On dit parfois que le paysage politique outre-Atlantique n’a
rien à voir avec celle qui se pratique en Europe et particulièrement en France.
La victoire de Barack Obama pourrait le laisser supposer
puisque pratiquement tous les responsables politiques français (et européens),
sauf ceux situés à la droite extrême et à l’extrême-droite, ont souhaité que le
président sortant fasse un nouveau mandat.
Cette vision d’une dichotomie entre les systèmes américains
et européens est largement erronée, relevant avant tout d’une culture politique
très déficiente de la part des politiques mais aussi des médias.
Du côté de la mouvance du Centre, il est très intéressant de
noter que le président de l’UDI, Jean-Louis Borloo, qui prône en France une
alliance entre le centre-droit et la droite dure, se soit ouvertement félicité
de la réélection de Barack Obama dont la stratégie électorale est aux antipodes
de la sienne…
Car, ce que prône monsieur Borloo ressemble beaucoup à
l’alliance mise en place par Mitt Romney entre le centre-droit et la droite
dure.
Une alliance qui pose des questions essentielles aux modérés
qui en font partie comme l’a montré la campagne et les résultats de l’élection
américaine.
Ainsi, le message qui a dominé toute la campagne de Romney a
été celui de la droite dure, celle qui, aux Etats-Unis comme en France, remet
en cause de nombreux acquis sociaux, discute du bien fondé de la contraception
et de l’avortement, demande une politique de complète dérégulation en matière
économique et refuse de s’ouvrir à des réformes sociétales comme la
légalisation du mariage homosexuel, environnementales comme la mise en place
d’une vraie politique pour les énergies renouvelables ainsi que de mesures
contre le réchauffement climatique et sociales comme l’ouverture plus grande à
l’immigration, non pas seulement pour des raisons humanitaires mais aussi parce
que le pays doit absolument s’ouvrir pour attirer les compétences venues du
monde entier.
Bien sûr, le candidat républicain a tenté de faire entendre,
en fin de campagne (notamment lors des trois débats télévisés) la petite
musique du centre-droit mais elle a été souvent couverte par la grosse caisse
fort bruyante de la des conservateurs purs et durs et elle n’a été perçue, la
plupart du temps, que comme un simple discours opportuniste afin de récupérer
les voix centristes.
Cette stratégie de coller le centre-droit à la droite dure
et de plaire aux électeurs les plus radicaux a été un échec dont le Parti
républicain va avoir du mal à se remettre et, surtout, va devoir analyser
correctement pour ne pas demeurer dans l’opposition au cours des prochaines
décennies.
D’autant que, l’électorat de Mitt Romney est apparu comme
celui du passé des Etats-Unis et non de son avenir, un handicap qui guette
fortement les partis de droite en France.
Jean-Louis Borloo n’est évidemment pas sur ces positions
ultras. Mais Mitt Romney non plus comme le démontre la plus grande partie de sa
carrière politique. En revanche, tous deux estiment que leur alliance naturelle
est avec la droite ce qui inclut la droite extrême (mais pas l’extrême-droite).
Ce que révèlent les résultats de la présidentielle
américaine, c’est que cette stratégie impose au centre-droit de se droitiser et
non le contraire, à la droite de se recentrer.
De même, en ne posant guère de conditions à son ralliement,
le centre-droit, plus faible que la Droite, se met dans la quasi-impossibilité
d’imposer sa vision d’une société, plus ouverte et plus humaniste.
Le président de l’UDI ne pourra parvenir à renverser cette
tendance forte que d’une seule manière, en faisant en sorte, comme il le
prétend, que sa formation devienne hégémonique dans la sphère de la Droite.
Mais, pour cela, il lui faut refaire le coup de Mitterrand
aux communistes dans les années 1970: s’allier avec eux pour mieux les
supplanter et les marginaliser afin qu’ils ne soient plus qu’une force
d’appoint.
C’est très exactement le schéma que Jean-Louis Borloo a dans
la tête. Peut-être y parviendra-t-il. Mais l’UDI d’aujourd’hui est loin encore
d’être le PS d’Epinay.
De même, la Droite n’est pas en voie de disparition et ne se
laissera pas faire.
Dès lors, la question principale est de savoir si Jean-Louis
Borloo aura les reins assez solides. Mitt Romney, lui, ne les avait pas…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC