Les primaires républicaines ont permis à Mitt Romney de remporter sa deuxième victoire consécutive. Après le caucus de l’Iowa, il est arrivé en tête dans la primaire du New Hampshire, ce qu’aucun républicain n’avait pu réaliser jusqu’à présent sauf s’il était le président sortant.
Cela ne signifie pas qu’il est dorénavant sûr d’être nommé le candidat du parti pour l’élection présidentielle face à Barack Obama. Ces deux succès lui permettent, toutefois, de crédibiliser cette option surtout que la prochaine primaire se déroulera en Caroline du Sud, un Etat où les conservateurs évangélistes sont très puissants et où ses adversaires pourraient réaliser un très bon score même si les sondages le donne actuellement en tête.
Si l’on cherche, parmi les différences fondamentales qui opposent démocrates et républicains en ce début de deuxième millénaire, une opposition emblématique, on peut s’arrêter sur la place de l’Etat fédéral dans la société américaine.
Pour schématiser, les républicains sont pour moins d’Etat alors que les démocrates sont pour un Etat intervenant (ce qui ne veut pas dire forcément plus d’Etat).
Tous ceux qui défendent cette dernière option sont vus pas la majorité des républicains comme des «socialistes», une attaque qui n’est pas nouvelle (Franklin Roosevelt en avait été la victime), ni dans son fondement, ni dans sa virulence malgré ce que l’on croit. En revanche, ce qui a évolué, c’est que le Parti républicain, qui était autrefois divisé sur cette question, semble de plus en plus monolithique pour affirmer qu’il faut moins d’Etat, affirmant qu’un Etat minimum est gage de liberté d’entreprendre, gage elle-même du retour aux valeurs originelles du pays qui ont fondé sa prospérité.
Une autre erreur communément faite en Europe est de croire que tous les démocrates défendent un plus grand interventionnisme. Beaucoup d’entre eux estiment que l’Etat ne doit pas être partout. C’est le cas, par exemple, de Barack Obama ainsi que d’une frange importante du Parti démocrate.
Ainsi, si l’on reprend ses écrits et ses discours avant son arrivée au pouvoir, on s’aperçoit qu’il souhaitait un Etat qui agit «mieux» mais pas «plus».
Pour autant, la crise économique dont il hérite, avant même sa prise de fonction en janvier 2009, de la part de l’Administration Bush ainsi que les premières mesures interventionnistes prises par celle-ci pour la juguler (la fameuse TARP qui devait éviter le naufrage du système financier), l’oblige à mettre en place des politiques interventionnistes afin d’éviter une récession forte, voire un effondrement de l’économie américaine.
De même, lorsque les républicains affirment que sa réforme du système d’assurance santé est étatique, ils font plus de la propagande qu’ils ne décrivent la réalité. On pourrait le démontrer en citant les nombreuses critiques tout aussi dures faite par l’aile gauche du Parti démocrate qui estime que cette réforme n’a absolument pas instauré un système public d’assurance santé mais qu’elle a institué un régime hybride où, à son grand regret, les compagnies privées sont au cœur de son fonctionnement. D’ailleurs, certains démocrates de gauche avaient menacé de ne pas la voter, comme Howard Dean, ancien président du Parti.
Déjà, lors de la campagne électorale de 2008, des reproches en ce sens avaient été adressés à Barack Obama face au plan d’assurance santé, nettement plus interventionniste, d’Hillary Clinton, son adversaire lors des primaires démocrates.
Car, la vision de Barack Obama sur le rôle de l’Etat est bien centriste. Selon lui, la puissance publique n’est pas là pour gérer le système mais bien là pour le réparer quand il ne marche plus, surtout, pour le contrôler et le réguler.
Il a toujours rappelé, par exemple, que le moteur économique était l’initiative privée. De même, les mesures sociales prises pour atténuer les effets de la crise économique ne sont que provisoires pour lui et ne doivent pas survivre à un fort retour de la croissance (on ne parle pas ici évidemment des programmes sociaux pour les plus pauvres et les plus démunis).
Cette vision d’un Etat qui contrôle, régule et intervient quand cela s’avère nécessaire pour palier les déficiences des acteurs de l’économie et de la société civile est néanmoins combattue par les républicains. Pas un candidat à la primaire, à part peut-être Jon Huntsman, qui n’a aucune chance pour l’instant de la gagner, ne la fait sienne. Au contraire, c’est un de leur point de ralliement que de la vouer aux gémonies. Et quand ils veulent s’insulter, c’est notamment en s’accusant les uns, les autres, de la défendre …
Reste que si la place de l’Etat est bien un clivage idéologique fort entre démocrates et républicains, il y a, in fine, la réalité concrète. Et l’on ne peut imaginer un républicain parvenant à la présidence et supprimant la quasi—totalité des actions de la puissance publique au nom de la liberté. Ni Ronald Reagan (pourtant le chantre de la réduction de l’Etat et l’icône de tous les extrémistes républicains), ni les deux Bush, père et fils, qui sont les trois derniers présidents républicains, n’ont agi en ce sens.
Si George W Bush a été le plus idéologique en la matière et s’il a permis aux riches de s’enrichir, il n’a pas bridé la puissance publique (d’autant qu’il a conduit deux guerres avec les deniers des contribuables et en creusant le déficit public, deux choses honnies par les républicains!). Quant à Ronald Reagan, il a allègrement augmenté les impôts et s’est assis sur ses principes de conservateur pur et dur quand cela l’arrangeait…
Cela dit, la question de la place de l’Etat, quels que soient les postures électoralistes, est une vraie question qui mériterait mieux, aux Etats-Unis mais aussi dans beaucoup d’autres pays, qu’un débat d’invectives et de diffamation…
Une question taraude les commentateurs politiques américains: quand est-ce que Mitt Romney va se recentrer? On a déjà dit ici qu’il devait se radicaliser lors des primaires républicaines face à un électorat très à droite, voire très réactionnaire (notamment pour faire oublier qu’il a été proche du centre-gauche lorsqu’il était gouverneur du Massachussetts), mais qu’il devrait, tôt ou tard, se recentrer afin de conquérir les électeurs modérés, les fameux «independents», ces «swing voters» (ces électeurs qui hésitent entre les démocrates et les républicains), qui font l’élection d’un président des Etats-Unis.
Et cela risque de lui poser quelques problèmes. Car, on peut estimer qu’il commencera réellement à le faire au moment où il sera pratiquement sûr de gagner la primaire républicaine. Mais cela risque d’être déjà trop tard.
C’est pour cela qu’il espère que sa victoire sera le plus rapide possible. Cela lui éviterait, d’une part, de prendre la tête d’un parti encore plus divisé par une longue bataille sanglante et odieuse qui oppose dès à présent Romney à tous ses adversaires de droite, et, surtout, d’autre part, de ne pas avoir à multiplier à l’infini des prises de positions radicales qui détourneront de lui ces «independents» et qui seront largement utilisées par le camp Obama pour de décrédibiliser.
Ce recentrage ne devra pourtant pas lui faire perdre l’électorat républicain même celui le plus à droite. Dans ce sens, il espère, qu’une fois nommé, il sera intronisé le candidat «anti-Obama», le candidat de tous les républicains, même ceux qui le détestent, car le but sera alors de battre, quel que soit son adversaire, l’homme qu’ils haïssent le plus depuis quatre ans, Barack Obama.
Et son pari est que si pendant des mois le Parti républicain a cherché un candidat «not-Mitt-Romney» (tout sauf Mitt Romney), il se regroupera, in fine, derrière un candidat «not-Barack-Obama».
Rien n’est moins sûr, néanmoins. Notamment si un candidat indépendant et à sa droite se présente. Cette hypothèse n’a rien d’une fiction, bien au contraire. Il pourrait s’agir de Ron Paul, l’élu du Texas qui fait de bons scores lors des primaires républicaines actuelles et qui se présenterait en tant que libertarien. Même si son score ne menacerait pas Romney, il pourrait - comme lorsque la candidature du consumériste de gauche Ralph Nader empêcha le démocrate Al Gore de battre George W Bush en 2000 -, lui barrer la route de la Maison blanche en l’empêchant d’obtenir les voix qui feront la différence.
Alexandre Vatimbella
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