Dans cette rubrique, nous publions les points de vue
de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC.
Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la
pensée centriste.
Jacques Rollet, chroniqueur régulier sur Le Centrisme
est politologue, auteur de plusieurs livres dont Tocqueville (Montchrestien
1998), Religion et politique (Grasset 2001), La tentation relativiste, DDB,
2004), Le libéralisme et ses ennemis (DDB, septembre 2011).
Les partis du Centre selon
l’appellation reçue se sont rassemblés la semaine dernière sous le sigle UDI (Union
des démocrates et indépendants) et ont désigné Jean-Louis Borloo comme
président. Il faut noter que les militants des différents partis n’ont pas été
consultés; si l’on peut considérer qu’ils étaient d’accord pour un
rassemblement, en va-t-il de même pour la désignation du président? Il est à
craindre que ce fonctionnement ne nous renvoie aux III° et IV° Républiques.
Poursuivons la réflexion sur trois
points: le caractère positif du rassemblement; sur quoi le Centre est-il au
clair; l’apport nécessaire de la tradition démocrate-chrétienne.
1) Le positif
La création d’une fédération des
Centres est en-soi un phénomène positif. Chacun se lamentait sur la dispersion
des partis; il faut donc se réjouir tout en constatant, ce qui n’est pas une
surprise, que le Modem n’en fait pas partie. On a envie de dire à Bayrou: «Quousque
tandem abutere patientia nostra?» («Jusqu'à quand enfin, abuseras-tu de notre
patience?».
Est également positive la claire
détermination de se situer au centre-droit, en postulant évidemment qu’on sait
de quoi il s’agit quand on parle de centre-droit. Si l’on veut dire que la
Gauche n’est pas crédible au plan économique, qu’elle est idéologiquement
dépassée et que son laxisme en matière de mœurs est problématique, alors la
formule a un sens car ces diagnostics sont portés par la Droite mais cela nous
renvoie à notre deuxième point.
2) Face aux tenants de
l’Etat-Providence «à la française», le Centre est-il au clair?
Nous ne voyons pas d’alternative
politiquement crédible au libéralisme économique. La loi de l’offre et de la
demande et la concurrence libre et non faussée nous semblent être les
meilleures données pour une économie développée. Il faut que le Centre le dise
sans peur, étant entendu que l’adage européen sur la concurrence implique qu’on
corrige ce qui fausse la concurrence. Le dumping chinois par exemple peut être
combattu au nom du libéralisme.
Cela nous conduit à nous demander
si le Centre prend position sur une Europe fédérale et pas seulement sur une
fédération d’Etats–nations; On ne peut pas déplorer l’absence de décisions sur
l’Euro et refuser le fédéralisme. Il nous faut un gouvernement fédéral de
l’Europe de la zone Euro avec une politique économique, financière et sociale,
communes. Tout le reste est bavardage et perte de temps, mais une telle avancée
suppose des convictions fortes et une conception de l’homme selon laquelle tout
n’est pas possible en matière de dépenses. Le réalisme économique suppose
l’acceptation humaine des limites. Ainsi beaucoup de Français vivent au-dessus
de leurs moyens et ne veulent pas le savoir. L’utopie marxiste règne encore et
les empêche de reconnaître la gravité de leur situation. On attend de l’UDI
qu’elle soit claire sur ce point.
On attend également qu’elle
s’oppose fermement au libéralisme culturel de la Gauche et qu’elle refuse ce
qu’on appelle le «mariage homosexuel», qu’elle refuse la procréation
artificielle pour les lesbiennes, et qu’elle refuse l’euthanasie.
3) La tradition
démocrate-chrétienne
Ce que nous venons de dire se situe clairement dans l’apport humain et
culturel de la démocratie chrétienne. La vision chrétienne de la personne
humaine distingue le démocrate chrétien du relativiste de gauche ou de droite
et bien entendu des positions antihumanistes de l’Extrême-droite. Ajoutons que
la tradition du parti radical fondée sur le laïcisme de la franc-maçonnerie
pose problème, c’est le moins qu’on puisse dire. Or Jean-Louis Borloo est dans
cette tradition. Cela n’a rien d’exaltant.
Au terme de ces quelques
réflexions, on peut donc se demander si l’UDI est bien le parti qui va redonner
au Centre la place que François Bayrou lui a fait perdre…
Jacques Rollet