dimanche 12 février 2012

Une Semaine en Centrisme. La droitisation de Nicolas Sarkozy et les centristes

Nicolas Sarkozy a choisi. Il sera le candidat des valeurs de droite. Devant une économie en difficultés, son argument premier pour solliciter sa réélection auprès des Français ne pouvait être la défense de son bilan dans ce domaine, somme toute assez mauvais même si la crise est passée par là.
D’autant qu’avec sa volonté nouvelle et quelque peu obsessionnelle de comparer la France avec le «modèle allemand» et de vouloir s’en inspirer au motif qu’il a mieux réussi ces dernières années que le notre, il démontre lui-même son échec, sans que l’on sache s’il a vraiment pris conscience de cette contradiction…
En outre, un petit coup d’œil à l’étranger, notamment en Espagne, lui a montré que l’excuse de la crise pour justifier la situation économique délicate d’un pays ne permettait pas d’espérer une réélection. Sans parler de ce qui se passe en Grèce.
Il a donc décidé d’articuler sa campagne autour de deux axes. D’un côté, attaquer François Hollande sur son manque de charisme et de qualités de chef ainsi que sur son irresponsabilité. De l’autre, défendre les valeurs auxquels il croit (et non celle de la France comme il veut le faire croire).
Cependant il n’y a rien de nouveau là-dedans. Ni dans le choix des thèmes de sa campagne, ni dans la forme et le fond. Tout était déjà là il y a cinq ans.
Il connait bien ce combat, c’est celui qu’il préfère, celui qu’il a déjà utilisé en 2007. Et il n’est pas un admirateur de George W Bush et de son âme damnée, Kar Rove, pour rien. L’ancien président des Etats-Unis, élu en 2000 et 2004, a toujours joué sur les valeurs lors de ses campagnes électorales, ce qui lui a permis, alors, de l’emporter. Néanmoins, la vague de 2008 qui porta au pouvoir Barack Obama et les démocrates était aussi la réponse d’une Amérique lassée de ce discours et de la pratique qui s’en était suivie.
Est-ce une erreur politique de Nicolas Sarkozy de se positionner fortement sur les valeurs? Gageons que les sondeurs de l’Elysée lui ont apporté des munitions pour qu’il décide de cette stratégie largement clivante. Mais alors que les centristes pouvaient louer son action dans la crise (à défaut d’encenser les résultats), ils vont avoir beaucoup plus de mal à s’enthousiasmer pour des positions, souvent à l’encontre de l’évolution de la société et qui ont plus à voir avec des visions passéistes de la société qu’avec les valeurs fondamentales de la démocratie et de la république.
Néanmoins, il y a eu, également, sur-réaction de certains à l’interview de Nicolas Sarkozy dans Le Figaro magazine. Prenons deux exemples. Bien sûr, la stigmatisation des chômeurs auprès d’une population prompte à les qualifier de paresseux et d’assistés volontaires et l’appel aux Français pour le dire par référendum, n’est guère humaniste et rassembleur mais c'est une vision populiste de droite. Quant à l’interdiction du mariage gay, s’il semble quelque peu en décalage avec les évolutions sociétales qui ont eu lieu dans de nombreux pays, cela reste une position forte des électeurs de droite.
Ainsi, Nicolas Sarkozy est de droite. Mais qui en doutait? Qui croyait qu’il ne l’était plus? Il a toujours affirmé qu’il l’était. Même quand il a ouvert son gouvernement à des ralliés opportunistes de gauche. Même quand il a fait les yeux doux à certains centristes en mal de strapontins ministériels. Même quand il a nommé des personnalités de gauche à des postes importants de la république.
De même, qui peut douter qu’après le premier tour, s’il est encore en lice pour la victoire, il fasse des appels du pied à l’électorat modéré comme le font tous les candidats qui rassemblent leur camp au premier tour avant de proposer, au second tour, une alliance plus large pour obtenir les 50% plus une voix nécessaire afin de remporter la victoire.
Une fois que l’on a dit tout cela, quelle a été la position des centristes à ce discours?
On a eu la réaction de François Bayrou qui, ce n’est guère étonnant, s’est indigné fortement. Morceaux choisis: «les Français sont devant un choix de civilisation»; «ce que Nicolas Sarkozy propose aujourd'hui, c'est à mes yeux la négation d'un certain nombre de valeurs de la France»; «le moment est venu de lancer un appel: je le dis à tous les Français qui ont une certaine idée de la France, qui sont des républicains et qui sont des humanistes, qu'il y a des choses qu'on n'a pas le droit de laisser dire, de laisser faire. Il est un moment où la politique s'arrête et, où l'essentiel commence! C'est-à-dire, la défense du monde qu'on veut transmettre aux enfants»; «un moment clé de la campagne»; «c'est une heure de vérité»; «pour nous, la république n'abandonne pas les plus faibles, pour nous, humanisme, signifie nécessairement en même temps liberté et solidarité»; «une société se juge au traitement qu'elle réserve aux plus faibles de ses membres»; «le moment est venu de dire 'c'est assez, ça suffit, stop! nous n'irons pas dans cette direction’»; «j'affirme que la droite républicaine française, pas plus que la gauche, ne peuvent l'accepter»; «nous sommes la société, nous France, nous sommes la civilisation, puisqu'ils aiment tant parler de civilisation, nous sommes depuis deux mille ans la civilisation qui refuse de faire de l'étranger et du chômeur les coupables de nos maux».
De son côté, Jean-Louis Borloo a estimé que «Nicolas prend des positions qui vont m'obliger à réagir. Moi, je ne suis pas d'accord». Néanmoins, il ne semble pas que le président du Parti radical compte claquer la porte de l’alliance avec l’UMP. Au contraire, il devrait annoncer sous peu son ralliement à la candidature Sarkozy.
D’autres centristes de la majorité ont eu un discours différent. C’est le cas de Jean-Christophe Lagarde, le président exécutif du Nouveau centre qui estime que «les propositions du chef de l'Etat sont innovantes». Quant à Jean Léonetti, le ministre des Affaires européennes, qui se présentent comme un centriste de l’UMP, il a été plus loin en affirmant que «c'est ce que l'on attendait de lui, qu'il fasse des propositions claires».
On le voit, les différents courants centristes ne se réuniront pas à cette occasion.

Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC