Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités
centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue
ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jacques Rollet, chroniqueur sur Le Centrisme, est politologue et auteur de
plusieurs livres dont «Tocqueville» (Montchrestien 1998), «Religion et
politique» (Grasset 2001), «La tentation relativiste» (DDB, 2004). En février
2012, il a publié «Le libéralisme et ses ennemis» (DDB).
Au lendemain de ce premier tour des élections législatives,
il est possible de tirer quelques leçons du comportement électoral des Français.
Trois données nous semblent essentielles: les deux premières relèvent du
constat, la troisième, de la proposition. Le constat: l’abstention est
considérable, l’UMP a tué le Centre. La proposition: il faudra établir une
nouvelle constitution.
I - L’abstention est
considérable
Avec 42,9 % d’électeurs qui ne sont pas allés voter ce 10
juin, nous atteignons un record sous la V° République pour des législatives.
Cela pose plusieurs problèmes: la légitimité des élus est en cause sur le fond
même si elle ne l’est pas sur la forme. Quand presque un électeur sur deux ne
se déplace pas, cela veut dire qu’il se désintéresse de l’élection ou qu’il
considère qu’il s’est déjà prononcé lors des présidentielles. En tout état de
cause, ce comportement affaiblit le parlement et donc la démocratie
représentative. Il faut que les élections législatives redeviennent un enjeu
distinct de la présidentielle.
II - L’UMP a tué le
Centre
La formule peut sembler audacieuse. Je la pense vraie même
s’il est évident que les centristes ont collaboré à leur propre disparition. La
volonté d’hégémonie déployée par le RPR a fait que le projet de faire un grand
parti de Droite n’a pas laissé place à l’intérieur même de l’UMP, aux
centristes. Le bonapartisme qui est au cœur du gaullisme, l’a emporté même si
le lien de l’UMP avec le général de gaulle est devenu fort ténu. Le Centre ne
pouvait pas exister dans ces conditions. Il faut évidemment ajouter que, dans
le même temps, François Bayrou a affaibli l’UDF si l’on se rappelle qu’il avait
plus de cent députés quand il en est devenu président. Sans oublier son vote en
faveur de François Hollande dont il a expliqué, au soir du premier tour des
législatives et pour expliquer son échec, que nombre de ses électeurs n’avaient
pas apprécié ce ralliement largement approuvé, en revanche, par ses proches
conseillers comme madame de Sarnez, monsieur Rochefort ou monsieur Bennahmias.
Nous avons dans des chroniques précédentes fait des propositions pour un
fondement théorique du Centre. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
III - Pour une
nouvelle constitution
Nous reprenons ici ce que nous avons déjà dit: la dualité
président de la République- premier ministre n’a plus lieu d’être. Le premier
ministre met en œuvre le programme du président. Il serait plus simple que le
président soit, comme aux Etats-Unis, son propre premier ministre. Cela
implique la suppression des articles 8 et 12 de la Constitution actuelle, l’article
12 portant sur la dissolution de l’Assemblée nationale. Le président aurait
devant lui une assemblée qu’il ne pourrait pas dissoudre. La conclusion logique
de notre proposition est l’élection des députés au scrutin proportionnel qui a
le mérite de rendre compte des faveurs que les partis obtiennent auprès des
électeurs. Une politique du Centre aurait plus de chances de se mettre en place
dans une telle configuration puisqu’il serait possible de mener les réformes
dans la durée en évitant les propositions extrêmes et les partis du même nom.
Cela suppose une révision déchirante pour tous ceux qui aspirent à la
révolution ou pour ceux qui ,comme les socialistes, n’ont pas encore compris
qu’il y avait une crise économique et financière grave, sans parler de la crise
morale qu’illustre l’existence du libéralisme culturel contre lequel le Centre
n’a pas réagi.
Jacques Rollet