Pour pouvoir prétendre être au second tour de l’élection présidentielle, il faut jouer dans la cour, sinon des grands, en tout cas des «gros». Or, François Bayrou s’évertue sans cesse à critiquer les deux partis les plus importants quantitativement, l’UMP et le PS, affirmant que ceux-ci monopolisent la vie politique et qu’ils sont de connivence pour éviter que l’on remette en cause leur suprématie à deux et leur mainmise sur le pouvoir (que, soi-dit en passant, ils détiennent du suffrage universel).
Ce discours, quelle que soit sa véracité, positionne, lui-même, le leader du Mouvement démocrate du côté des «petits» candidats qui pestent contre un système où ils ne parviennent pas à faire leur trou et à tenir le haut du pavé, au même titre que Marine Le Pen qui le devance dans les sondages mais aussi de Jean-Luc Mélenchon ou d’Eva Joly qui le suivent.
Même sa proposition d’union nationale (qu’il associe faussement au Centrisme) l’installe, aux yeux des Français, dans la condition du «petit» qui sait qu’il ne pourra disposer d’une majorité à lui et qu’il devra s’appuyer sur l’UMP et le PS pour gouverner si jamais il était élu.
Sans parler, bien sûr, d’avoir d’abord pensé pouvoir être le candidat de substitution de François Hollande, avant de s’apercevoir, sondages aidant, qu’il pourrait être celui de Nicolas Sarkozy, calquant ainsi sa candidature sur les forces et les faiblesses des deux «gros» et non sur la dynamique propre de la sienne.
Du coup, il apparaît à ses compatriotes, de sa propre initiative, comme un second couteau, certes sympathique, certes disant des choses justes, certes ayant un programme qui se tient autant que celui des «gros», certes disposant d’une forte popularité dans les «baromètres» de personnalités mais pas crédible pour occuper la fonction de président de la république. Car cette dernière capacité est réservée aux «gros» candidats dans les institutions de la V° République.
François Bayrou commet là une erreur stratégique de premier ordre. Pour disputer la première place au candidat de la Droite (UMP) et à celui de la Gauche (PS), le candidat du Centre doit se présenter comme leur égal, constamment se montrer comme tel et, surtout, ne jamais parler de son infériorité (même si elle est présentée comme une injustice).
Car tout est dans la stature, dans l’image que l’on fait passer aux électeurs. Ici, le président du Mouvement démocrate a joué une drôle de danse à deux temps. Avant d’être le «candidat antisystème» (celui qui le combat tout autant parce qu’il le considère mauvais que parce qu’il en est exclu), il s’était, tout d’abord, présenté comme une sorte de nouveau de Gaulle qui viendrait sauver le pays d’une catastrophe annoncée comme le général avait «sauvé» la république en 1958.
Mais, là où il se trompe, c’est que De Gaulle, s’il fut un candidat pestant contre le système de la IV° République, n’a jamais été le «petit» contre les «gros». Il avait l’image du «grand» (avec beaucoup plus de soutiens que François Bayrou n’en compte) contre les «petits», ces petits chefs de partis qui, selon lui, n’étaient pas capables d’assumer les responsabilités de la république.
Au lieu d’être demeuré dans une posture «au-dessus de la mêlée», François Bayrou joue dorénavant la victimisation d’un système qui serait – théorie du complot, oblige – phagocyté d’un commun accord tacite par l’UMP et le PS mais aussi la sphère politico-médiatique. Et au lieu de traiter les candidats de ces deux partis de nains, il demande à être traité à leur égal, se montrant ainsi comme leur inférieur. Une bévue aux conséquences sans doute fatales qui le ramène très en-dessous de ces deux adversaires et qu’il n’a pu rattraper jusqu’à présent.
Au contraire, mauvais sondages aidant, il s’enferme de plus en plus dans une attitude agressive teintée d’amertume, expliquant à qui veut l’entendre qu’on ne lui fait pas la place qu’il mérite. S’il veut que les Français pensent qu’il possède la stature d’un chef d’Etat, il doit, au plus vite, inverser l’orientation de sa campagne. Peut-être est-ce trop tard mais il s’agit sans doute de sa seule chance de pouvoir espérer réécrire un scénario qui l’exclut actuellement d’un second tour. Et, plus fondamental, d’éviter au Centre une nouvelle déconvenue dans l’élection la plus importante pour la démocratie française.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC