Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jacques Rollet est politologue, membre du conseil scientifique de l’Institut du Centre et auteur de plusieurs livres dont Tocqueville (Montchrestien 1998), Religion et politique (Grasset 2001), La tentation relativiste, DDB, 2004), Le libéralisme et ses ennemis (DDB, septembre 2011). Il tient ici une chronique régulière.
Les interrogations sur l’identité et le nombre des candidats se réclament du Centre pour l’élection présidentielle de 2012 agitent les salles de rédaction, les instituts de sondages et le personnel politique. Nous laissons de côté cette question pour nous concentrer sur ce qui fait l’originalité du Centre dans la vie politique, originalité au nom de laquelle la présence d’un candidat peut prendre sens. Deux questions se posent alors: y-a-t-il encore une différence entre le Centre et la Gauche, entre le Centre et la Droite? La question prend –elle sens eu égard au comportement éthique en politique?
I : Les questions de fond
A) Gauche, Centre, Droite
Il est courant aujourd’hui de déclarer que Droite et Gauche sont des catégories dépassées. Quant au Centre, on le passe volontiers par pertes et profits. La réalité est toute autre et manifeste qu’un clivage continue d’exister au sein de la vie politique française.
Pour ce qui est de la Gauche, une caractéristique fondamentale rassemble ses différentes familles, de l’Extrême-gauche au Parti Socialiste: l’obsession de l’égalité telle que l’a décrite Alexis de Tocqueville dans le tome premier de La démocratie en Amérique (voir Jacques Rollet, Tocqueville, Editions Monchrestien, 1998). Cette revendication qui se déploie au détriment de la responsabilité individuelle, a des conséquences multiples. La différence entre les personnes, leur culture, leurs capacités, est niée; par contre la différence entre les autochtones et les immigrés est cultivée au nom d’un multiculturalisme qui n’ose pas dire son nom depuis que P.A. Taguieff a montré dans sa thèse, «La force du préjugé», comment Harlem Désir à la tête de SOS Racisme favorisait objectivement la Front National qui avait beau jeu de dire: Puisqu’ils sont différents, qu’ils aillent vivre leur différence ailleurs! Ajoutons que cette revendication permanente d’égalité au sens d’uniformité cultive un ressentiment de mauvais aloi qui ne contribue pas à faire reconnaître aux Français qu’ils sont dans le même bateau et que celui-ci commence à prendre l’eau de façon inquiétante…
La Droite française, quant à elle, a des contours idéologiques plus flous dans la mesure où elle est censée être plus libérale que la Gauche. Il se trouve qu’à l’exception d’Alain Madelin, aujourd’hui retiré de la vie politique, ce n’est pas le cas. La Droite est dirigiste et jacobine, en tout cas interventionniste. Elle a le même culte de l’Etat que la Gauche. Elle s’en distingue actuellement par l’insistance sur l’insécurité due à la délinquance et par la fiscalité. Dans la lutte contre la dette, elle a décidé de réduire le nombre de fonctionnaires, mais ses élus locaux ont beaucoup recruté dans les communes, départements, régions et intercommunalité…
Le Centre se caractérise par une mise en valeur de la personne. Il fait appel au sens de la responsabilité individuelle, est favorable à la décentralisation dans la ligne du principe de subsidiarité, est favorable à une Europe fédérale, dont la nécessité se fait sentir chaque jour davantage. On peut considérer qu’il est plus soucieux que la Droite, de la justice sociale mais se méfie de tout ce qui relève de l’assistanat, au nom précisément de la responsabilité personnelle.
B) Le dimension éthique
C’est sur ce point, le sens de la personne, qu’un centriste sera plus sensible au service que représente le fait d’être un élu. Il sera porté de par son positionnement même, à ne pas tout miser sur la stratégie qui fait fi de la droiture et subordonne la morale à la réussite politique qui consiste avant tout à l’emporter sur l’adversaire afin d’occuper les postes de parlementaire ou de notable local. Cette exigence éthique rendue quasiment nécessaire par le refus de la Droite et de la Gauche, rend difficile l’existence politique du centrisme.
II : La candidature d’un centriste en 2012
Si le Centrisme a, comme nous le pensons, un contenu idéologique (au sens neutre), consistant pour l’essentiel à refuser les idéologies partisanes, il vaut la peine qu’il soit proposé aux électeurs français en 2012. Il ne peut cependant s’agir que d’un candidat se réclamant des valeurs rappelées ci-dessus, soit un candidat s’inscrivant dans la tradition de la démocratie chrétienne. La tradition radicale en effet n’est pas à la hauteur des enjeux dramatiques qui attendent notre pays; les combinaisons de la III° et IV° République ne sont plus de mise.
Concernant le deuxième tour, le candidat du Centre, s’il doit se retirer, devra demander aux deux premiers comment ils envisagent de réduire la dette de notre pays et comment conséquemment ils envisagent de repenser l’Etat-Providence pour mettre fin à l’assistanat coûteux et non efficace qui le caractérise.
Ces quelques réflexions demanderaient un approfondissement; telles quelles, elles invitent chacun à y travailler.
Jacques Rollet