâtir une société la plus humaniste et
harmonieuse possible qui n’a rien à voir avec un milieu géométrique ou
géographique.
Le Centrisme est ainsi une pensée qui veut qu’équilibre régisse
le fonctionnement de la société afin de permettre à tous les intérêts
individuels d’être maximisés sans en avantager certains par rapport à d’autres
et que ceux-ci se réunissent, in fine, en un intérêt collectif partagé par tous
caractérisé par le vivre bien ensemble.
Le Centre est ainsi au centre de la société mais pas au centre
de la vie politique et ne se détermine pas par la Gauche ou la Droite mais par
rapport à un équilibre sociétal.