Après la guerre Copé-Fillon, la guerre Copé-Borloo? Comme
prévu, l’élection de Jean-François Copé à la tête de l’UMP a fait immédiatement
réagir l’UDI.
Son président, Jean-Louis Borloo, a ainsi déclaré dans un
entretien au quotidien Le Monde que «dans le cœur des gens, c’est déjà fait (d’être
le premier parti de droite). L’UDI a un leader, une doctrine et un objectif.
Elle commence à voir arriver des déçus de la gauche, la plus moderne et la plus
ouverte, des écologistes responsables et une partie de la droite républicaine.
(…) Nous voulons devenir la première force politique territoriale. Ce n’est pas
un vœu pieu. Qui, selon vous, peut espérer reprendre en 2014 des villes comme
Paris, Strasbourg, Toulouse à la gauche? Qui peut espérer reconquérir le Grand
Ouest et le Centre? C’est nous».
Dans la foulée, il s’est même autoproclamé (mais il en a
pris l’habitude ces dernières semaines…), leader de l’opposition. Et s’il a mis
Jean-François Copé à égalité avec lui, c’est sans doute pour ne pas apparaître
trop sûr de lui.
Ce dernier appréciera d’être mis au même niveau que l’ex-ministre
de Nicolas Sarkozy alors que les troupes de l’UMP demeurent encore nettement
plus nombreuses que celles de l’UDI… pour l’instant.
Car la victoire de la «droite décomplexée» à l’UMP contient
une menace sérieuse pour l’unité du parti dont son ancien-nouveau président est
bien au fait.
Ainsi, après son élection de justesse devant François Fillon
(98 voix d’écart et 50,03% des voix) il est monté au créneau en affirmant que «nous
avons un danger : c'est le retour à l'horreur que fut le RPR-UDF, c'est-à-dire la fracture qui conduirait à
remplir les rangs de M. Borloo (...) Je ne laisserai pas refaire l'UDF et j'y
déploierai, je peux vous le dire, une énergie dont vous n'avez même pas idée.
Je n'accepterai pas que l'UMP soit explosée au motif que Jean-Louis Borloo
vient débaucher individuellement tel ou tel.» Même si, selon lui, l’UDI n’est
pas (encore) l’UDF.
L’illustration de l’optimisme de Borloo et de la crainte de
Copé a été l’annonce par Pierre Méhaignerie de son départ de l’UMP pour l’UDI
et qui vient après le ralliement, il y a quelques semaines, de Chantal Jouanno.
Lors d’une interview à la chaine BFMTV, l’ancien ministre et
député centriste a ainsi expliqué qu’il avait été fidèle à l’UMP et à son
positionnement politique depuis sa création par Jacques Chirac mais que les
orientations idéologiques de Jean-François Copé ne correspondaient pas à sa
vision humaniste.
La question qui va donc agiter la Droite et le centre-droit
dans les semaines à venir sera de savoir combien vont franchir le rubicond à la
suite de Méhaignerie.
Néanmoins, rien n’indique qu’après la déception des
résultats, les départs de l’UMP vers l’UDI soient aussi nombreux que ce qu’espère
Jean-Louis Borloo.
D’une part, parce qu’il ne faut pas oublier que nombre de
modérés de l’UMP étaient les alliés de Jean-François Copé et non de François
Fillon, comme Jean-Pierre Raffarin ou Marc-Philippe Daubresse. D’autant qu’avec
la victoire de leur poulain, ils vont enfin pouvoir développer un courant
officiel à l’intérieur du parti comme s’y était engagé Copé pendant la campagne
pour la présidence de l’UMP.
D’autre part, parce que François Fillon, après avoir laissé
entendre hier soir qu’il pourrait quitter l’UMP et la politique, a aujourd’hui
fait machine arrière en déclarant qu’il allait continuer son combat politique,
sans parler d’un quelconque départ du parti.
Dès lors, le départ en masse de ses partisans vers l’UDI ne
devrait pas avoir lieu.
Toujours est-il que la faiblesse et les failles actuelles de
l’UMP et de son président mal élu vont renforcer la dynamique de l’UDI et de
son président au pouvoir sans partage et adouber, lui, par toutes les composantes
du parti (à part, bien sûr, Hervé Morin…).
Les sondages ont montré que cette dynamique est bien réelle.
Reste à savoir si Jean-Louis Borloo aura les reins assez solides pour
capitaliser sur celle-ci et sur le désarroi actuel mais conjoncturel de nombre
de militants UMP.
Cette capacité ou son absence pourrait déterminer l’avenir
de l’UDI mais aussi de l’UMP.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC