Pour fêter sa victoire devant dix mille de ses partisans
réunis dans une salle de Chicago, sa ville d’adoption, Barack Obama est monté
sur le podium au son de «Respect», le fameux tube de la chanteuse Aretha
Franklin.
Et ce n’est pas un hasard, tant le respect est une valeur
humaniste fondamentale du Centrisme du XXI° siècle, celui du Juste équilibre
dont le président américain est une des figures les plus emblématiques depuis
près de dix ans.
Comme le dit fort justement l’éditorial du Monde daté du
jeudi 8 novembre, les Américains «ont choisi l’homme du Centre».
D’ailleurs, ses premiers mots ce soir-là, à près de deux
heures du matin, ont été clairement centristes et résonnaient avec ceux
prononcés en 2004 lors de la Convention démocrate de Boston et qui le firent
connaître aux yeux de toute la sphère politique ainsi qu’à ceux de sa campagne
de 2008, que ce soit son discours de Springfield (Illinois) où il s’était
déclaré candidat à la présidentielle que celui de sa première victoire, le 4
novembre, à Chicago dans lequel il disait «(…) nous n’avons jamais été une
collection d’Etats rouges (républicains) et d’Etats bleus (démocrates): nous
sommes et seront toujours, les Etats-Unis d’Amérique».
En écho, il a affirmé en ce 7 novembre 2012, que «malgré toutes nos différences, la
plupart d’entre nous partageons les mêmes espoirs pour l’avenir de l’Amérique.
Nous voulons que nos enfants grandissent dans un pays où ils ont accès aux
meilleures écoles. Un pays qui ne soit pas écrasé par le poids de la dette, qui
ne soit pas affaibli par les inégalités, qui ne soit pas menacé par le pouvoir
destructeur du réchauffement climatique. Nous voulons leur transmettre un pays
sûr, respecté et admiré à travers le monde, défendu par les meilleurs soldats
qui soient. Vous nous avez élus pour que nous nous occupions de vos emplois,
pas des nôtres. Dans les semaines et les mois à venir, je vais travailler avec
les dirigeants des deux partis pour faire face aux défis que nous ne pouvons
qu’affronter ensemble: réduire nos déficits; réformer notre fiscalité; réparer
notre politique d’immigration; réduire notre dépendance venue de l’étranger. Je
crois que nous pouvons affronter l’avenir parce que nous ne sommes pas aussi
divisés que nos querelles politiques le laissent imaginer. Nous ne sommes pas
aussi cyniques que le disent les experts. Nous sommes plus grands que la somme
de nos ambitions personnelles, et nous sommes plus qu’une accumulation d’Etats
rouges et bleus. Nous sommes et serons toujours les Etats-Unis d’Amérique».
Cette constance est remarquable car sa vision d’une Amérique
réconciliée et bipartisane a été constamment attaquée à sa gauche et à sa droite, avec
des propos souvent d’une violence inouïe qui aurait fait reculer n’importe quel
politicien lambda qui aurait compris que sa réélection passait par un changement
de cap opportuniste.
Mais pas Barack Obama qui n’a pas, malgré les difficultés,
abandonné ses principes centristes ainsi que pragmatistes et progressistes. La
raison est qu’il est mû par une vraie vision politique et non par une seule
ambition personnelle (même si celle-ci, évidemment, existe comme pour tout
individu cherchant à se faire élire à des postes de pouvoir aussi importants).
A ceux qui, malgré ses propos et ses actes,
sont toujours à se demander qui est le
«vrai» Obama, notamment ceux qui pensent qu’il n’est qu’un radical de
gauche
déguisé en centriste consensuel (sans oublier ceux qui estiment le
contraire, qu'il est un radical de droite dans les habits d'un modéré de
gauche!), qu’ils soient rassurés dans leur quête souvent irrationnelle et quelque peu paranoïaque.
Débarrassé de toute préoccupation électorale ou sondagière,
Obama sera ce qu’il est (et ce qu’il a écrit et dit qu’il était) durant les
quatre prochaines et dernières années de sa présidence.
Et je parie même qu’il sera encore plus centriste que
pendant son premier mandat car, dorénavant, il n’aura plus que comme but de
bâtir le futur de l'Amérique tout en démontrant que ses habitants sont avant tout
des Américains et non des démocrates, des républicains et des «independents»
qui ne pensent qu’à s’affronter pour de petits intérêts égoïstes.
Et il pourra s'appuyer, notamment, sur cette coalition d’électeurs qui l'a reconduit à la
Maison blanche, celle qui représente l’avenir et la chance des Etats-Unis pour les décennies à venir.
Composée
de jeunes, de groupes ethniques en expansion, de métissés, tous aux
valeurs
libérales et venant des classes moyennes, c’est elle qui façonnera et
construira l’Amérique de demain, celle qui n’a pas peur d’un monde
connecté et
de la mondialisation, celle qui sait que le pays est le
berceau de
la démocratie dont la mission est de montrer le chemin mais loin de cet
exceptionnalisme rétrograde que les plus conservateurs ont remis en
selle, présentant
une Amérique, seule détentrice de la vérité et unique lumière du monde,
une idéologie qui n’existe plus (et n’a peut-être jamais réellement
existée à
part dans les films de série B de Hollywood, ceux dans lesquels Ronald
Reagan
était à l’affiche).
Barack Obama a donc quatre nouvelles années pour démontrer définitivement que le Centrisme est bien la pensée politique du XXI° siècle.