Dans cette rubrique, nous
publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas
nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat
et de faire progresser la pensée centriste.
Jacques Rollet est
politologue et auteur de plusieurs livres dont «Tocqueville» (Montchrestien
1998), «Religion et politique» (Grasset 2001), «La tentation relativiste» (DDB,
2004), «Le libéralisme et ses ennemis» (DDB, 2012). Il tient ici une chronique
régulière.
La
victoire de François Hollande à 51,6 % est nette sans pour autant constituer le
raz de marée annoncé. Les derniers sondages le donnaient à 52,5% minimum. Il ya
donc eu un resserrement dans les derniers jours.
La
France est divisée en deux blocs mais François Hollande est évidemment le
président de tous les Français
Le
Centre est devant son avenir et ses membres dont je suis doivent dessiner un
projet de rassemblement. Il concerne a priori les centristes de l’UMP,
l’Alliance centriste de Jean Arthuis, le Nouveau Centre d’Hervé Morin, et les
radicaux de Jean-Louis Borloo.
Objection
diront certains: Pour quoi dire et pour quoi faire?
En
d’autres termes, quelle est la différence avec l’UMP et avec le PS?
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Le Centre n’est pas identique à l’UMP
Le
Centre comme famille politique et culturelle ne constitue pas un clan, ce qui
est le cas des héritiers du gaullisme. Il faut rappeler un point essentiel:
l’UMP est essentiellement constituée par d’anciens membres du RPR. L’artisan de
cette création est Alain Juppé, ne l’oublions pas. Nous sommes en présence d’un
parti bonapartiste, étatiste, dont les barons ont des fiefs qu’ils gardent par
tous les moyens, en contrôlant quand ils le peuvent les communautés de communes
et d’agglomération. Ils ne sont favorables à la décentralisation que pour
autant qu’elle est celle des notables. Ils sont opposés à l’élection des
conseillers intercommunaux au suffrage universel direct. Au plan de l’Europe,
ils sont opposés à tout projet de fédéralisme. Ces quelques lignes dessinent
exactement le profil de l’élu UMP et de son idéologie. On devine déjà la
différence avec la vision politique d’un centriste.
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Le Centre n’est pas identique au PS
Le
Parti socialiste a le culte de l’Etat qu’il appelle républicain pour faire
oublier le caractère outrancier des interventions dans la vie économique et
financière. On pourra m’objecter que les socialistes ont libéralisé l’économie
sous Bérégovoy qui avait dans son ministère un certain Bernard Tapie... Mais
ils n’ont jamais rien reconnu si bien qu’ils sont des antilibéraux forcenés. Il
va être intéressant de voir ce que va faire François Hollande au plan
économique et comment ses propositions de relance vont être accueillies en
Europe.
Le
Parti socialiste développe en même temps un égalitarisme à tout crin qui a
encore été proclamé par le nouveau président hier soir à Tulle. Il l’a identifié
à la justice sans donner la moindre justification pour cette pétition de
principe.
Ce
même parti a des leaders qui n’ont toujours pas compris que nous sommes dans
une crise économique et financière dont les responsabilité incombent pour
l’essentiel à l’accumulation des dettes de l’Etat depuis trente ans. Ils
suivent ainsi des économistes keynésiens comme Jean-Paul Fitoussi ou de la
gauche extrême comme Jaques Généreux.
Enfin
le Parti socialiste et son candidat sont libéraux culturels comme on dit en
science politique. Ils sont en effet favorables au «mariage» homosexuel, à
l’adoption d’enfants par les couples du même nom, à la procréation artificielle
pour les femmes homosexuelles, à l’euthanasie. Ils sont donc favorables à tout
ce qui peut déstructurer le vivre-ensemble sur la base de valeurs morales
incontestables.
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Alors le Centre?
La
tradition démocrate-chrétienne se situe en différence incontestable avec les
deux partis présentés ci-dessus. Elle a le sens de la personne humaine comme
lieu de dignité, de décision, de responsabilité. En ce sens elle est anti-étatiste
parce que précisément, elle n’attend pas de la politique, le salut de
l’humanité comme la Gauche. Elle sait de par la tradition chrétienne que le
salut de l’homme n’est pas aux mains de l’homme. Elle est favorable par
conséquent à la réforme, particulièrement à celles qui favorisent le principe
de subsidiarité. Elle considère que la révolution est antinomique avec la
démocratie si cette dernière se caractérise par l’Etat de droit. Vouloir la
révolution, c’est considérer qu’on peut changer l’humanité. C’est un mythe
comme l’a bien montré Raymond Aron dans L’opium des intellectuels publié dans
les années cinquante.
Le
centriste est libéral au plan politique, mais également au plan économique dans
la mesure où il considère que le marché comme principe de production et de
consommation est le meilleur régulateur de la vie économique et du dynamisme de
chacun dans sa vie professionnelle. La concurrence doit évidemment être libre
et non faussée. Si on est en désaccord avec cela, on est favorable aux
monopoles…
La
démocratie chrétienne a fondé l’Europe avec la social-démocratie; elle est
favorable à une démarche conduisant au fédéralisme, donc à un pouvoir qui ait
une compétence financière, ce qui n’est pas encore le cas.
Enfin
la tradition démocrate-chrétienne est opposée à ce fameux libéralisme culturel
dont nous avons donné les traits principaux ci-dessus. C’est la dignité de la
personne qui est en jeu et on peut s’étonner que Nicolas Sarkozy ne l’ai pas
dit dans le débat qui l’a opposé à François Hollande…
Le
Centre, dans sa composante démocrate-chrétienne, existe donc idéologiquement;
il lui reste à s’organiser, évidemment sans François Bayrou qui, selon moi,
s’est suicidé politiquement la semaine dernière.
Jacques
Rollet.