Bizarres et paradoxaux, les sondés. Au moment où ils sont moins nombreux à déclarer leurs intentions de vote en faveur de François (baisse de 1 à 2 points), ils sont plus nombreux à estimer qu’il est en train de gagner des points pour la présidentielle (42%) qu’à en perdre (14%).
Quoiqu’il en soit, au jour d’aujourd’hui, l’essentiel pour le candidat du Mouvement démocrate n’est pas là. Son problème est qu’il n’est toujours que le quatrième larron derrière François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Or, s’il veut se mêler à la lutte pour la qualification au second tour, il doit absolument retrouver la dynamique du dernier mois et demi.
Pour cela, il doit dépasser le plus vite possible la présidente du Front national, se démarquer de manière la plus forte possible de François Hollande et apparaître comme le remplaçant naturel de Nicolas Sarkozy pour le combat du second tour.
Le peut-il vraiment? Chacun de ces objectifs ne sont pas aisés à réaliser pour François Bayrou.
En sa faveur, une bonne image de marque dans la population, de la gauche à l’extrême-droite.
En sa défaveur, il n’apparait pas crédible en habits présidentiels. Surtout, il a du mal à convaincre qu’avec un parti de quelques élus et sans couverture nationale, il pourra gouverner efficacement. C’est un vrai handicap. Car, dès la fin du deuxième tour, le président élu devra se mettre immédiatement au travail face à la crise économique et aux problèmes sociaux.
Quant aux trois challenges qui l’attendent dans les trente jours à venir qui risquent d’être cruciaux pour lui, voyons ce qu’il en est.
Dépasser Marine Le Pen n’est pas, a priori, impossible. Sauf que François Bayrou doit aller pêcher des électeurs du côté des déçus du sarkozisme et de celui des personnes en colère contre le système (ceux qui justement votent pour Le Pen mais ne sont pas des gens d’extrême-droite), voire des modérés de gauche qui estimeraient que François Hollande est un dangereux radical ou un irresponsable.
Rameuter les déçus de la Droite et éviter qu’ils n’aillent grossir les rangs des soutiens à Marine Le Pen, cela nécessite un discours musclé notamment vis-à-vis de la gauche, ce qu’il est en train de faire. Cela nécessite, de plus, de surfer sur certains thèmes «nationaux» comme l’«acheter français», le «produire français», l’«union nationale» et les nombreuses références directes ou subliminales au Gaullisme. Mais cela nécessite également un discours d’ordre et de sécurité qu’il n’a pas encore développé. Le fera-t-il s’il en a besoin? La question demeure ouverte. Rappelons qu’en 2007, il n’avait pas eu à la régler, Jean-Marie Le Pen ayant été distancé dès le début de la campagne.
Néanmoins, Marine Le Pen bénéficie deux énormes avantages, un positionnement sans faille du Front national et de son père, dont elle est l’héritière, sur ces thèmes mais aussi une capacité éprouvée de récupérer les déçus de la «droite classique». Rien, jusqu’à présent ne permet de dire, qu’au-delà d’une certaine sympathie pour lui, François Bayrou atteindra ce premier objectif auprès de cet électorat potentiel.
Quant au dernier sondage réalisé par l’IFOP pour le Journal du dimanche, il n’est guère rassurant pour François Bayrou. Prenant l’hypothèse que Marine Le Pen n’obtiendrait pas les 500 signatures d’élus nécessaires pour se présenter, l’enquête révèle que François Hollande et Nicolas Sarkozy serait à égalité avec 33% des intentions de vote et que François Bayrou arriverait largement derrière avec 20% (*).
Se démarquer de François Hollande semble beaucoup plus facile. Si le candidat du Mouvement démocrate a attendu avant de le faire c’est qu’il supputait un effondrement du candidat du Parti socialiste en début d’année et qu’il pensait se poser en meilleur adversaire de Nicolas Sarkozy. Or, c’est le contraire qui s’est produit. Non seulement Hollande n’a pas connu de défaillance mais, au contraire, il a progressé dans les sondages. Dès lors, c’est en adversaire de Hollande qu’il a le plus de chance, dorénavant, de se retrouver au second tour.
Les propos de ce dernier, le rejetant au centre-droit et la fermeture de la porte d’une alliance en bonne et due forme ont facilité la tâche de François Bayrou qui a pu adapter son discours, le rendant beaucoup plus agressif et jugeant les propositions du candidat socialiste «dangereuses», «irréalistes», «imprudente» ou «graves». La dernière déclaration en date a été, dans le magazine Marianne, de comparer le danger Hollande au danger Sarkozy en 2007: «si le programme de François Hollande était appliqué, la catastrophe arriverait. Comme j'ai prédit il y a cinq ans la catastrophe de Nicolas Sarkozy». Ce qui a permis à Harlem Désir, en commentant le programme éducation de François Bayrou que celui-ci était désormais «UMP-compatible». Les deux hommes sont dorénavant en mode confrontation, ce qui ne peut que rassurer l’électorat de centre-droit. Et peut-être à détache certains électeurs de centre-gauche de François Hollande. Mais, là, rien n’est moins sûr.
On pourrait considérer, cependant, que cette hésitation à choisir son adversaire principal est vue par les électeurs comme une procédé quelque peu opportuniste. C’est le risque que prend Bayrou mais il ne peut faire autrement s’il veut atteindre le second tour.
Pour autant, il y a des raisons politiques qui peuvent atténuer ce sentiment d’opportunisme. D’abord, Bayrou s’est toujours voulu à équidistance des deux principaux candidats. Que le programme de Hollande ne lui convienne pas, n’est pas inconcevable. Qu’il le trouve plus dangereux que celui de Nicolas Sarkozy (quand ce dernier en aura un!) n’est pas non plus une incongruité. Qu’il veuille en éliminer un avant d’en éliminer un deuxième est la seule stratégie gagnante et, en tant que centriste, ce sont évidemment les programmes des deux auxquels il s’oppose.
Remplacer Nicolas Sarkozy, le troisième objectif, peut être considéré comme raisonnable alors que ce dernier plafonne dans les intentions de vote au premier tour et, surtout, se retrouve constamment largement battu par François Hollande au second tour.
En fait, il s’agit d’une montagne. Car Nicolas Sarkozy a ce que François Bayrou n’a pas: une légitimité de gouvernant, une pratique du pouvoir et un parti fort et structuré qui n’a aucune intention de se ranger derrière le candidat du Mouvement démocrate, quoiqu’il arrive.
De même, les sympathisants de la Droite n’ont certainement pas oublié les mots très durs que François Bayrou a eu à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Peut alors se développer une sorte de réflexe affectif autour du président de la république qui sera dirigé tout à la fois pour sa personne et contre François Bayrou.
Mais, bien évidemment, on parle ici de dynamique. Et, en matière politique, celle-ci peut tout bousculer et rabattre les cartes. L’exemple type (mais il y en a de nombreux autres), c’est, en 2007, la victoire à la présidentielle américaine de Barack Obama alors que celui-ci était donné comme incapable de battre Hillary Clinton dans la primaire démocrate. En revanche, la victoire de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 après avoir éliminé Jacques Chaban-Delmas est un handicap car il est sûr que l’UMP à de la mémoire et fera très attention de ne pas être le dindon de la farce comme l’UDR le fut à l’époque.
In fine, à François Bayrou de montrer s’il est de la catégorie de ces animaux politiques qui ont ce petit plus nécessaire pour transcender la réalité et avoir un destin hors du commun.
Alexandre Vatimbella
(*) Sondage SOFRES réalisé les 31 janvier au 3 février auprès d'un échantillon national représentatif de 922 personnes âgées de 18 ans et plus / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points