La défaite de François Bayrou au premier tour de la
présidentielle est également une défaite du Centre.
D’une part, parce qu’il était le seul candidat à se
revendiquer centriste.
D’autre part, parce que les autres candidats sensés
également représenter le Centre avaient renoncé à aller jusqu’au bout de leurs
démarches.
Du coup, l’absence de Jean-Louis Borloo (déclarant forfait
avant même le début de la campagne), d’Hervé Morin (incapable de dépasser les
1% d’intentions de vote et de réunir 500 signatures) et même de Corinne Lepage (obligée
de jeter l’éponge car n’ayant pas le nombre de signatures requis) démontrent
également le mauvais état du Centre lors de cette présidentielle que le score
de François Bayrou ne fera que confirmer.
Il y aurait donc pu y avoir quatre candidats centristes lors
de cette élection.
Si cela avait été le cas, cela n’aurait pas reflété la
richesse du Centre (ce qui aurait pu être le cas si une primaire avait été
organisée entre eux, comme cela avait été proposé) mais bien sa division
actuelle, son morcellement et sa faiblesse électorale.
Au bout du compte, il n’y en eu qu’une mais sans aucun
ralliement autres qu’anecdotiques à François Bayrou des soutiens aux autres
candidats.
François Bayrou ne fut donc pas le candidat du rassemblement
du Centre mais celui d’un des partis centristes (avec le soutien de la
micro-formation de l’Alliance centriste) ne représentant qu’une mouvance du
Centre.
En conséquence, Il n’y eut donc pas de mobilisation
centriste (au niveau des partis et des mouvances) pour porter la candidature
unique de François Bayrou.
Celui-ci, par ailleurs, partait avec un lourd handicap: une
traversée du désert de cinq ans, des intentions de vote initiales assez basses
(autour de 7%), une opposition d’une partie de la galaxie centriste et un
discours assez ambigu qui ne permettait pas à tous les centristes de s’y
reconnaître (notamment les références au général de Gaulle ou l’appel au
nationalisme économique).
Un handicap qui était à peine contrebalancé par son score en
2007 (18,55%) qui lui donnait un préjugé favorable dans les médias et une
place de choix théorique sur la grille de départ de la compétition.
Le déroulement de la campagne ne permit pas de sortir de ce
malaise centriste de divisions, de manque de dynamisme et de mobilisation.
En outre, très vite, la faiblesse majeure de François Bayrou
prit une place importante dans les médias et aux yeux des électeurs: un doute
important sur sa capacité à réunir une majorité pour gouverner s’il était élu.
Avec qui François Bayrou pourrait-il bien gouverner si
jamais il remportait la présidentielle? devint une question récurrente et
lancinante. La réponse de François Bayrou affirmant que ce ne serait pas un
problème car tout président élu se voit donner automatiquement une majorité par
les électeurs n’a convaincu personne.
Cette question ne trouva d’ailleurs aucune réponse politique
crédible puisqu’aucun rassemblement digne de ce nom ne se fit derrière sa
candidature et qu’il n’y avait guère de chances que des modérés de l’UMP et du
PS s’unissent derrière celle-ci comme nombre d’entre eux le déclarèrent.
Du coup, François Bayrou apparut comme un homme seul et
impuissant, non comme un leader indépendant assez charismatique pour faire
bouger les lignes.
Encore moins comme un homme providentiel à la manière de de
Gaulle en 1958, capable de restaurer la confiance sur sa seule aura et de
remettre le pays sur les rails après une purge nécessaire.
Aux yeux de la majorité des Français il n’était qu’un
franc-tireur avec deux députés à l’Assemblée nationale, entouré de soutiens
manquant d’expérience gouvernementale et à la tête d’un parti faible.
Bien sûr, il a su garder une forte popularité qui s’est même
améliorée à un moment donné de la campagne avant de fléchir.
De même sa volonté de lutter contre les déficits publics et
de se focaliser sur l’éducation recevait une bienveillance, voire une adhésion
au-delà des intentions de vote qui se portaient sur sa personne.
François Bayrou a bien tenté de faire coïncider cette
popularité haute et la séduction de ses grandes idées auprès des Français avec des
intentions de vote en sa faveur sans jamais y parvenir.
Car, pour les Français, popularité et «électabilité» ne sont
jamais allées de pair.
Dans les sondages, François Bayrou n’est jamais apparu comme
étant un futur président crédible, ne possédant pas, non plus, pour une
majorité de la population, les qualités demandées pour ce poste.
Ainsi, dans la dernière vague de l’étude Présidioscopie
Ispos-Cevipof, 63% des Français estimaient que François Bayrou n’avait pas la
stature présidentielle, 52% qu’il n’était pas compétent pour le poste, 62%
qu’il manquait de dynamisme.
Cependant, 50% avaient toujours une bonne opinion de lui, ce
qui le plaçait juste derrière François Hollande (51%). De même, il était en
tête pour l’honnêteté (avec 63% de réponses positives, loin devant François
Hollandes, 56%), pour son côté sympathique et pour sa sincérité.
Des qualités qui ne sont pas indispensables pour les
électeurs pour diriger le pays.
Ces hauts scores démontraient, paradoxalement, de la part
des Français, une méconnaissance des détails du programme du candidat (comme le
montraient des sondages où ceux-ci se demandaient où le président du Mouvement démocrate voulait les emmener) ainsi qu’une vision trop «gentille» de sa personne
(c’est-à-dire l’absence de puissantes convictions partisanes qui caractérisent
un fort leadership).
Au fur et à mesure que la campagne progressait, la
candidature de François Bayrou a patiné de plus en plus.
Et ce qui devait arriver, arriva, les intentions de vote se
mirent à baisser inexorablement.
Que s’était-il donc passé?
D’abord, François Bayrou n’est jamais parvenu à être
crédible en habit présidentiel comme nous l’avons vu.
Ensuite, il n’était plus «le» candidat «anti-système» comme
en 2007 et le trublion du couple UMP-PS, laissant ces rôles à Jean-Luc
Mélenchon et à Marine Le Pen.
De même, les médias se lassèrent de son côté austère et
prêcheur uniquement de mauvaises nouvelles et préférèrent la gouaille d’un
Jean-Luc Mélenchon qui devint leur chouchou (sachant qu’il n’est pas possible
que le représentant du Front national le soit) pour donner ce fameux coup de
pied dans la fourmilière qui peut rendre l’élection présidentielle «vendable»
en termes de tirages et de taux d’audience.
Ses soutiens, au fur et à mesure apparurent comme ce qu’ils étaient, des seconds couteaux, souvent
ralliés parce que les grands partis ne leur avaient pas donné la place qu’ils
estimaient mériter ou pour donner une certaine visibilité à leur carrière
politique à un moment difficile de celle-ci.
Enfin, il n’a pu trouver le bon positionnement, le bon
discours et la bonne posture pour pouvoir, ne serait-ce qu’un moment, contester
à Nicolas Sarkozy et à François Hollande, une des deux places de finalistes.
Cela se caractérisa également par une incapacité à rebondir,
sans doute parce que ses plus proches collaborateurs n’osent pas, depuis
longtemps, le contredire ou lui dire ce qui ne va pas.
Le résultat du 22 avril (cinquième position et 9,13% des
votes) ne fut donc que la confirmation de cette situation qui se figea
d’ailleurs quelques semaines avant le scrutin.
Les centristes, collectivement responsables de ce fiasco (un des plus bas scores d'un candidat centriste lors d'une élection présidentielle) sont donc, de nouveau, au pied du mur. Il
leur faut rebondir le plus vite possible.
Alexandre Vatimbella