Pour ce qui est de la galaxie centriste, 2012 a bien
évidemment été dominée par la réélection de Barack Obama à la présidence des
Etats-Unis.
Ailleurs, dans le monde, les centristes n’ont pas toujours
été à la fête comme en Grande Bretagne et, surtout, au Japon.
Quant à l’ambiguïté de l’adjectif «centriste» accolé à certains
partis, il a continué à nourrir le débat politique dans les pays arabes.
- La réélection
d’Obama
L’élection du président de la première puissance mondiale
est sans conteste un événement international. Et la victoire de Barack Obama en
est un autre à plusieurs titres.
En premier lieu parce qu’il est un des seuls gouvernants des
pays démocratiques à avoir retrouvé son poste alors que la crise économique et
financière est loin d’être terminée.
Et à l’inverse de ce que beaucoup croient, il n’a pas été réélu
dans un mouchoir de poche.
Selon les statistiques officielles, il a obtenu 51% des voix
contre seulement 47,3% à Mitt Romney, un écart de presque 4% et de près de cinq
millions de voix. De même, il a remporté une majorité d’Etats dont tous ceux, à
part le Texas, qui sont les plus peuplés. Sans oublier les 332 grands électeurs
face aux 206 de son rival républicain.
En second lieu parce qu’il a fait mentir tous les
statistiques et précédents qui voulaient qu’un président américain ne pouvaient
être réélus avec une situation économique aussi difficile.
Les commentateurs sont allés chercher tout ce qui pouvait
démontrer l’impossibilité pour Barack Obama de retrouver le Bureau ovale. In
fine, les électeurs les ont démentis sans appel…
En troisième lieu parce que son élection en 2008 en tant que
premier noir (afro-américain) et membre d’une ethnie minoritaire à accéder à la
Maison blanche était déjà historique mais que sa réélection, du fait des
difficultés des Etats-Unis, des attaques outrancières des républicains
notamment du mouvement de la droite extrême du Tea Party qui l’a comparé à
Hitler et Staline ainsi que le blocage voulu et assumé des élus républicains au
Congrès pour le faire chuter, l’est encore plus.
Ainsi, s’il avait été battu le 6 novembre dernier, on aurait
tôt fait d’affirmer que sa victoire de 2008 n’avait été en réalité, non pas un
accident de l’histoire, mais qu’un épisode conjoncturel et exceptionnel rendu possible
par des circonstances particulières telles la désastreuse fin de la présidence
de George W Bush (n’importe quel démocrate devait l’emporter face au candidat
républicain selon les analystes politiques) et à la volonté des Américains de
retrouver une dignité et une moralité, ce qui avait abouti à l’élection d’un
jeune sénateur sans grande expérience et afro-américain.
Sa réélection, a contrario, démontre qu’il ne s’agissait pas
d’un événement unique et hors du commun.
La raison en vient, en grande partie, du formidable charisme
de Barack Obama (tous les sondages ont montré que les Américains aimaient
l’homme même s’ils critiquaient sa politique) allié toutefois avec un
changement profond dans la société américaine au niveau des mentalités mais
surtout dans l’évolution de la population américaine, toujours plus urbaine et
plus métissée avec, en outre, la montée en puissance de groupes ethniques tels
les afro-américains ou les asiatiques et, évidemment les latinos qui ont voté à
plus de 75% pour Obama.
En quatrième lieu parce qu’il est un centriste et que toute
réélection d’un centriste est toujours ardue car il doit défendre un bilan face
aux attaques dures venues de sa droite et de sa gauche.
Barack Obama a ainsi défendu pendant quatre ans une approche
de la politique par la voie du juste équilibre et du consensus le plus large,
se heurtant aux critiques des libéraux (gauche) et des conservateurs.
Pourtant, il a continué sur cette voie qu’il a défendue
pendant la campagne électorale.
De ce point de vue, sa victoire est aussi celle du Centre
même si, paradoxe, on comptera moins de centristes élus à la Chambre des
représentants et au Sénat.
Mais cette anomalie vient des pratiques très contestables de
charcutages électoraux réalisés par les congrès de chaque Etat de l’union et
qui aboutissent à des circonscriptions qui, aujourd’hui, avantagent largement
les républicains.
Car si ces derniers ont remporté largement les élections à
la Chambre des représentants en nombre d’élus, ils les ont perdues en vote
populaire…
- Les difficiles
heures des centristes anglais
Nick Clegg compte quelque peu pour pain et beurre dans le
gouvernement du conservateur David Cameron et cette situation s’est encore accrue
en 2012. Pourtant, le leader des libéraux-démocrates (centristes), est le
vice-premier ministre en titre de Grande Bretagne.
Néanmoins, il a du avaler des couleuvres à répétition depuis
qu’il a décidé de faire alliance avec la Droite et non avec la Gauche à l’issu
des dernières élections législatives.
Il pensait pouvoir peser sur les décisions et c’est tout le
contraire qui s’est produit au grand dam de ses partisans et de ses troupes.
Du coup, son crédit auprès de l’opinion publique a fondu
comme neige au soleil et si des élections législatives avaient lieu
aujourd’hui, son parti serait laminé comme il l’a été dans les diverses
élections qui ont eu lieu dernièrement, notamment les municipales.
Moments difficiles, donc, pour les centristes britanniques
dont on ne donne pas cher lors des prochaines législatives, pour l’instant.
- Les centristes
européens dans la tourmente de la crise économique
Les centristes n’ont pas été à la fête en Europe même s’ils
ont pu faire de la résistance dans plusieurs pays, notamment dans les pays
scandinaves ou dans certains des ex-pays de l’Est et que la chancelière Angela
Merkel a recentré son discours en vue des prochaines législatives allemandes,
se rappelant soudainement qu’un parti démocrate-chrétien a vocation à se
retrouver au centre de l’échiquier politique...
Mais c’est en Italie qu’ils ont été en première ligne avec
le gouvernement de Mario Monti. Une expérience sous fond de grave crise
économique qui a déchaîné les passions mais qui semblait remettre le pays sur
les bons rails et qui vient de se terminer, torpillée par le populiste de la
droite extrême, l’opportuniste Silvio Berlusconi.
Du coup Monti a démissionné et les prochaines élections
législatives de février prochain s’annoncent très mal. Les partis centristes ne
sont crédités que de 10% des intentions de vote (16% si Monti prend la tête
d’une coalition), la Gauche étant favorite avec le Parti démocrate et ses
alliés devant le parti de Berlusconi, Peuple de la liberté.
- La bérézina des
centristes japonais
Au Japon, le Parti libéral démocrate de Shinzo Abe (droite
conservatrice et nationaliste) est revenu au pouvoir, balayant le parti de
centre-gauche qui a gouverné ces trois dernières années après une victoire
historique en 2009 et qui n’a obtenu que 57 sièges sur 480 à la chambre des
députés!
Il faut dire que la politique du PDJ (Parti démocrate du
Japon) a été assez illisible dans de multiples domaines et que la crise
économique et financière sur fond de vieillissement accéléré de la population
et de montée en flèche du péril chinois, n’a pas joué en faveur du gouvernement
de Yoshihiko Noda, le dernier premier ministre centriste.
- Partis centristes
en recomposition en Israël
Devant la montée du nationalisme et de la droite dure en
Israël, les centristes semblent de plus en plus divisés et, surtout, incapables
de pouvoir disputer la victoire promise à Benjamin Netanyahu, l’actuel premier
ministre, lors des législatives du 22 janvier prochain.
Ainsi, le principal parti centriste jusqu’à présent, Kadima,
créé par Ariel Sharon, disparaitrait quasiment de la prochaine chambre des députés
(avec une projection de deux sièges contre 28 actuellement!).
Le nouveau parti centriste, Le Mouvement, créé par Tzipi
Livni, l’ancienne ministre des Affaires étrangères, n’aurait que neuf sièges
alors que Yesh Atid, un parti créé par l’ancien journaliste Yaïr Lapid, en
obtiendrait six.
- Centrisme et
centrisme dans les pays arabes
On a beaucoup parlé de Centre et de Centrisme dans les pays
arabes au cours de ces deux dernières années. Pourtant, il s’agit souvent d’une
vision centriste qui n’a rien à voir avec le Centre et le Centrisme tels que
nous les entendons au CREC, ni même dans les démocraties, comme nous avons eu l’occasion
de l’écrire.
Car il y a deux centrismes et deux centres dans le paysage
politique de la plupart des pays arabes.
Le premier ressemble à celui des démocraties, il est positionné
comme modéré, consensuel et prône des politiques de juste équilibre.
Le deuxième est une construction factice, dans une
définition réduite d’un centre uniquement à équidistance de deux «extrêmes», en
l’occurrence les partis islamistes et les partis laïcs.
Ce deuxième centre a pratiquement mis sous l’éteignoir le
premier nommé comme, par exemple, en Tunisie, où le parti islamiste Ennahda, se
présente désormais comme centriste, brouillant ainsi le message du Centre, par
définition laïc, consensuel et tolérant.
- Les partis centristes
africains
Dans leur recherche de la démocratie, les pays africains
tâtonnent souvent. Dans ce cadre, de nombreux partis se créent chaque année. Et
ils sont de plus en plus nombreux à se réclamer du Centrisme comme, par exemple,
l’Union centriste du Sénégal (UCS) créée récemment par Abdoulaye Baldé.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC