Semaine difficile pour François Bayrou qui a tenté de reprendre la main en présentant son programme économique alors que les sondages sont en baisse, que son message a du mal à passer, que François Hollande le renvoie au centre-droit et que la Droite le courtise afin de le marginaliser comme une excroissance de la majorité.
Pour certains analystes, ces événements démontreraient que le président du Mouvement démocrate a atteint son pic dans les intentions de vote et qu’il y a peu de chance qu’il soit présent au second tour. Mais le premier tour est encore relativement loin et le candidat Bayrou peut encore rebondir.
C’est en tout cas ce que veut croire son entourage qui table maintenant sur une deuxième dynamique à la fin du mois de février lorsque le président de la république aura annoncé qu’il est candidat, lui aussi.
Toutefois, parmi les proches, certains s’inquiètent de cette atonie de la campagne, surtout de l’incapacité de leur champion de se mêler réellement à la lutte entre les deux principaux candidats, d’autant que celui-ci n’a pas encore réussi à dépasser Marine Le Pen dans les sondages.
Quelques uns, tout en se félicitant du programme économique de François Bayrou présenté cette semaine, en parlant de programme responsable et centriste, s’inquiète de son rigorisme extrême qui laisse peu de place à l’espoir pourtant fondamental en politique. Ils espèrent que les prochaines annoncent du président du Mouvement démocrate iront dans ce sens.
Trois sondages consécutifs ont donc noté une légère baisse des intentions de vote en faveur de François Bayrou (un quatrième donne des intentions de vote identiques aux trois premiers mais est en hausse car sa précédente vague datait de novembre dernier, avant le décollage du candidat).
Ce ne sont pas des baisses importantes, entre un et deux points, mais elles montrent un tassement des intentions de vote alors que François Bayrou a absolument besoin d’un nouvel élan, d’abord pour dépasser Marine Le Pen et la déloger de sa troisième position pour, ensuite, s’attaquer aux deux grands candidats qui continuent à faire la course en tête et se mêler à la lutte pour la victoire.
Il faudra donc être attentif aux prochains sondages pour voir s’ils confirment cette tendance ou si cette séquence était une petite parenthèse.
Toujours est-il que François Bayrou a contre-attaqué en présentant son programme économique pour, selon ses termes, «remettre en ordre les finances de la France» et «réarmer la production française» où il prévoit de la rigueur au moins pour les trois premières années de son mandat, s’il était élu. Reste que ses mesures, plus ou moins originales, s’inscrivent dans la même logique que celles de François Hollande et Nicolas Sarkozy, sauf qu’il y manque des propositions volontaristes pour relancer la croissance.
Se posant en candidat de la «vérité», il a affirmé que «le premier devoir de l'Etat, c'est de bien gérer, de mettre la France en état de sortir du surendettement assez vite pour que ce soit crédible et de procéder à cette remise en ordre en sachant que cela sera supportable, sans porter atteinte ni à la santé économique du pays ni à la justice sociale».
Il y aura donc augmentation des impôts (impôts sur le revenu pour les plus hauts revenus et TVA, ce qui ne favorisera pas une relance de la consommation intérieure), réduction des dépenses publiques et deux incitations fiscales, l’une pour les entreprises qui embauchent des jeunes, l’autre pour les grandes entreprises qui s’installent en réseau avec les PME en matière d’innovation.
Or, en père la rigueur qui répète qu’il a été le premier à la prôner dès 2007, il semble oublier ce que tous les analystes économiques affirment ces derniers temps, du FMI (Fonds monétaire international) à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) en passant par la Banque mondiale et même les fameuses agences de notation tant décriées. Pour eux, s’il est bien indispensable de maîtriser les dépenses publiques et de combler certains déficits, il ne faut pourtant pas oublier qu’il est tout aussi indispensable de faire de la relance pour permettre, non seulement, à l’économie d’aller mieux mais à la croissance de revenir, seule manière de renflouer les caisses publiques. Avoir comme seul objectif d’équilibrer les comptes publics n’a pas de sens, rappellent-ils.
Et ce n’est pas la création d’un commissariat au plan sous une autre dénomination (commissariat aux stratégies), celle d’une banque pour financer les PME (que l’on trouve également dans les programmes de Hollande et Sarkozy) ou celle d’un label pour les produits français afin d’inciter les Français patriotes à les acheter qui suffiront à relancer la machine économique et à réindustrialiser le pays.
Quant au sommet entre l’Europe et les pays du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) pour rééquilibrer le commerce mondial et obliger ces derniers à respecter les règles d’une vraie concurrence, on ne voit pas très bien ce qu’il produira de plus qu’un G20 ou que les négociations au sein de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
En revanche, l’appel au développement d’une politique industrielle de l’Europe va dans le sens de ce que réclament les économistes. On regrettera simplement le manque d’ambition des propositions car seul un vrai fédéralisme politique en la matière est indispensable, ce que tous les centristes savent depuis longtemps.
Dans ce programme, par ailleurs, on ne trouve pas, comme prévu, de TVA «sociale» ou de TVA «emploi» ou autre dénomination du même genre alors que l’on pensait que cette mesure était «centriste» selon son principal défenseur et membre de du comité de soutien de Bayrou, Jean Arthuis. Mais il faut dire qu’elle est très impopulaire dans la population et que son efficacité n’est absolument pas démontrée. Rappelons que le dernier cadeau en matière de TVA aux professionnels (la TVA sociale devant permettre aux industriels d’avoir moins de charge et de répercuter la baisse de celles-ci dans leur prix pour éviter de l’inflation), c’est-à-dire la baisse dont ont profité les restaurateurs, leur a surtout permis d’agrandir leurs marges mais pas de baisser leurs prix, ni de recruter ou de procéder à des augmentations de salaires comme cela devait être, soi-disant, le cas...
François Bayrou attendait ce début d’année pour savoir, entre les deux «grands» candidats celui qui serait le maillon faible. La réponse semble désormais de plus en plus évidente, il s’agit de Nicolas Sarkozy. Non seulement François Hollande ne s’est pas effondré comme l’attendait Bayrou mais il est en hausse. En revanche, Nicolas Sarkozy est à la peine. Ce qui ne veut pas dire forcément que le président de la république va plonger dans les sondages. Cependant, tout en affirmant qu’il demeure «central», il faut bien, pour le président du Mouvement démocrate, se positionner de plus en plus clairement face aux programmes antagonistes de la Droite et de la Gauche. Il a choisi d’être plus virulent contre celui de François Hollande et se poser en plus grand responsable que Nicolas Sarkozy pour gérer la crise.
D’où les propos de François Hollande estimant que François Bayrou est désormais au centre-droit et qu’il n’a pas l’intention de gouverner avec lui (sauf, évidemment, en cas de désistement pour le second tour du président du MoDem en sa faveur…). Mouché, celui-ci lui a répondu que son programme était mauvais pour la France.
Du coup, la Droite s’est engouffrée dans ce qu’elle estime être une opportunité de récupérer les voix centristes, soit dès le premier tour, soit lors du second.
Ainsi, on lit et on entend de plus en plus de responsables de l’UMP chanter les louanges de François Bayrou (Claude Guéant, par exemple), de rappeler qu’il a gouverné avec eux voici quelques années (François Baroin, par exemple) et que ses idées sont partagées par la Droite (tous les ministres en service commandé!).
Et l’on se rappelle alors que Nicolas Sarkozy avait reçu, voici quelques mois, Philippe Douste-Blazy pour lui demander de récupérer la famille centriste pour la présidentielle. Depuis, l’ancien maire de Lourdes est passé chez François Bayrou… ou serait-il en service commandé?!
Alexandre Vatimbella