dimanche 22 janvier 2012

Une semaine en Centrisme. Mais qui Bayrou peut-il embêter le plus?!


Voilà une bonne question! C’est en tout cas celle des stratèges de l’UMP et du PS et de leurs relais médiatiques.
A l’UMP on pense que François Bayrou est un concurrent direct de François Hollande alors qu’au PS on estime que toute voix supplémentaire qui se portera sur le président du Mouvement démocrate en sera une de moins pour Nicolas Sarkozy…
Du coup, les organes officieux des candidats, tels le Figaro pour Sarkozy ou Libération pour Hollande, par exemple (liste non-limitative puisque l’on pourrait citer Valeurs Actuelles et Le Nouvel Observateur, Le Point et l’Express et quelques autres), font une publicité à François Bayrou bien au-delà de ce que justifierait son score actuel dans les sondages et multiplient les gentillesses à son égard, le ménageant beaucoup plus que le simple respect dû à tout candidat à la présidentielle qui n’est pas de son camp.
Sans oublier qu’il faut également le ménager pour récupérer son soutien puisqu’il a affirmé qu’il appellerait à voter pour un des deux candidats du deuxième tour s’il n’y est pas présent. Mais il faut également ménager les électeurs du député béarnais, ne pas trop les braquer afin que Nicolas Sarkozy et François Hollande puissent récupérer leurs voix pour le deuxième tour au-delà d’une consigne de vote.
La couverture et le dossier spécial du Figaro magazine de cette semaine participent de la stratégie du «Bayrou capable de barrer la route à Hollande» (puis, évidemment, de ne pas être capable de battre Sarkozy au deuxième tour s’il est présent ou, mieux encore, de barrer la route à Hollande et de faire qualifier Le Pen au deuxième tour qui sera, bien entendue» écrasée par Sarkozy comme son père l’a été en 2002 par Chirac).
Le problème, évidemment, est de faire en sorte de promouvoir la candidature Bayrou mais pas trop, juste ce qu’il faut pour embêter l’adversaire et, éventuellement, le faire perdre mais en évitant qu’il soit trop fort et qu’il élimine son propre poulain.
C’est pourquoi, tout en assurant une couverture médiatique surabondante, les organes officieux hollandais et sarkozistes lancent quelques piques au président du Mouvement démocrate qui n’aurait pas de programme, qui n’aurait pas de majorité pour gouverner, etc. mais sans jamais le diaboliser (il sera toujours temps, pensent-ils s’il devient trop dangereux).
Mettre Bayrou dans les pattes de son adversaire tout en espérant récupérer les voix qui se sont portés sur lui, cela ressemble à une certaine quadrature du cercle.
Cela dit, peut-être qu’il n’y aura même pas besoin de trouver l’équation improbable, Bayrou les embêtant in fine tous les deux en s’installant à l’Elysée. Et il sera temps alors pour les stratèges de l’UMP et du PS de faire leurs valises et de s’inscrire au chômage…

Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

USA élection 2012 vue du Centre – Décidément les républicains n’aiment pas le «modéré» Mitt Romney / Les «independents» dubitatifs hésitent encore à (re)voter Barack Obama / Discours de l’Union: Obama parlera d’une société équitable et prospère


En Caroline du Sud, où se déroulait la dernière primaire en date pour la désignation du candidat républicain pour la présidentielle du 6 novembre prochain, un des paradoxes les plus étonnants de la politique américaine se vit quotidiennement.
C’est en effet dans le Parti républicain, celui créé par Lincoln, l’homme du Nord, le président de la lutte contre la sécession du Sud et de l’abolition de l’esclavage, que l’on trouve les pro-confédérés les plus virulents, ceux qui n’ont pas accepté la défaite il y a cent cinquante ans, ceux qui vivent encore dans le fantasme d’un Sud autonome en lutte contre l’Etat fédéral de Washington, ceux qui haïssent les Yankees (les gens du Nord).
Ceux, surtout, qui ont revisité l’Histoire en racontant la fable improbable des gentils sudistes, bons avec leurs esclaves, et qui furent agressés et massacrés par des hordes de soldats ressemblant plutôt à des bêtes sauvages, souillant à jamais la virginité de cette terre bénie de Dieu. Un thème repris, rappelons-le, par l’un des plus grands succès du cinéma américain, Gone with the wind (Autant en emporte le vent)…
Et ces mêmes défenseurs de la Confédération, sont les ennemis jurés du Parti démocrate, celui qui les défendait alors, celui qui fut le lieu où se trouvaient tous les sudistes réactionnaires et racistes jusque dans les années 1960, jusque dans les années du mouvement des droits civiques et des mesures prises par le président démocrate, texan d’origine, Lyndon Johnson, pour faire cesser la ségrégation honteuse qui rejeta ces militants peu recommandables dans les bras du Parti républicain grâce à la stratégie de «dirty dick», le président Richard Nixon.
Une Caroline du Sud qui vient, par ailleurs, de relancer les primaires républicaines…

Car, en début de semaine, la course des primaires républicaines semblaient bien être définitivement pliée. On prédisait alors un long fleuve tranquille pour le mal-aimé Mitt Romney. A défaut de soulever l’enthousiasme des militants et des sympathisants, il devenait le candidat inévitable, le seul capable de battre Barack Obama, le honni, récupérant ainsi le vote utile.
Mais, comme dans un mauvais film B, tout s’est écroulé en quelques jours. Bombardé «premier prétendant à la candidature républicaine qui ne soit pas un ‘sortant’ (président ou vice-président) à avoir remporté le caucus de l’Iowa et, dans la foulée, la primaire du New Hampshire», on apprenait qu’un recomptage final des voix le mettait en deuxième position derrière le très conservateur et très fondamentaliste Rick Santorum.
Est-ce la conséquence de ce petit séisme politique? Toujours est-il qu’un séisme nettement plus important s’est produit. Alors qu’il caracolait en tête des sondages pour la primaire de Caroline du Sud qui devait lui permettre de remporter sa troisième victoire consécutive et de distancer quasiment définitivement ses adversaires, ceux-ci ont commencé à afficher une remontée spectaculaire de Newt Gingrich. Celui qui se morfondait au fin fond des sondages et dont on se demandait quand il allait jeter l’éponge, semblait reprendre du poil de la bête malgré son image de marque désastreuse.
En tout cas, pour tous les républicains qui ne se résolvent absolument pas à voir Mitt Romney, le «modéré» élitiste, représenter le parti en novembre prochain, cela a été un signal. Fini le vote utile, finie la désignation d’un candidat «électable», fini le renoncement à l’idéologie.
Mitt Romney a subi une défaite cuisante face à Newt Gingrich de plus de dix points (les dernières estimations donnent 41% à Newt Gingrich et 27% à Mitt Romney alors que ce dernier caracolait avec vingt points d’avance il y a encore quelques jours).
Du coup, il n’est plus qu’un candidat comme Santorum et Gingrich, c’est-à-dire à avoir remporté une primaire.
Tout cela est du pain béni pour Barack Obama qui espère que les primaires républicaines vont durer le plus longtemps possible, qu’elles vont devenir de plus en plus idéologiques, que les candidats vont s’écharper de plus en plus et qu’elles vont diviser le parti irrémédiablement.
Ce scénario qui semblait avoir été rejeté par les républicains, redevient d’actualité et la prochain étape des primaires, la Floride, le 31 janvier, va être très chaude et ne règlera pas définitivement la compétition.
Car la faiblesse de Mitt Romney démontre, non seulement, qu’il n’est pas imbattable mais qu’il est incapable de faire passer son message auprès des militants de son parti, fait de sérieux (je suis le seul compétent en économie) et de renoncement à tout ce qu’il était ou à fait lorsqu’il était aux affaires (je suis contre l’avortement alors que j’étais pro-choix, je suis contre une assurance maladie universelle alors que j’ai été le premier à en créer une dans le Massachussetts, etc.).
Il a beau prendre des positions extrémistes, dignes des conservateurs les plus durs, et de taper constamment sur l’hôte de la Maison blanche, il ne parvient pas à se faire accepter comme un membre de la famille, ce qui n’est pas le cas de ses opposants malgré, parfois, leurs scores très bas.
«Pire» pour lui, Romney est bien le candidat des républicains modérés, ce qui est un avantage pour la présidentielle mais pas pour la nomination du représentant des républicains à cette même présidentielle…
Ainsi, les sondages de sortie des urnes ont montré qu’une majorité de votants se disant «modérés» ou «liberals» ont voté pour lui alors que ceux qui se disent «conservateurs» ou «très conservateurs» ont voté pour Newt Gingrich.
De même, l’ancien gouverneur du Massachussetts a séduit les opposants au mouvement populiste Tea Party et les personnes les plus éduquées.
Ce qui est aussi très préoccupant pour Mitt Romney c’est qu’il a perdu cette primaire après avoir été balayé par Newt Gingrich lors des débats télévisés comme le montrent ces mêmes sondages «sortie des urnes». Il y a eu deux débats en Caroline du Sud qui ont renversé totalement la tendance et il y en aura deux en Floride également…
Du coup, à la fin de cette semaine, Mitt Romney n’est plus le flamboyant qui a remporté les trois premières étapes des primaires mais le Mitt Romney sans grand charisme et peu aimé qui n’en a remporté qu’une sur trois. Ce n’est évidemment pas du tout la même chose!

Barack Obama peut donc se délecter de cette bataille de chiffonnier qui oppose les républicains d’autant que les sondages sont meilleurs pour lui qu’il y a quelques mois, surtout ceux qui le donnent gagnant quel que soit son adversaire.
Cependant, les sondages montrent aussi que les «independents», ces fameux électeurs modérés et pour la plupart centristes, ceux qui ne se reconnaissant dans aucun des deux grands partis (c’est pourquoi l’on y trouve également des personnes se déclarant à l’extrême-droite ou à l’extrême-gauche) et qui sont primordiaux pour gagner la présidentielle, ne sont pas satisfaits de sa présidence et notamment de sa gestion de l’économie. De même, ils se disent incapables de savoir ce que veux faire le président sortant s’il est réélu.
Seuls 31% ont actuellement une opinion favorable de Barack Obama et les deux-tiers estiment qu’il n’a pas remis l’économie sur les bons rails.
Reste que ces «independents» demeurent encore plus sceptiques sur les prétendants républicains, ce qui est une chance pour l’hôte de la Maison blanche. Par ailleurs, plus de la moitié d’entre eux attendent d’en savoir plus sur Mitt Romney, le plus modéré des républicains, pour se faire une opinion sur lui.
De même, ils estiment qu’il est plus apte à prendre des décisions dans la plupart des domaines que les républicains et que ce sont ces derniers qui sont responsables du blocage des institutions en s’opposant systématiquement aux initiatives du président.
En 2008, Barack Obama avait gagné 52% des voix des «independents» contre 44% pour son rival républicain, John McCain.

Mardi 24 janvier, Barack Obama prononcera le traditionnel discours sur l’Union (State of the Union address). Ce sera son troisième et, surtout, son dernier avant la présidentielle de novembre. A cette occasion il devrait mettre l’action sur le rôle de l’Etat dans la mise en place d’une société prospère et équitable.
Dans une vidéo adressée à ses supporters, le président dévoile un peu la tonalité de son discours. Il s’agira, selon lui, de prendre des mesures afin de bâtir une économie américaine forte et résistante avec un gouvernement qui aidera le secteur privé et les personnes pour que tous puissent avoir la chance de réussir mais aussi aient une part équitable de la richesse produite et que tout le monde joue le même jeu avec les mêmes règles.
Il devrait ainsi appeler à «un retour aux valeurs américaines d’équité pour tous et de responsabilité de tous», comme il le déclare dans la vidéo.
Une des mesures emblématiques qu’il devrait à nouveau défendre est de faire payer plus d’impôts aux très riches, mesure qui est défendue par une large majorité d’Américains.
De même, Barack Obama devrait affirmer que l’évolution, ces dernières années, des républicains vers la droite extrême fait de l’élection de 2012, un événement d’une énorme importance. Et s’il y a bien un thème consensuel entre démocrates et républicains, c’est bien cette dramatisation du scrutin du 6 novembre prochain...

Alexandre Vatimbella