2012 a été une «annus horribilis», véritablement une année
terrible, pour le Centre qui a touché un de ses points les plus bas depuis bien
longtemps tant en matière électorale que de force capable d’influencer le débat
politique.
Comme toute catastrophe de ce genre, un mouvement de
reconstruction s’est mis en route dans la foulée dont il est trop tôt pour
juger de son éventuel succès ou de son échec.
- Naufrages électoraux
S’il faut parler, évidemment, du nouvel et sévère échec de
François Bayrou à la présidentielle où il n’est arrivé qu’en cinquième position
derrière François Hollande et Nicolas Sarkozy mais, plus grave, également
derrière Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, ne parvenant pas à dépasser la
barre des 10%, il ne faudrait pas oublier que tout le Centre a sombré dans
cette année électorale.
Que dire ainsi de la défaite de ce même Bayrou aux élections
législatives qui ont suivi la présidentielle et de tout son Mouvement démocrate
(à peine deux élus) ainsi que de tous les autres partis centristes.
Que dire du Nouveau centre, fort soi-disant de ses trente
députés mais incapable de s’unir derrière la candidature présidentielle de son
président, Hervé Morin, qui, crédité de 1% des intentions des vote, voire
moins, n’est même pas parvenu à réunir les 500 parrainages nécessaires pour
être présent à l’élection alors que le trublion Jacques Cheminade, lui, n’a pas
eu ce problème…
Un Nouveau centre qui a ensuite et sans surprise explosé en plein
vol avec le départ d’une partie de ses élus et de ses cadres derrière son
président délégué et ennemi féroce de Morin, Jean-Christophe Lagarde dans un parti,
la FED (Force européenne démocrate) dont la création n’apparaît pas clairement
à l’heure actuelle comme indispensable et qui s’est d’ailleurs immédiatement
ralliée à l’UDI de Jean-Louis Borloo.
Il faut dire que Lagarde, sans doute par ambition
personnelle (tout à fait respectable au demeurant), a été le principal fan de
Jean-Louis Borloo dans son entreprise de récupération des centristes pour ses
visées également personnelles.
Que dire également de l’Alliance centriste qui n’a jamais
réussi à sortir de l’anonymat depuis sa création et est demeurée un groupuscule
sans militants (mais avec quelques notables élus essentiellement au Sénat) et
sans projet.
Voilà un parti qui justifiait son existence par la volonté
de réunir les centristes et qui, lors du premier tour, se rallia derrière
François Bayrou contre Hervé Morin (après avoir fait alliance avec celui-ci un
temps) et après les législatives rejoignit immédiatement le camp centriste
opposé de l’UDI (en critiquant vertement François Bayrou)…
Il y avait là tout l’opportunisme qui fait tant de mal au
Centre depuis longtemps.
Quant au Mouvement démocrate, assommé par l’échec de son
chef et unique ciment, François Bayrou, il est demeuré ce qu’il a toujours été,
une création d’un homme pour un destin personnel, sans élus et avec,
dorénavant, peu de militants.
Un gâchis énorme alors que le MoDem est certainement la
formation politique qui défend la position la plus proche de ce que devrait
être un Centre indépendant s’appuyant sur une vision réellement Centriste.
A tous ces échecs, il ne faudrait pas oublier d’adjoindre
celui… de l’UMP (à la fois électoralement et politiquement avec la crise
interne lors de la guerre entre François Fillon et Jean-François Copé).
Rappelons que l’objectif de cette dernière lors de sa
création était de réunir Droite et Centre dans une même formation.
Pourtant, dès le départ, les centristes y ont toujours été
marginalisés (même si Jean-Pierre Raffarin fut le premier ministre de Jacques
Chirac) et l’UMP fut toujours considérée comme un parti de droite et non un
parti de droite et du Centre, a fortiori, un parti de centre-droit.
Le départ de Pierre Méhaignerie «centriste historique» de
l’UMP pour l’UDI est assez anecdotique mais montre malgré tout le désarroi de
ces centristes umpistes phagocytés et leur incapacité de pouvoir peser sur la
ligne politique de l’UMP depuis 2002 et, surtout, 2007.
- Bayrou et Borloo
Au niveau des hommes, le Centre, à tort ou à raison, est
désormais incarné par deux leaders, François Bayrou et Jean-Louis Borloo.
Malgré la claque qu’il a prise à la présidentielle, François
Bayrou (président du Mouvement démocrate) demeure l’une des figures centrales
du Centre.
Cela veut-il dire qu’il à l’étoffe d’un grand homme
politique ou bien que le Centre est désespérément vide de toute personnalité de
premier plan?!
Une réponse peut-être donnée par l’extrême facilité avec
laquelle Jean-Louis Borloo (président du Parti radical et de l’UDI), qui n’a
rien d’un centriste et qui le revendique haut et fort, a pu, tels autrefois
Edouard Balladur et même Valéry Giscard d’Estaing, récupérer les troupes
éparpillées du centre-droit derrière sa bannière.
Les hommes et femmes d’avenir du Centre sont encore à
chercher avec une loupe, voire un microscope! On peut, tout de même, citer les
deux Jean-Christophe, Lagarde (président de la FED) et Fromantin (député-maire
de Neuilly-sur-Seine).
Espérons que les années qui viennent apporteront quelques
fournées salutaires dans ce domaine quasi-désertique pour l’instant…
- Création de l’UDI
Avec la déconfiture de François Bayrou et des centristes aux
élections présidentielles et législatives, la création de l’UDI (Union des
démocrates et indépendants) est le deuxième événement de l’année dans la
galaxie centriste française.
Grâce à cette déconfiture, au désarroi des centristes et à
un bon timing, Jean-Louis Borloo a pu créer cette structure (d’abord sous la
forme d’un groupe à l’Assemblée nationale puis d’un parti) encore fédérale pour
ses ambitions personnelles en agrégeant autour de lui la très grande majorité
des personnalités de centre-droit mais aussi nombre d’autres venues de la
«droite modérée» ainsi que de la Droite tout court.
Ce qui fait de l’UDI plutôt un parti de droite modérée que
de centre-droit.
D’autant que Borloo n’a pas réussi, pour l’instant, à vider,
loin de là, l’UMP de tous les centristes ni à récupérer une grande partie du
Mouvement démocrate.
De même, le parti demeure encore un assemblage de bric et de
broc où les leaders se contredisent à périodes répétées quand ils ne de
détestent pas entre eux (Morin et Borloo se détestent, tout comme le premier
nommé et Lagarde, par exemple).
En outre, si l’UDI a une bonne image dans la population (ce
qui est de bon augure pour son avenir), elle a complètement raté son premier
rendez-vous électoral avec la défaite d’un de ses députés lors d’une partielle
après son invalidation par le Conseil Constitutionnel.
Pire, la défaite du maire de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne),
Henri Plagnol, n’est pas venue de la Gauche mais de l’UMP, pourtant présentée
comme moribonde par Jean-Louis Borloo, sous la personne de son ancien adjoint à
la marie. Sylvain Berrios.
Une entrée en la matière qui fait quelque peu tâche d’autant
que Berrios ne bénéficiait même pas de l’investiture de l’UMP qui avait été
donnée à Plagnol!
- Le projet centriste en panne
Autant dire qu’avec toutes ces péripéties électorales et
organisationnelles (sans parler des problèmes d’égos), le projet centriste de
gouvernement n’a pas beaucoup progressé en 2012.
La plateforme électorale de François Bayrou était peu claire
et le programme de l’UDI encore largement à définir.
Ce qui a d’ailleurs exclu les centristes de tous les grands
débats nationaux et internationaux à part celui sur la nécessité de
réindustrialiser la France et sur la nécessité de s’attaquer aux abyssaux
déficits des finances publiques.
Néanmoins, on attend toujours ce projet de société humaniste,
équilibrée et européenne, qui est la marque de fabrique du Centre dont on a
peine à discerner les contours exacts et les fondements dans les propos actuels
des leaders centristes.
- Centre, centre-droit et centre-gauche
Un des débats de cette année a été, encore et toujours, la
place du Centre sur l’échiquier politique français.
Ainsi, le Centre est-il plutôt proche de la Droite ou de la
Gauche ou se trouve-t-il à équidistance des deux, ou ailleurs?
On sait que les centristes se mélangent souvent les pédales
dans ce positionnement pourtant essentiel et qu’ils ne sont guère aidés en cela
par les adversaires du Centre, en particulier ceux qui prétendent qu’il
n’existe pas.
C’est de bonne guerre évidemment de la part de ces derniers
mais est une faiblesse politique évidente des centristes.
Le Centre, faut-il le rappeler, d’abord, n’est pas l’allié
préférentiel, ni de la Droite, ni de la Gauche. Durant son histoire, il a été
allié avec la Droite et la Gauche sans pour autant renier ce qu’il était.
Ensuite, le Centre n’est pas un «juste milieu» politique,
c’est-à-dire qu’il n’est pas la moitié de la Gauche et la moitié de la Droite,
qu’il ne se définit pas par rapport à la Droite et la Gauche mais qu’il est un
«juste équilibre» et qu’en cela il a un positionnement politique particulier
dont on peut même dire qu’il est la référence qui positionne les clientélismes
de droite et de gauche.
Mais ce juste équilibre n’est pas non plus assimilable à une
union nationale comme s’est employé à le faire croire François Bayrou pendant
la campagne présidentielle et qu’il continue à la prôner au nom du Centre.
Si le Centre a un esprit consensuel et de compromis, cela
n’a rien à voir avec une vision d’un grand rassemblement unitaire. Les
centristes sont des démocrates et ils savent bien que la démocratie ne peut
vivre que s’il y a des mouvements d’idées divergentes à partir, évidemment, de
valeurs communes.
Ce qui n’empêcherait pas, évidemment, le Centre de prendre
toute sa part d’une union nationale si celle-ci s’avérait nécessaire ce qui n’a
jamais été le cas ces dernières décennies.
- Où est le renouveau?
L’année 2012 n’a pas montré le moindre renouveau du Centre.
Ce sera, s’il doit y en avoir un, pour 2013 ou, plus sûrement, pour 2014 avec
les élections municipales et européennes. C’est ce que nous tenterons de
déterminer dans une prochaine analyse.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC