«J'ai toujours été un militant de
l'unité du Centre qui est la condition indispensable pour que le Centre existe
dans la vie politique française. Alors, je dis à Jean-Louis Borloo: si c'est
vraiment l'unité qui est le but à atteindre, faisons-la ensemble.»
Voilà ce que François Bayrou a
déclaré sur Europe 1, ce dimanche, reprenant d’autres de ses propos allant dans
le même sens ces derniers jours.
Pourquoi une telle déclaration de
la part de celui qui estimait il y a encore peu être le seul vrai leader
centriste légitime, que le Centre était au centre et non pas au centre-droit où
se positionne Jean-Louis Borloo et qui n’a pas pardonné à la plupart des élus
de l’UDI (Union des démocrates et indépendants) ce qu’il estime avoir été une
trahison envers lui, eux qui le quittèrent entre 2002 et 2010.
La réponse est duale: François
Bayrou ne peut ignorer cette réunion centriste et ce, d’autant, qu’elle menace
à terme l’existence même de son parti, le Mouvement démocrate, mais pour
continuer à exister politiquement il doit, soit réduire l’importance de l’UDI,
soit la phagocyter.
Non seulement Jean-Louis Borloo a
réussi à préempter l’espace centriste mais, en plus, de nombreux membres du
MoDem quittent le navire bayrouiste pour s’encarter à l’UDI.
Afin d’éviter l’hémorragie qui se
profile, Bayrou a envoyé une lettre à ses militants pour leur dire qu’il était
pour la réunion du Centre et qu’il fallait que tous les sensibilités de ce
dernier travaillent ensemble.
Il a même expliqué que dans cette
réunion «ceux qui sont plus à droite défendront leur position à l'intérieur
d'un ensemble, ceux qui veulent un Centre indépendant le feront aussi...la
ligne politique, nous la définirons ensemble» ce qui est un reniement de ses
positions passées sur la définition de ce qu’est le Centre et de son
indépendance.
Il a également ajouté que la
double-appartenance politique pourrait être autorisée au MoDem.
Bien sûr, quand François Bayrou
dit à Jean-Louis Borloo, «faisons ensemble l’unité du Centre», cela veut aussi
dire «chiche» et peut permettre ensuite au leader du Mouvement démocrate de
démontrer que celui du Parti radical n’est pas un vrai rassembleur…
Sans oublier que, au jour
d’aujourd’hui, l’intégration du MoDem dans l’UDI poserait un problème de
cohérence politique.
Jean-Louis Borloo a rappelé sans
cesse que son nouveau parti serait «indépendant» mais il a aussi rappelé avec
la même insistance que les seules alliances électorales et gouvernementales de
l’UDI seraient avec l’UMP ce qui est en contradiction totale de la vision de
François Bayrou qui souhaite laisser ouvertes toutes les possibilités
d’alliances avec la Droite et la Gauche.
Accueillir le Mouvement démocrate
dans l’Union des démocrates et indépendants serait peut-être, alors, introduire
le ver dans le fruit pour Borloo et ses amis, ce qui est peut-être le but de
Bayrou.
Refuser cet accueil, à l’opposé,
pourrait relativiser le nouveau parti en le cataloguant comme un simple appendice
de la Droite, ce qui est peut-être, aussi, le but de Bayrou!
Et puis, si cette intégration se
faisait, comment éviter, à court et moyen terme, des clashs entre les visions
antagonistes et entre des hommes qui ont encore bien des différends à régler?
Autre question d’importance,
quelle place peut revendiquer aujourd’hui François Bayrou dans un Centre
réunifié après sa défaite aux présidentielles et la déroute de ses troupes aux
législatives? La première? La deuxième? Une place parmi les chefs sans plus de
précision?
Connaissant l’homme, il est peu
probable qu’il souhaite devenir un militant comme les autres.
D’ailleurs, il a déjà signifié
qu’il n’y avait que deux leaders au centre, Jean-Louis Borloo et lui-même.
Mais on voit mal Borloo s’effacer
devant Bayrou, ni même partager la première place avec lui.
N’oublions tout de même pas que
la proposition de François Bayrou peut consister en une simple alliance entre l’UDI
et le Mouvement démocrate (notamment lors des élections).
Du coup, il pourrait tenter de
remplumer son parti en terme d’élus par ce biais et lui permettre de peser
beaucoup plus qu’actuellement, ce qui se ferait grâce à Jean-Louis Borloo…
Est-ce donc une partie de
poker-menteur qui est en train de se mettre en place ou sont-ce les prémisses d’une
vraie union du Centre?
L’histoire des centristes sous la
V° République montre qu’il n’y a pas de pronostics fiables en la matière!
Alexandre Vatimbella