«Populiste», Barack Obama? C’est ce que certains commentateurs ont conclu en écoutant ses propos lors du troisième Discours sur l’état de l’Union que le président des Etats-Unis a prononcé en début de semaine. Et si certains affirment qu’être traité de populiste est moins négatif aux Etats-Unis qu’en France, cela signifie, tout de même, que, selon une partie de la presse américaine, Obama a choisi le petit peuple contre les élites, notamment financières, et que c’est un tournant dans sa vision politique.
Pourtant, ce n’est pas aussi simple. Il est vrai qu’Obama a décidé de passer à l’offensive depuis quelques mois face au Parti républicain qui a largement bloqué sciemment sa présidence depuis sa victoire à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat de novembre 2010 et dont les membres, notamment les candidats à la primaire qui doit désigner leur candidat pour la présidentielle de novembre prochain, n’ont que mépris et, souvent, insultes à la bouche envers sa personne (la dernière offense en date vient du gouverneur de l’Arizona, Jan Brewer, qui a pointé, mercredi dernier, un doigt vengeur en direction du président lors d’une discussion semble-t-il animée, ce qui lui a valu d’être applaudie par l’extrême-droite républicaine qui demande maintenant à Newt Gingrich d’en faire sa colistière pour les présidentielles…).
On comprend, dès lors, que, d’une part, il doit se montrer conquérant et que, d’autre part, il n’a aucun cadeau à faire à des adversaires aussi virulents dont le seul mot d’ordre demeure encore de faire de lui un «one-term-president».
Mais les propos qu’il a tenus devant le peuple américain mardi soir n’ont été souvent que le rappel de sa position depuis sa campagne de 2008. Comme nous l’avons dit ici, c’est avant tout le déplacement vers la droite extrême des républicains et leur matraquage incessant sur son «socialisme» qui ont fait croire que Barack Obama s’était déplacé vers la gauche.
Disons qu’il a mis en avant, ces derniers temps, plutôt des mesures de justice sociale qui ont «gauchisé» un discours qui demeure largement centriste.
Car, pour l’essentiel, Barack Obama est resté sur ses positions de modéré cherchant le consensus et demandant avant tout que le rêve américain permette à chacun une part équitable de celui-ci s’il donne en retour son dû équitable et qu’il joue le jeu avec les mêmes règles que les autres.
Une formule qu’il va maintenant décliner jusqu’à l’élection en se posant comme le défenseur des classes moyennes, celles qui ont été les chouchoutes des présidents depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à la présidence de Ronald Reagan, surtout jusqu’à celle de George W Bush, ce dernier détruisant le consensus social américain établi dans les années 1950, cher à l’économiste Paul Krugman, pour favoriser, à la place, l’enrichissement des plus riches qui, en retour, devait entraîner l’enrichissement de toute la société mais qui a produit l’effet inverse, creusant de plus en plus un fossé entre les très riches et les autres, la crise économique ayant accentué ce mouvement.
Même si les sondages s’améliorent en ce moment pour Barack Obama, il se pourrait que son élection soit plutôt un vote contre les républicains plutôt qu’un vote en sa faveur.
Le spectacle, parfois piteux, des primaires républicaines où les candidats s’insultent avec une rare violence tout en prenant des positions idéologiques proches de l’extrême-droite et le blocage des institutions à Washington dû essentiellement aux élus républicains élus en novembre 2010 avec la vague populiste conservatrice du Tea Party (qui a très largement reflué depuis dans l’opinion publique), sont en effet deux des grands atouts actuels d’Obama pour sa réélection.
Ils pourraient permettre de mobiliser toute une frange des «liberals» qui, actuellement, ne veut pas se rendre aux urnes, déçue par le centrisme du président mais aussi faire pencher les «independents» modérés qui pourtant sont plutôt enclins à sanctionner Obama pour, selon eux, sa responsabilité dans l‘échec du gouvernement à faire baisser largement le chômage.
C’est en tout cas une arme que ne se privera pas d’utiliser l’équipe de campagne du président.
La prochaine primaire républicaine aura lieu mardi 31 janvier en Floride. Après deux débats d’une rare violence, le dernier ayant vu Mitt Romney demander à Newt Gingrich d’arrêter de l’agresser en racontant des mensonges (ce dernier l’attaquait sur ses positions «anti-immigrés» dans un Etat, la Floride, où le vote des immigrés cubains est très important…).
Romney, selon un dernier sondage, remporterait cette primaire avec 38% des voix contre 29% à Newt Gingrich. Mais, jusqu’à présent, les sondages ont souvent été démentis par les résultats des urnes…
Toujours est-il qu’en attaquant sans cesse Mitt Romney, les autres candidats de la primaire (Newt Gingrich, Rick Santorum, Ron Paul) empêchent l’ancien gouverneur du Massachussetts de se recentrer afin de ratisser large, ce qui lui sera obligatoire s’il veut remporter la présidentielle de novembre (mais qui est un handicap pour remporter les primaires…).
Et toutes les déclarations qu’il est obligé de tenir en ce moment pour gagner son certificat de bon conservateur de la droite extrême seront évidemment des armes dans les mains d’Obama par la suite.
Cependant, Mitt Romney, s’il demeure le favori de cette course républicaine, n’est pas du tout sûr de l’emporter. Même si peu de gens voient en Newt Gingrich le candidat du Parti républicain (et beaucoup de républicains espèrent qu’il ne le sera pas), celui-ci n’a pas dit son dernier mot, loin de là.
Alexandre Vatimbella