Personne ne semble l’aimer. Même dans son propre parti où il n’inspire ni confiance, ni adhésion. Et, pourtant, Mitt Romney, le modéré sans éclat, se trouve toujours en tête des primaires républicaines. Il vient même de consolider sa position de favori pour l’investiture et être l’heureux élu qui affrontera Barack Obama en novembre prochain.
L’ancien gouverneur du Massachussetts vient ainsi de remporter plusieurs primaires dont six des dix organisées hier soir lors du fameux «Super Tuesday» et, notamment, celle de l’Ohio. Celle-ci n’est certes pas la plus importante en terme de nombre de délégués mais est symbolique. Aucun candidat républicain n’a pu gagner l’investiture du parti puis la présidentielle sans l’avoir remportée. Reste qu’il ne l’a emporté qu’avec 38% des votes contre 37% à Rick Santorum, son adversaire le plus dangereux.
Ce dernier n’a pas dit son dernier mot puisqu’il remporte trois primaires (tandis que Newt Gingrich en remporte une, celle de Géorgie, son Etat natal et Ron Paul, le libertarien, aucune). Le catholique fondamentaliste, aux thèses réactionnaires et aux discours mensongers, a, aussitôt les résultats connus, déclaré qu’il allait continuer le combat (tout comme Gingrich et Paul), en particulier dans les Etats du Sud profond qui devraient lui être favorable. Car actuellement et arithmétiquement parlent, Mitt Romney ne peut compter que sur moins de 380 délégués alors qu’il lui en faut 1.144 au minimum pour être désigné candidat officiel (Santorum est autour de 150, Gingrich de 90 et Paul de 60).
Cette situation incertaine est très dangereuse pour le Parti républicain qui joue peut-être sa survie ou, tout au moins, sa capacité à remporter la présidentielle pour les années à venir.
D’une part, parce que, contrairement à ce qui s’était passé il y a quatre ans lors de la bataille à rallonge des primaires démocrates où Barack Obama et Hillary Clinton s’étaient affrontés durement, les candidats républicains ne font pas la chasse aux électeurs modérés (les «independents), essentiels pour remporter une élection présidentielle, mais aux électeurs d’extrême-droite qui sont essentiels pour remporter l’investiture de leur parti mais qui devraient être ensuite des boulets qui pourraient les empêcher de gagner en novembre.
Car celui qui sera investi devra, dès sa nomination, changer complètement son fusil d’épaule pour séduire ces «independents» qui sont d’ores et déjà très méfiants face à la surenchère extrémiste des candidats républicains, tout en ne perdant pas les électeurs très à droite qui pourraient, dès lors, se sentir trahis! Cela semble être mission plus qu’impossible…
D’autant plus que, plus cette bataille pour les primaires va continuer, plus les candidats vont s’affronter durement à coups de campagnes de pub négatives et de discours agressifs, voire insultants, qui ne seront pas aisés à gommer après la convention républicaine pour afficher une unité, même de façade, du parti comme cela avait été possible entre Obama et Clinton qui étaient très proches politiquement.
Beaucoup d’Américains – dont des républicains- estiment qu’il existe un grand risque que le parti implose. Et nombreux sont ceux qui l’espère afin de reconstruire quelque chose de solide ensuite que ce soit à droite ou au centre-droit.
Cependant, cette idée d’un parti au bord de la disparition n’est pas nouvelle. En 1976, lors de l’affrontement entre le «centriste» Gérald Ford et l’«extrémiste» Ronald Reagan, la même image d’un parti divisé et au bord de l’implosion était véhiculée et certains analystes politiques prédisaient la disparition du Parti républicain. A la place, Ronald Reagan remporta l’élection quatre ans plus tard ouvrant une ère dominée par les idées conservatrices jusqu’à aujourd’hui malgré l’élection de trois centristes, George Bush père, Bill Clinton et Barack Obama.
Reste que l’intrusion du Tea Party dans les rangs républicains est une menace sérieuse d’autant que ceux qui en sont à la tête veulent réellement s’accaparer le parti fondé par Lincoln pour en faire une formation ultraconservatrice et basée sur une idéologie réactionnaire et dogmatique, même au prix d’être capable de gagner les grandes élections «pureté» oblige.
En outre, leur haine de l’étranger et des immigrants, notamment les Latinos, aboutit à décaler le Parti républicain de la réalité sociologique et donc électorale des Etats-Unis. La conséquence pourrait être l’impossibilité, dans les décennies à venir, pour une formation aussi ancrée dans le conservatisme droitier, d’accéder au pouvoir.
Face au Tea Party, les centristes républicains sont de moins en moins nombreux, dégoûtés par les thèses défendues ou marginalisés par les activistes d’extrême-droite. Une des dernières (qui, néanmoins, avait du se radicaliser ces quatre dernières années), Olympia Snow, sénatrice du Maine, a décidé de jeter l’éponge et de ne pas se présenter en novembre prochain pour un nouveau mandat, indiquant que la polarisation au Congrès rendait son combat politique impossible.
Les centristes sont donc plus nombreux au Parti démocrate et l’un des leurs est à la présidence. Cependant, leur position n’est pas aussi facile que cela car ils sont combattus durement par la gauche du Parti démocrate. C’est pourquoi des initiatives sont prises depuis quelques années pour créer un véritable pôle centriste aux Etats-Unis, plus ou moins indépendant des deux grands partis. Ce fut le cas avec la création de Third way mais le mouvement demeure plus un think tank qu’une formation politique.
Les mouvements No Labels ou American Elects qui viennent de se créer tentent à leur tour de casser la bipolarisation de la vie politique américaine. Ainsi, American Elects souhaite présenter un «ticket» en novembre prochain désigné par les internautes et où l’on trouverait obligatoirement un démocrate et un républicain. Cette initiative est intéressante mais ne sera sans doute pas autre chose qu’un simple témoignage des modérés face à la forte radicalisation du Parti républicain et à un raidissement du Parti démocrate, deux attitudes qui ne peuvent être mises sur le même plan et qui constitue la grande faiblesse des deux mouvements précités. Mais elle sera la bienvenue dans la population américaine qui, majoritairement, attend des solutions bipartisanes, du genre de celles que Barack Obama voulaient mettre en place mais qui ont été combattues constamment par les républicains au Congrès, notamment à la Chambre des représentants où ils sont majoritaires depuis les élections de mi-mandat de novembre 2010.
Il faudra bien pourtant si le Parti républicain devient une formation de la droite extrême et si le Parti démocrate se «libéralise» que se crée un espace pour accueillir les centristes. Ceux-ci existent depuis l’indépendance du pays et leurs représentants les plus illustres ont été parmi les plus grands présidents du pays. Il suffit de citer les noms de George Washington, d’Abraham Lincoln, de Theodore Roosevelt ou de Lyndon Johnson. Sans oublier Harry Truman, Dwight Eisenhower, Jimmy Carter mais aussi Bill Clinton et Barack Obama, deux présidents qui ont régénéré le Centre pour en faire une pensée du XXI° siècle.
Alexandre Vatimbella