Lors des élections présidentielles de 2004, l’équipe de
campagne de George W Bush envoya à tous les électeurs démocrates noirs de l’Ohio
un document dans lequel elle expliquait que le concurrent démocrate du
président sortant, John Kerry, était favorable à la légalisation du mariage gay,
sachant que la communauté afro-américaine, si elle est majoritairement
démocrate, est également majoritairement contre la possibilité pour les
homosexuels de se marier.
Cette initiative avait pour but de tenter d’amener la
communauté noire de cet Etat ô combien stratégique lors des élections
présidentielles, pas forcément de voter pour George W Bush mais, en tout cas,
de ne pas voter pour Kerry.
Voilà un exemple de ce que l’on appelle en marketing
politique le «nanociblage».
Celui-ci est de plus en plus utilisé par les stratèges de
chaque camp lors des campagnes électorales pour des résultats plus ou moins convainquants.
Dans le cas de l’opération républicaine en Ohio, Bush obtint
certes un meilleur résultat électoral auprès de la communauté black mais très
marginalement (en 2000, 89% des noirs avaient voté pour Gore et en 2004, 84%
votèrent pour Kerry), ce qui n’eut aucune incidence sur le résultat final dans
cet Etat que le président sortant remporta haut la main.
Le nanociblage consiste donc à additionner plusieurs
facteurs qui font les choix politiques d’un individu ou d’un groupe d’individu
et qui permet d’analyser ce qui différencie les électeurs de gauche et ceux de
droite.
Il est utilisé par les entreprises dans leurs stratégies
commerciales et par les partis politiques pour cibler au mieux leurs messages.
Lors d’une campagne très serrée, cela peut faire gagner une
élection.
Une technique que l’on va voir à l’œuvre évidemment lors de
la campagne présidentielle de cette année opposant Barack Obama à Mitt Romney
et qui va encore continuer à se développer grâce notamment à la multiplication
des informations disponibles sur chaque citoyen américain contenue dans les
nombreuses enquêtes des boites et des chercheurs spécialisés dans les données
concernant la population américaine, mais aussi, de plus en plus, présentes sur
les réseaux sociaux que ces mêmes boites et chercheurs collectent consciencieusement.
Les «nanocibles» sont ainsi identifiées pour rationnaliser
les campagnes électorales et pour s’adresser à des publics précis sur des
questions précises.
Cela permet, en outre, de ne pas perdre son argent en achetant
en pure perte des espaces de pub dans les médias audiovisuels lors d’émissions
où l’on n’aura guère l’occasion de toucher ceux à qui l’on souhaitait s’adresser.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’une publicité
démocrate passe sur Fox news, la télévision très à droite et très conservatrice
de Rupert Murdoch qu’il y a eu une grossière erreur de stratégie.
En effet, il peut s’agir, en l’espèce, de la volonté des
démocrates de montrer aux électeurs du Parti républicain que leur candidat n’est
en réalité pas celui qu’ils croient qu’il est et, comme nous l’avons vu pour la
campagne de Bush en 2004, faire en sorte, par exemple, qu’ils ne se déplacent
pas le jour des élections.
Pour terminer, voici deux exemples amusants de ce que ces
études permettent d’apprendre.
Si, en tant que citoyen américain, vous conduisez une Subaru
hybride, que vous mangez dans un Chuck E. Cheese (pizzas, sandwichs, salades),
que vous buvez du Cognac, que vous lisez le Washington Post, que vous regardez à
la télévision CBS pour la série «Mon oncle Charlie» («Two and half man» en
version originale) afin de vous distraire, VH1 afin d’écouter du pop-rock et CNN
afin de vous informer, vous devez voter démocrate.
En revanche, si vous conduisez une Land Rover, que vous mangez
chez Cracker Barrel (pour déguster ses «country dinner plates»), que vous buvez
une Sam Adams Light, que vous lisez le Washington Times, que vous regardez à la
télévision la série «Desperate Housewives» pour vous distraire, Country music
channel pour sa musique et Fox news pour vous informer, vous êtes sans doute un
républicain.
Bien sûr, il y a parfois des données surprenantes.
Ainsi, comme nous l’avons vu, quand vous regarder la série «Mon
oncle Charlie» (en France sur Canal + ou Comédie), vous regardez une série «démocrate».
Mais quand vous regardez la série «The big bang theory» sur
MTV (en France sur MTV ou NRJ 12), vous regarder une série «républicaine».
Pourtant, non seulement, les deux séries sont produites par
le même homme, Chuck Lorre, mais MTV est plutôt considérée comme une chaîne
démocrate…
Alexandre Vatimbella