Mitt Romney, en gagnant facilement mardi la primaire de Floride devant Newt Gingrich a sans doute fait un grand pas vers sa nomination en tant que candidat républicain pour la présidentielle du 8 novembre. Bien sûr, il faut se garder de tout pronostic définitif mais sa large victoire tout autant que son attitude plus offensive ainsi que les hésitations et les erreurs de son principal rival lui donne désormais ce fameux «momentum» qu’adorent les médias américains, cette sorte de dynamique conjoncturelle qui permet d’avoir une force particulière qui bouscule tout sur son chemin et fait de vous un gagnant. Il devrait, ce week-end engrangé une nouvelle victoire dans le Nevada qui confirmera son élan.
Mais, attention, comme tout phénomène conjoncturel, le momentum ne dure pas. D’autant que Mitt Romney se fait de plus en plus remarqué part ses déclarations intempestives qui sont, tout autant, des gaffes qu’elles sont indécentes. La dernière en date, «les pauvres ne sont pas mon problème», une déclaration particulièrement malvenue de la part d’un républicain qui gagne plus de 23 millions de dollars par an par le seul placement de sa fortune et qui est né avec «une cuillère d’argent dans la bouche»… Toujours est-il que même les médias conservateurs se sont offusqués d’une telle tirade.
Auparavant, Romney avait proposé un pari en direct à la télévision à Rick Perry, le gouverneur du Texas et alors candidat à la primaire, dont le montant de 10.000 dollars, qui semblait être une peccadille pour l’ancien gouverneur du Massachussetts, était une indécence faite aux pauvres avec qui il a manifestement un problème!
Toujours au rayon des gaffes, sa déclaration selon laquelle il adorait «virer les gens», ce qu’il a fait de nombreuses années en rachetant des entreprises en difficultés et en faisant de larges plans sociaux, surtout au moment où des millions de ses compatriotes cherchent un travail dans une conjoncture économique difficile.
Il a également expliqué que s’il avait été peu imposé en 2011 c’est parce qu’il n’avait gagné que «très peu d’argent», c’est-à-dire 374.000 dollars en donnant uniquement des conférences.
En outre, il a demandé aux gens de compatir aux «pauvres banques» et aux entreprises qui sont «des gens comme les autres»…
Et devant des chômeurs, lui qui fait partie des 0,006% des Américains les plus riches, il a plaisanté en disant que lui aussi était «sans emploi».
Fermer le banc… pour le moment.
Reste que, pour relativiser ces propos, beaucoup de candidats dont certains sont mêmes devenus des présidents ont fait des gaffes. George W Bush en était coutumier, bien que certains de ses supporters aient toujours affirmé qu’il faisait exprès de passer pour un ignorant afin de cacher son éducation et sa vie de riche auprès des électeurs, une stratégie qui n’est manifestement pas celle de Romney!
En fêtant son succès floridien, Romney a déclaré, «alors que nous célébrons cette victoire, nous ne devons pas oublier le vrai but de cette élection: battre Barack Obama».
Car c’est l’obsession des républicains à défaut d’avoir un programme cohérent. Et quand ils tentent d’en avoir un, comme Romney, c’est pour copier celui de… Barack Obama. Celui-ci a ainsi déclaré que sa campagne parlait des problèmes des classes moyennes, affirmant sans rire qu’il était le porte-parole des principales victimes de la politique actuelle: les retraités de la fonction publique, les chômeurs et les parents qui veulent envoyer leurs enfants à l’université. Ce faisant, il oublié seulement que les républicains prévoient de revoir les retraites des fonctionnaires, qu’ils ont tenté, à la Chambre des représentants, d’empêcher les chômeurs de toucher des allocations et qu’ils ont fait de même en ce qui concerne les bourses pour les étudiants…
Voilà un recentrage – indispensable pour Romney s’il veut gagner la présidentielle de novembre prochain – qui se fait sur des thèmes qu’il aura du mal à défendre.
Car c’est tout le dilemme de celui qui est désormais le favori pour être le candidat républicain face à Obama. Demeurer très à droite dans les primaires de son parti et parler en tant que centriste au peuple américain! De sa capacité à jongler avec des discours antinomiques, des postures inconciliables et des promesses contradictoires viendra sa capacité à se montrer comme un candidat «électable» pour ses concitoyens.
Pour l’instant, c’est loin d’être gagné d’autant que Mitt Romney a d’autres casseroles à ses basques (outre celles dont nous avons parlés plus haut). Il est accusé de changer d’avis selon son auditoire par les médias, d’être un modéré par les ultraconservateurs républicains, d’être un opportuniste centriste pour les modérés, d’être un homme richissime qui a bâti sa fortune sur les faillites d’entreprises et les plans sociaux, d’être de confession mormone, de n’avoir aucun charisme et de n’avoir aucune idée originale.
Tout cela met mal à l’aise comme le dit un des éditorialistes-vedettes du New York Times, Nicholas Kristof, «les moments qui ont été les plus embarrassants à regarder au cours de cette période politique se sont déroulés lorsque Mitt Romney a prétendu être un vrai conservateur en colère, jetant de l’huile sur le feu. Tout montre qu’en réalité il est, dans son âme, un modéré pragmatique mais qu’il a changé d’avis comme un poisson frétillant afin de cacher son côté raisonnable».
Sa meilleure chance de gagner ne vient d’ailleurs pas de ses qualités que certains cherchent encore mais de… Barack Obama. Si ce dernier commet des erreurs, s’il n’est pas capable de gérer correctement la situation économique et sociale délicate du pays et de redonner espoir aux Américains, ceux-ci pourraient choisir Romney par défaut comme vont sans doute le faire les républicains qui ne voient pas d’autres personnalités acceptables pour le scrutin de novembre.
Tous les analystes disent que l’économie sera le sujet principal de l’élection de novembre prochain. Mitt Romney s’en va partout affirmant que Barack Obama a échoué en la matière et que lui, le spécialiste, va remettre les Etats-Unis sur le bon chemin de la croissance.
Néanmoins, depuis quelques mois, les indicateurs économiques se sont améliorés et, surtout, le taux de chômage commence à baisser de manière significative. S’il est trop tôt pour dire que cette baisse va se poursuivre, elle est, pour l’instant, une bonne nouvelle pour le président.
Car, au-delà du taux de chômage lui-même, c’est bien la tendance du marché de l’emploi qui sera un des éléments essentiels qui fera l’élection. Si la tendance est baissière, Barack Obama devrait en tirer partie. Si elle est haussière, ce devrait plutôt être Mitt Romney qui en bénéficiera. En théorie…
Alexandre Vatimbella