Dernier acte de sa campagne présidentielle, François Bayrou
a indiqué qu’il voterait, à titre personnel, pour François Hollande et qu’il ne
donnait pas de consigne de vote à ses électeurs.
Pour justifier son choix, il a indiqué qu’il ne pouvait
suivre le président sortant dans ses dérives vers les thèses de
l’extrême-droite.
S’il s’agit bien d’une réelle raison, il y a lieu de se
montrer étonné de ce choix qui va rendre très difficile l’avenir politique de
François Bayrou, tout au moins à court terme et même en cas de défaite du
président sortant le 6 mai prochain.
Car François Bayrou ne peut plus se poser en leader «naturel»
du Centre puisque tous les autres leaders centristes, tous les partis
centristes à l’exception du Mouvement démocrate, ont appelé à voter pour
Nicolas Sarkozy.
Si défaite il y a de ce dernier, il en sera rendu en partie
responsable. Et si victoire il y a, il sera marginalisé pour avoir «trahi son
camp».
Du coup, pourquoi François Bayrou a décidé, à l’opposé de
tout son engagement politique depuis le début de sa carrière, de choisir la
Gauche plutôt que la Droite?
Les raisons qui peuvent être énoncées sont multiples.
Elles se sont accumulées en autant de strates au cours des
dix dernières années.
In fine, elles ont fait pencher le président du Mouvement
démocrate vers François Hollande.
On peut en lister quatre principales.
1) La détestation de Nicolas Sarkozy.
Celle-ci est réelle car, au-delà des tempéraments et des
caractères que mettent en avant les médias, la culture politique de François
Bayrou est à l’opposé de celle de Nicolas Sarkozy.
L’un est entré en politique par la voix de la démocratie
chrétienne, l’autre par celui de gaullisme.
L’un est adepte du consensus quand l’autre a toujours
préféré rassembler son camp avec des attaques très dures contre ses
adversaires.
L’un préfère un pouvoir partagé entre le Président et une
Assemblée nationale aux vrais pouvoirs et désignée avec une dose de
proportionnelle, l’autre porte l’idée d’un président omnipotent qui doit bénéficier
d’une forte majorité parlementaire pour gouverner qui ne peut être acquise que
par un scrutin majoritaire.
2) Un mouvement démocrate résolument au centre-gauche voire
à gauche pour la majorité de ses militants et même si des UDF de centre-droit y
sont encore présents.
La création du Mouvement démocrate en 2007 a été assez atypique
d’un point de vue partisan.
Sur les fondements d’une UDF de centre-droit et avec un base
militante et d’élus également penchant plutôt à droite, François Bayrou a fait
venir sur son nom et sa campagne présidentielle d’alors, un nombre importants
de militants de centre-gauche, de gauche et écologistes.
Du coup, la balance a commencé à pencher au centre-gauche,
ce qu’a confirmé les prises de position du parti au cours du quinquennat de
Nicolas Sarkozy mais également les alliances électorales qui, pour les
dernières municipales, par exemple, ont été nombreuses entre le Parti
socialiste et le Mouvement démocrate.
3) Eviter l’implosion du Mouvement démocrate.
De cette réalité du positionnement du MoDem au centre-gauche
et au vu des ralliements très nombreux des principaux cadres du parti mais
aussi des militants à la candidature de François Hollande au second tour,
François Bayrou avait sans doute une obligation de se déterminer pour ce dernier
s’il voulait éviter l’implosion de son parti, sachant que les vieux grognards
restants de l’ancienne UDF ne le quitteraient pas puisque plus attachés à sa
personne qu’à l’idéologie.
4) Parier sur l’effondrement de François Hollande au niveau
économique.
S’il veut avoir un avenir politique, François Bayrou, en cas
de victoire de François Hollande a le choix entre deux attitudes.
Soit le ralliement au vainqueur et une place dans la
nouvelle majorité et éventuellement au gouvernement tout en essayant de
négocier un accord électoral aux législatives. Ce sera difficile puisque
François Hollande a parlé d’une majorité de gauche et d’un gouvernement de gauche.
Sauf à ce que les législatives ne lui donnent pas la
majorité absolue à l’Assemblée nationale, auquel cas il devra trouver des
alliés au centre.
Soit une opposition constructive en pariant sur l’impossibilité
de François Hollande de mener sa politique.
Dès lors, il pourrait devenir un recours en cours de
quinquennat pour réorienter cette politique dans le sens de ses idées ou un
recours pour… 2017, car l’obsession présidentielle ne l’a pas quitté.
Mais il y a peut-être une raison encore plus forte, transcendantale
en quelque sorte, qui a conduit François Bayrou au choix de François Hollande.
Ne s’agit-il pas de l’ultime preuve de l’indépendance du
Centre que François Bayrou cherchait à donner, peu ou prou, depuis 2002, voire
1998, et qu’il a hésité à opérer en 2007 en n’appelant pas à voter Ségolène
Royal après avoir refusé de voter en 2006 la confiance au gouvernement Villepin
sous l’ère Chirac?
Ainsi, si le ralliement à la Droite n’est plus systématique,
le Centre, alors, peut être réellement indépendant et se présenter comme tel
avec la crédibilité requise.
Reste à savoir quel en sera le coût politique.
Alexandre Vatimbella