En 2004, lors de la présidentielle opposant le sortant
George W Bush à son challenger John Kerry, les démocrates se sont faits battre,
entre autres, car ils n’ont pas su répondre correctement et avec célérité aux
attaques dures, violentes et souvent mensongères des républicains orchestrées
par un homme qui devint alors une vedette, Karl Rove, un activiste qui a
toujours estimé que tous les moyens étaient bons pour conquérir ou garder le
pouvoir.
Ce que les démocrates retinrent de cet épisode, c’est qu’ils
ne se feraient pas avoir une deuxième fois.
Ils n’eurent pas vraiment besoin d’utiliser la grosse
artillerie lourde en matière d’attaques politiques lors de la campagne de 2008,
tellement leur candidat planait sur un nuage.
Barack Obama fut élu sans difficulté même si, rappelons-le
encore et encore, il ne fut pas bien élu par rapport au potentiel de voix que
tout candidat démocrate possédait face à l’impopularité immense de Bush après
huit ans de présidence.
2012 est une autre histoire.
Barack Obama doit défendre un bilan globalement positif mais
pas dans le domaine économique et notamment dans le secteur de l’emploi où les
Américains préfèrent souvent, dans les sondages, son adversaire, Mitt Romney,
même si le programme de ce dernier dans ce domaine et ce secteur brille par son
absence.
D’où une campagne beaucoup plus dure.
Mais, avant de continuer, il faut expliquer que, depuis près
de quatre ans, les républicains et leurs franges extrémistes, ont lancé une
véritable guerre idéologique contre Barack Obama par une communication continue
et violente.
Toutes les critiques, toutes les insultes ont été utilisées.
Il a été comparé à la fois à Hitler et Staline, traité de
communiste, voire pire pour les électeurs de l’Amérique profonde, de
«socialiste européen»!, caricaturé en Joker, le méchant diabolique de Batman.
Il a été accusé encore et encore de ne pas être né sur le
territoire américain (et d’avoir falsifié son acte de naissance) et, donc, ne
pouvant prétendre être président, d’être un musulman, d’être un ennemi
d’Israël, d’être le fossoyeur des Etats-Unis qu’il bradait aux Russes, etc.
Pas un jour où les médias conservateurs et polémiques comme
Fox News avec ses éditorialistes haineux ne critiquaient ou, pire, ne
traînaient dans la boue le locataire de la Maison blanche.
Celui-ci, après avoir fait le dos rond et essayé vainement
d’impliquer les républicains par une politique bipartisane (consensuelle) qui
avait sa préférence depuis toujours (il faut relire ses livres, notamment «The Audacity
of Hope»), a du se rendre à l’évidence qu’il fallait rendre coup pour coup.
C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre sa déclaration
récente selon laquelle un de ses regrets est de n’avoir pas bien communiqué au
début de sa présidence, laissant ses ennemis dire tout et n’importe quoi sur qui
il était ainsi que sur son action, en particulier la loi sur l’assurance-santé («Affordable
Care Act»).
Une démarche assez incompréhensible si l’on se souvient que
son équipe de campagne, en 2008, autour de David Axelrod et David Plouffe,
savait très bien manier les coups bas «à la républicaine» comme elle le démontra
vis-à-vis d’Hillary Clinton lors des primaires du Parti démocrate.
Voilà pourquoi, pour cette campagne, la bataille a commencé
tôt, une décision du staff d’Obama, et a été axée sur un affrontement.
D’autant plus que les primaires républicaines ont vu s’affronter
des candidats extrémistes (Rick Santorum ou Newt Gingrich, Michelle Bachmann),
des opportunistes qui adoptaient des positions encore plus extrémistes (Rick
Perry, Herman Cain) et un soi-disant modéré dont les discours étaient les plus
extrémistes de tous (Miit Romney)!
Une aubaine pour le camp Obama mais aussi une mise en garde:
il n’y aurait pas de quartier d’où la volonté de devancer les attaques et ne
pas rééditer les erreurs de John Kerry.
Le changement par rapport à 2004, vient donc de ce que ce
sont les démocrates qui ont tiré les premiers.
Ils se sont focalisés sur la personnalité de Mitt Romney,
ses déclarations contradictoires, ses retournements de veste et mensonges quant
à ses revenus et son travail effectif à la tête d’une société chargée de
liquider les entreprises en difficulté, Bain capital, dont on parle beaucoup
ces derniers jours.
Sans le dire, ils se sont inspirés de cette campagne
nauséabonde parce que totalement mensongère qui avait fait de John Kerry -
véritable héros de la guerre du Vietnam qui avait sauvé plusieurs de ses
camarades -, un menteur de la pire espèce et, ce, en utilisant des vétérans de
la même guerre dans des clips où ceux-ci affirmaient douter du son courage et
de la réalité des actes du candidat démocrate.
Ce qu’il a d’amusant, voire de ridicule, c’est que les républicains
sont montés au créneau pour reprocher aux démocrates d’utiliser les mêmes
artifices scandaleux de Bush alors!
Ce à quoi les démocrates répondent que les allégations de
2004 étaient de la pure diffamation mais que les leurs s’appuient sur des
réalités.
Ce que semble d’ailleurs confirmer les nombreuses enquêtes
sur les agissements de Romney à la tête de Bain capital mais aussi ses
déclarations peu claires, souvent contradictoires et peut-être fausses.
En tout cas, l’ambiance est lourde.
Pour l’instant, Mitt Romney est en difficulté car il refuse
de publier les documents qui permettraient de clarifier sa position vis-à-vis
de son ancienne société et de ses revenus.
Mais il ne fait aucun doute que les contre-attaques
républicaines seront puissantes et tenteront d’inverser le processus, c’est-à-dire
que mettre Obama sous le feu d’accusations auxquelles il devra répondre.
Déjà, un groupe de représentants d’extrême-droite tente de
faire croire que l’Administration est noyautée par des Arabes américains
proches d’ultras tels les Frères Musulmans et d’autres, ce qui serait, selon
eux, un grave danger pour la sécurité du pays.
L’inanité de ces attaques portées par des membres du Tea
party ne devrait pas avoir de conséquence pour Barack Obama mais l’on voit que
tout et n’importe quoi sera utilisé durant cette campagne.
Ce n’est, bien évidemment, pas une nouveauté, diront les
observateurs avisés de la politique américaine.
Tout au plus, c’est l’intensité de ces attaques qui augmente
d’une élection à l’autre.
Avec les sommes récoltées par chaque candidat et, surtout,
les sommes que vont dépenser ces fameux «super-PAC», ces associations «indépendantes»
qui ont le droit à un financement infini pour défendre l’un ou l’autre, le
combat sera sanglant même si une majorité d’Américains le regrette.
C’est en tout cas ce qu’ils disent.
Tout comme les deux partis et les deux candidats…
Alexandre Vatimbella