Nous sommes dans l’ère de la politique-spectacle (si tant
est que la politique ait pu un jour se passer du spectacle…). Ainsi, ce que
l’on dit est souvent secondaire par rapport à comment on le dit, où on le dit,
de quelle manière on le dit et avec quelle scénario et quelle mise en scène on
le dit.
Dernier exemple en date, le premier débat ayant opposé
Barack Obama à Mitt Romney. Tous les commentateurs ont été d’accord pour dire
que le fond de l’intervention du président américain a été meilleur que celui
du candidat républicain mais que, sur la forme, ce dernier l’avait largement
emporté et que donc il était le vainqueur de cette joute…
Cette manière de faire de la politique à tous les niveaux
(sphères politique, médiatique et même celle des «experts») avantage ceux qui
ont un don d’acteur, un physique accrocheur et qui prennent des positions
souvent clivées afin de faire plus facilement le buzz, de la télévision aux
réseaux sociaux en passant par la presse écrite.
Ces constats en appellent un autre: la difficulté pour un
message centriste d’être repris par les médias parce que, loin d’être
spectaculaire, il se veut, d’abord, consensuel, modéré, pragmatique,
responsable et réaliste.
Toutes les dernières élections l’ont prouvé… même celles qui
ont fait la part belle aux candidats centristes comme en 2007 en France ou en
2008 aux Etats-Unis.
Pour éviter que leurs propos soient qualifiés d’insipides ou
d’inconsistants parce que n’étant pas spectaculaires (au sens de faire le
spectacle), beaucoup de centristes les enrobent dans des formules qui souvent
les dévoient.
Ainsi en a-t-il été le cas lors de l’élection de Barack
Obama il y a quatre ans.
Sur un discours essentiellement centriste du candidat
démocrate, s’est greffée toute une série d’enrobages pour lui donner de
l’appétence électorale.
A l’inverse, les candidats de droite et de gauche commencent
par des déclarations spectaculaires pour poser leur candidature et la faire
exister avant de faire les concessions centristes nécessaires à leur élection
au fur et à mesure que se rapproche le scrutin afin de ratisser large sans pour
autant avoir perdu leur image médiatique façonnée à coups de petites phrases et
d’annonces-chocs.
Le problème est que les médias sont complices de ce
double-jeu des extrêmes. Ainsi, ils expliquent doctement que tout candidat de
droite ou de gauche, après avoir exprimé des positions très partisanes,
recentre logiquement son discours pour ratisser large sans y voir aucunement de
la duplicité et du mensonge, comme si cela faisait partie du fonctionnement
normal du monde politique.
Comment, dans ces conditions, un message centriste peut
faire le poids, coincé entre des messages qui promettent tout et n’importe quoi
tout en étant mélangé à d’autres, venus des mêmes qui contredisent leurs premières
déclarations en le copiant sans vergogne.
Tout cela s’appelle de la démagogie, une démarche que l’on
pensait être vouée à la disparition dans les systèmes démocratiques évolués.
Malheureusement, les peuples veulent toujours croire aux
promesses intenables savamment mises en scène et annonçant que l’on rasera
gratis dès le lendemain d’une élection.
Comment expliquer, sinon, que Mitt Romney peut être
considéré comme un modéré aujourd’hui par beaucoup de ses compatriotes alors qu’il
a fait siennes pendant des mois les positions de la droite extrême du Parti
républicain!
Comment expliquer que ce même Mitt Romney puisse promettre
aux Américains de supprimer le déficit abyssal des comptes publics des
Etats-Unis en baissant les impôts (en particulier des plus riches) tout en
dépensant plus (notamment pour la Défense) et qu’il ait de grandes chances
d’être élu le 6 novembre prochain!
Et le Père Noël n’a rien à voir dans cette histoire car,
lui, au moins, il apporte de vrais cadeaux…