En annonçant son «ticket» avec Paul Ryan, Mitt Romney a
finalement choisi son camp.
Par sa décision de prendre le représentant du Wisconsin
comme son colistier pour la présidentielle de novembre prochain, il a envoyé un
signe fort à la droite dure du Parti républicain pour lui signifier son
ralliement.
Car Paul Ryan, désormais candidat républicain à la
vice-présidence, est un militant de longue date de la fin totale de
l’interventionnisme de l’Etat, de la réduction des déficits et de la protection
des plus riches.
Une de ses références idéologiques n’est autre qu’Ayn Rand, une
écrivain égérie de la droite extrême qui prônait la fin totale de l’Etat et un
laisser-faire où les plus forts et les plus riches seraient les gagnants.
Paul Ryan est d’ailleurs un idéologue particulièrement apprécié
par les partisans du mouvement Tea Party proche de la droite extrême.
Et, selon les dires de la femme de Mitt Romney, Ann, son
mari ne pouvait que choisir quelqu’un qui partageait les mêmes valeurs que lui.
Dont acte.
Mais si Ryan est très à droite, beaucoup plus que Romney il
faut en convenir, contredisant malgré tout l’épouse du candidat républicain,
ils sont tous deux des politiciens professionnels, peu en connexion avec le
peuple.
Paul Ryan n’a quasiment jamais travaillé dans le privé comme
le rappelle le site Politico et nombre de républicains en sont inquiets comme
ils le sont, à la fois, de son extrémisme et du fait qu’il soit un pur produit
de Washington alors que le message de Romney est principalement de fustiger
tout ce qui vient de la capitale fédérale…
Il est, en outre, l’auteur d’un projet sulfureux de
réduction des déficits publics tellement draconien et partisan (faisant payé la
note aux plus pauvres et à la classe moyenne) que beaucoup de ses collègues
républicains ont prix leur distance avec celui-ci même si la Chambre des
représentants l’a adopté tout en sachant très bien que le Sénat à majorité
démocrate le refuserait catégoriquement…
Et s’il fallait encore prouver que Paul Ryan est un conservateur
très à droite, signalons simplement que le choix de Romney a été applaudi par
la frange la plus réactionnaire du Parti républicain comme la meilleure
décision prise à ce jour par leur candidat à la présidentielle.
Deux questions se posent maintenant.
A quel type de campagne allons-nous assister et quelles sont
les chances de victoire de Mitt Romney?
A la dernière question, les réponses des analystes oscillent
entre «plus aucune» et «une meilleure chance»!
Evidemment, ceux qui sont proches des démocrates sont plus
nombreux à prédire une défaite cuisante du candidat républicain.
Néanmoins, on peut être étonné de ce choix qui va polariser
un peu plus la campagne alors que tout le monde est d’accord pour dire qu’il
faut s’attacher les «independents» (électeurs qui se disent ni démocrates, ni
républicains et dont une grande partie se situent au centre) pour gagner.
Pour être honnête, disons, qu’à l’opposé, certains analystes
estiment que la clé principale du vote cette année sera plus de faire venir aux
urnes les électeurs qui sont proches de vous que de convaincre les indécis, ce
qui légitimerait ce choix clivant.
Pour autant, sans la frange centriste de l’électorat, pas de
victoire.
Donc, après avoir rassuré sa base – et l’on comprend alors
le choix de Ryan pour être vice-président – il faut avoir un discours
rassembleur, tout ce que n’est pas le représentant du Wisconsin.
De plus, avec ses projets de privatisation du programme de
santé pour les plus âgés, il va faire peur (un récent sondage indiquait que 79%
des Américains étaient contre toute mesure allant dans ce sens).
Cependant, avec Paul Ryan, Mitt Romney a donné du contenu
programmatique à sa campagne qui en manquait totalement.
Se présentant comme le meilleur gestionnaire possible en ces
temps difficiles, il n’avait que peu de mesures concrètes à proposer.
Du coup, il était très vulnérable à toutes les campagnes
démocrates qui s’attaquaient à sa personne.
Avec Ryan, il peut espérer déplacer le débat sur les idées,
même s’il risque alors un effondrement du type de celui de Goldwater – candidat
républicain de la droite extrême aux élections de 1964 – qui permit à Lyndon
Johnson d’être un des candidats les mieux élus de l’histoire des
présidentielles américaines.
Car en décortiquant les idées de Ryan, ce que les démocrates
ne vont pas se gêner de faire, celles-ci vont apparaître comme très radicales.
Et, entre le très et le trop, il n’y a souvent qu’un
pas que franchissent assez souvent les
électeurs…
Alexandre Vatimbella