Les mots veulent-ils dire (encore) quelque chose?
C’est la question que l’on peut se poser au moment où le
parti islamiste tunisien au pouvoir, Ennahdha, vient de se déclarer lors de son
dernier congrès, «centriste modéré».
Pour tous ceux qui se réclament du Centrisme, il est
impossible qu’un parti qui prône l’application d’une seule religion et qui se
dit mue uniquement par les principes de celle-ci puisse s’autoproclamer
centriste.
Pour autant, et cette question avait déjà été abordée ici, une
certaine notion de centre développée dans les pays arabes lors de leurs «printemps»
et les changements de régime qui s’en suivirent, n’est pas exactement la
définition que l’on en donne dans les démocraties laïque de la planète.
Une floraison de partis centristes a ainsi éclos en Tunisie
depuis le départ de Ben Ali.
Certains se sont positionnés comme des partis centristes
tels que l’on peut en trouver en Europe, en Amérique, en Asie ou en Afrique.
D’autres, en revanche, ont expliqué que leur centrisme consistait
à se trouver à équidistance des partis religieux et des partis laïcs.
C’est sans doute comme cela qu’il faut comprendre le
positionnement d’Ennahdha.
Mais si l’on peut admettre ce positionnement et même qu’il
puisse être qualifié de centriste d’un certain point de vue, on ne peut, en
revanche, accepter que ceux qui s’en réclament jouent sur les mots pour
rassurer une partie de la population (ou, plus grave, la tromper) et la
communauté internationale.
D’autant que rien dans la doctrine et les pratiques d’Ennahdha
n’a été changé depuis cette annonce.
Rappelons que le parti tunisien affirme, à la fois «garantir
la liberté d'expression et de création» et «criminaliser l'atteinte au sacré
considérant que c'est une atteinte à la liberté d'autrui», ce qui est
évidemment totalement antinomique.
En outre, et même s’il y a renoncé, il souhaitait inscrire
la chari'â, la loi de l’Islam issue directement du Coran, dans la future Constitution...
Les centristes – mais aussi tous les autres - ne doivent
donc pas tomber dans le panneau et plutôt supporter activement les partis
centristes en Tunisie, les vrais, qui, eux, continuent inlassablement à mettre
en garde leurs compatriotes et le monde entier contre les dangers pour la
démocratie que représente Ennahdha.