François Bayrou a délivré à Dunkerque son premier grand discours de la campagne présidentielle. Porté par des sondages assez favorables (n’oublions cependant pas qu’il n’a pas encore dépassé les 15% d’intentions de vote et qu’il se trouve toujours en quatrième position à distance respectable des deux premiers) et par des journalistes qui rééditent leur intérêt de 2007 (où il avait été, malgré ses dires, omniprésent dans les médias), il s’est présenté, une nouvelle fois, en rassembleur dans le cadre d’une union nationale.
Il semble que le président du Mouvement démocrate ait, à peu près, la même stratégie qu’il y a cinq ans, la seule, sans doute, à ses yeux qui lui permette d’espérer atteindre le second tour: ratisser le plus large possible et dramatisant l’élection pour se poser en recours.
Ce positionnement est encore plus marqué en 2012 où il peut s’appuyer sur son score de 2007 (18,55% au premier tour) pour provoquer une dynamique non plus de «divine surprise» mais de confirmation de sa «stature de possible vainqueur».
Mais, pour cela, il lui faut un discours qui soit capable de lui ramener un pourcentage assez conséquent d’électeurs de gauche et d’électeurs de droite, donc avec un contenu le moins idéologique possible, le moins détaillé également et le plus centré sur la personne du «sauveur», lui en l’occurrence.
C’est son seul moyen, après être passé de 7% à 14% des intentions de vote dans les sondages de progresser fortement dans les semaines à venir et éviter de plafonner, voire, plus grave, de régresser.
Il sera toujours temps de pencher à droite ou à gauche si les sondages désignent, toujours dans les semaines à venir, le candidat le plus fragile entre Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Tout cela est de bonne guerre électorale et de bonne stratégie politique. Pour autant, François Bayrou s’est présenté comme le héraut d’une pensée politique, le Centrisme. Et s’il doit évidemment dépasser cette posture pour rallier à lui une majorité de Français puisque le Centre n’est pas majoritaire dans le pays (ce qui est le cas également de la Droite et de la Gauche), il se doit néanmoins de demeurer fidèle à ceux qui sont son socle électoral.
Est-ce le cas?
Les centristes sont des gens qui aiment le consensus et qui se voient en modérateurs dans le sens où ils s’estiment des personnes responsables qui sont opposés à la démagogie et au populisme. De ce point de vue, ils sont prêts à confondre les positionnements centriste et d’union nationale.
De même, ils estiment que la gestion du pays ne peut pas prendre des libertés trop grandes avec les fondamentaux, notamment en matière économique.
En revanche, les centristes ne sont pas très sensibles à une glorification de l’Etat et s’ils sont patriotes, ils ont plus une envie d’Europe que d’un nationalisme étriqué.
Le discours de François Bayrou les rassure et les trouble à la fois. Ils reconnaissent en lui, un des leurs, défendant une vision humaniste. Cependant, si le «produire français» ne pose pas trop de problème, notamment en période de crise où il faut reconquérir une place sur l’échiquier mondial, ils sont nettement plus réservés sur l’«acheter français» et la préférence nationale qu’ils associent plutôt à une rhétorique aux aspects dangereux. C’est sans doute pourquoi le président du Mouvement démocrate parle dorénavant plus du «produire» que de l’«acheter».
Quant au nouveau crédo développé à Dunkerque, «Résister», il sera intéressant de voir, dans les semaines à venir ce qu’ils en pensent. A l’heure de la mondialisation et d’une nécessité de relancer la construction européenne, les centristes sont généralement plus proches de la vision tournée vers le présent et l’avenir de Sun Yat-sen, le premier président de la République de Chine dans les années 1910, qui disait: «les courants mondiaux sont puissants, ceux qui les suivent prospèrent, ceux qui tentent de les remonter périssent»…
Pour Hervé Morin, l’important n’est pas de contrer ses adversaires, c’est de contenir ses ennemis. C’est d’autant plus difficile que ceux-ci sont dans le même parti que lui. On se croirait revenu aux batailles Mitterrand-Rocard ou Chirac-Balladur, sauf que là, on se bat pour 1% à la présidentielle (Morin) contre quelques strapontins dans un futur (et hypothétique) gouvernement de droite (Lagarde, Sauvadet, Leroy et consorts).
Dès lors, on peut se demander si se battre pour 1% n’a pas plus de panache que de se battre pour des strapontins. Car, lorsque l’on se bat à ce niveau d’intentions de vote, on est généralement plus honnête dans son combat politique et dans les idées que l’on défend.
Bien entendu, la politique ce n’est pas un jeu pour ingénus. Mais il est rafraîchissant que les idées et l’engagement passent avant le calcul politique.
Evidemment, il ne faut pas être dupe et croire qu’Hervé Morin serait devenu l’homme politique français le plus honnête. Rappelons qu’il a lâché Bayrou en 2007 pour ces strapontins dont on parlait plus haut.
Néanmoins, l’occasion faisant le larron, le voilà dans une posture où il est plus payant d’être honnête que d’être calculateur. Cela rappelle la traversée du désert de certains politiques comme Nicolas Sarkozy après la défaite d’Edouard Balladur à la présidentielle de 1995. On se bat alors pour ce que l’on est et non plus pour ce que l’on voudrait faire croire que l’on est.
Malheureusement, cela ne dure souvent pas très longtemps. Le temps que les sondages remontent ou que les strapontins soient à nouveau disponibles…
Jean-Louis Borloo, ancien candidat soi-disant centriste, sera peut-être une arme anti-centriste pour Nicolas Sarkozy si François Bayrou continue à monter dans les sondages et menace la présence du président de la république au second tour (soit en lui piquant des voix qui le ferait passer derrière Marine Le Pen, soit en prenant lui-même cette place de qualifié pour le second tour). Plus on entend le président du Parti radical, plus on est mal à l’aise face à quelqu’un qui, manifestement, s’est perdu lui-même et tente d’exister sans savoir comment.
Il se dit libre et refuse de dire pour qui il va voter aux présidentielles, affirmant que seule les législatives l’intéressent.
Evidemment, personne ne le croit, et sur ses interrogations quand à son choix le 22 avril prochain (on le voit mal appeler à voter pour Hollande et il déteste Bayrou et Morin) et sur son intérêt unique pour les législatives.
Non, la seule chose qui semblent préoccuper les politiques et les journalistes est de savoir s’il aura le courage de s’opposer à Nicolas Sarkozy (ce qu’il n’a pas fait en retirant sa candidature à la présidentielle) ou s’il rentrera, comme jusqu’à présent, dans les rangs afin de récupérer quelque poste ministériel (et pourquoi pas le premier en cas de réélection de Sarkozy), tout en prétendant être ailleurs.
Ailleurs, une posture qui ne permit pas grand-chose à Michel Jobert et qui fit de Michel Rocard un éternel second et looser dans l’histoire politique française…
Alexandre Vatimbella
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