Le Centre aux Etats-Unis est pluriel comme il est dans la plupart des pays. Si l’on fait la liste des présidents que l’on peut considérer comme centriste, on trouvera, tout autant, des démocrates, comme Lyndon Johnson ou Bill Clinton, et des Républicains, comme Abraham Lincoln ou Theodore Roosevelt. De même, plusieurs partis se revendiquent du Centre, en dehors des franges centristes des partis républicains et démocrates. Citons, par exemple, le Modern Whig Party ou The Centrist Party.
A l’approche des prochaines élections présidentielles et législatives, il est intéressant de noter que, pour certains, la présence centriste au pouvoir est menacée alors que pour d’autres Barack Obama, qui a de bonnes chances d’être réélu, est un pur produit centriste! De même, derrière une phraséologie et une posture de circonstance, le favori à la nomination républicaine pour la présidentielle de novembre, Mitt Romney, est considéré comme fondamentalement centriste.
Reste que beaucoup de parlementaires étiquetés centristes ont été battus ces dernières années, que de nombreux ne parviennent pas à obtenir l’investiture de leurs partis respectifs, que les partis centristes revendiqués sont faibles (la plupart des centristes ayant un mandat électif font partie soit du Parti démocrate, soit du Parti républicain) et que de nombreux élus jettent l’éponge comme la sénatrice républicaine du Maine, Olympia Snow, qui a décidé de ne pas se représenter à la fin de l’année du fait d’un débat politique qui se radicalise (ce qui, soit dit en passant, amenuise les chances des républicains de s’emparer du Sénat).
Quant à Barack Obama, il a été obligé, au moins dans certains discours et sur quelques mesures emblématiques, de donner des gages à l’aile gauche du Parti démocrate ce qui a fait dire à certains qu’il avait délaissé le Centre et sa volonté affirmée depuis son entrée à la Maison blanche de gouverner de manière bipartisane (il avait même voulu le faire de manière «postpartisane» qui consistait à trouver des majorités de circonstance pour chaque vote au-dessus des clivages politiques).
Reste que, fondamentalement, la manière de gouverner et les mesures proposées par l’actuel président des Etats-Unis sont centristes, ce qui continue à faire enrager les «liberals» les plus à gauche de son propre parti.
Néanmoins, devant le blocage politique qui s’est instauré à Washington suite à la volonté des républicains qui dominent la Chambre des représentants de bloquer le plus possible l’action d’un président qu’ils craignent tout autant qu’ils le détestent, des initiatives ont vu le jour afin de créer un troisième parti centriste (c’est-à-dire un parti qui compte puisqu’il existe déjà plusieurs formations qui se revendiquent comme telles) ou de proposer un «ticket» centriste pour la prochaine présidentielle.
C’est le cas, par exemple, d’American Elects, une organisation qui, par le biais d’un site internet, veut faire choisir par la population, un candidat qui se positionnerait au centre de l’échiquier politique. Celui-ci, républicain ou démocrate, s’engageant à prendre comme colistier pour la vice-présidence, une personnalité qui serait de l’autre camp (ainsi, s’il est républicain, l’autre serait automatiquement démocrate et inversement).
Les Américains sont sensibles par de telles initiatives même si elles ont peu de chance de succès tellement la bipolarisation de la vie politique américaine est forte. C’est d’ailleurs pourquoi la quasi-majorité des personnalités politiques crédibles aux yeux des électeurs et se positionnant au centre ou comme centristes se trouvent dans les deux grandes formations.
Ce qu’il va falloir analyser dans les semaines et les mois à venir précédant l’élection présidentielle, c’est le positionnement des deux candidats qui se disputeront la victoire. Car aucun d’entre eux ne pourra gagner s’il ne parvient pas à séduire les «independents», ces électeurs qui affirment n’être ni démocrates, ni républicains. Nombre d’entre eux ne sont pas pour autant centristes mais beaucoup le sont. Et tous les présidents élus depuis des décennies ont du les convaincre pour pouvoir accéder à la Maison blanche.
Pour l’instant, Barack Obama est celui qui a le plus de chance de pouvoir récupérer leurs voix. Mitt Romney qui a renié toutes ses positions de modéré afin d’être capable de remporter les primaires républicaines très à droite et de contrer ses adversaires dont certains, comme Rick Santorum, flirtent avec les positions d’extrême-droite quand ils n’en sont pas les principaux défenseurs, a perdu une grande part de sa crédibilité aux yeux de ces électeurs indépendants.
Mais, comme le disent les analystes politiques américains, après la fin des primaires républicaines et la désignation du candidat, une autre phase électorale commencera. Non pas qu’elle partira de zéro mais elle concernera deux hommes face à la situation du pays et le choix se fera sur celui le plus capable de gouverner et de résoudre les problèmes actuels, notamment économiques.
De même, Mitt Romney reviendra vers le centre de l’échiquier politique et même si ses multiples reniements l’handicaperont et ont choqué beaucoup de gens, ces derniers savent, quelque part, qu’il demeure un modéré sur de nombreux points. Cependant, son gros problème (qui n’est pas celui d’Obama) sera de garder le soutien des électeurs républicains les plus à droite tout en tentant de récupérer le vote de ceux qui se situent au centre. Un grand écart qui sera extrêmement difficile pour l’ancien gouverneur du Massachussetts.
Une des grandes inconnues sera alors de savoir avec quel Congrès le vainqueur de la présidentielle devra gouverner. Que ce soit avec une majorité démocrate ou républicaine, il est probable que le nouveau président se trouvera face à des élus moins modérés qu’auparavant et moins enclins au fameux compromis qui a permis au gouvernement de fonctionner pendant des lustres sur le mode du consensus.
De ce point de vue, il est paradoxal de voir que, dans toutes les enquêtes d’opinion, la majorité des Américains plébiscitent une vision bipartisane pour gouverner le pays alors que le personnel politique qu’ils vont élire en sera bien éloigné…
Une des raisons de ce hiatus de plus en plus grand entre la volonté de la majorité de la population et de ses élus, vient du redécoupage politicien des circonscriptions électorales. Pour des européens cartésiens, il nous est souvent difficile de voir qu’une circonscription américaine peut être constitués par plusieurs morceaux de territoire qui ne se touchent même pas et dont la seule légitimité est de garantir à un parti de la garder pour lui quasiment éternellement (même s’il ne faut pas oublier que certains redécoupages avaient des buts plus nobles comme garantir la représentation des minorités).
Malheureusement, cette pratique de plus en plus courante et appelée «gerrymandering» (charcutage électoral) mais aussi de plus en plus critiquée par les médias et la population, produira le même effet: un rejet du monde politique national, ce «Big Government» de Washington, plus préoccupé de ses prébendes que du bien-être des Américains qui est toujours au cœur des discours enflammés des candidats à la présidentielle qui affirment tous qu’ils sont les candidats «antisystème», même les sortants en quête de réelection!
Alexandre Vatimbella