Dans une interview au quotidien France-Soir, François Bayrou attaque de nouveau Jean-Louis Borloo, estimant que son adversaire au centre de l’échiquier politique n’est guère plus qu’un opportuniste. En revanche, il ménage Nicolas Sarkozy qu’il a, à nouveau, rencontré récemment. Extraits.
Vous avez été reçu lundi à l’Elysée par Nicolas Sarkozy pour évoquer la question de la dette. Que lui avez-vous dit?
J’ai parlé longuement avec Nicolas Sarkozy du risque que fait courir à l'euro la réponse insuffisante qui a été trouvée pour la Grèce. Je lui ai aussi parlé de la «règle d’or» que je réclame en réalité depuis 2002. Pour moi, il s’agirait d’inscrire dans la Constitution la règle selon laquelle, quand la croissance est là, le déficit budgétaire est interdit, du moins en matière de dépenses de fonctionnement. A la limite, on peut imaginer que, pour investir, on puisse emprunter. Et en temps de récession, on pourrait aussi, s’il le faut, réinjecter de l’argent public. Ce n’est pas vraiment le dispositif que le gouvernement a adopté. Ce n’est pas le texte simple et clair que j’aurais souhaité. Mais c’est un pas dans la bonne direction. J’ai dit à Nicolas Sarkozy qu’à sa place j’irais au Congrès pour mettre tous les élus, de quelque bord qu’ils soient, en face de leurs responsabilités. C’est un moment grave pour le pays, une question essentielle. Je lui ai donc indiqué que, même si le texte n’était pas celui que j’aurais souhaité, je le voterais. Pour être en cohérence avec ce que j’ai dit depuis des années. (…)
L’affaire de la dette est-elle « le » nouveau clivage?
Je pense, depuis longtemps, que le clivage gauche-droite n’a plus de sens parce que, dans les deux camps, il y a des gens qui pensent des choses radicalement différentes. Or l’élection présidentielle va se jouer sur ces questions de fond. Elle doit faire naître une approche politique nouvelle, que je porte et je recommande depuis des années.
Nicolas Sarkozy, que vous avez tant combattu, a-t-il changé?
En 2007, je me suis opposé à Nicolas Sarkozy parce que les valeurs qu’il proposait à la France étaient en contradiction avec ce que je crois: une place excessive accordée à la réussite matérielle, à l’argent, une manière de tourner le dos à une partie de notre histoire culturelle et sociale, le choix de favoriser les inégalités, sans compter un système de gouvernement absurde qui consistait à concentrer tous les pouvoirs entre les mêmes mains avec un gouvernement effacé. Il était le président d’un parti au lieu d’être le président d’un pays. A-t-il changé? Les hommes peuvent-ils changer? Il est sans doute plus retenu, et moins caricaturalement du côté des intérêts catégoriels. Sur le fond, a-t-il compris qu’un président de la République c’est quelqu’un qui doit rassembler et proposer une vision? Sa démarche s’inscrit toujours dans cette guerre d’un camp contre l’autre. Moi, je pense qu’il faut changer la politique de la France. Lui pense qu’il faut continuer. Entre nous, c’est une contradiction majeure.
Serez-vous candidat en 2012?
Je m’exprimerai à la rentrée sur ce que je considère comme essentiel pour la France. Le processus de l’élection présidentielle suivra. Aujourd’hui, je ne veux pas faire partie de ce manège de chevaux de bois, avec ceux qui montent, descendent, puis disparaissent. Ça tourne, ça tourne… Nous sommes dans le temps de la prise de conscience pour le pays. Le temps des réponses viendra à la fin de l’année quand les choses deviendront sérieuses.
Au centre, vous êtes concurrencé par Jean-Louis Borloo…
Vraiment? Nos démarches ne sont absolument pas les mêmes. Lui, il a été depuis dix ans un des piliers de la majorité actuelle. Ses amis et lui ont tout approuvé, tout voté, tout applaudi, tout ce qui a été, pour moi, des motifs lourds d’opposition. Aujourd’hui, il y a une querelle à l’intérieur de la majorité. C’est leur affaire. Ce dont la France a besoin, c’est d’un renouvellement profond, pas d’une guerre intestine entre radicaux et UMP. Dans une élection présidentielle, deux questions comptent : quel est le chemin? Qui propose ce chemin? Le chemin, je vous en ai parlé. Pour le reste, ce qui importe, c’est de savoir si celle ou celui qui parle aux Français a fait preuve dans sa vie de cohérence, celle qui garantit que sa conduite ne relève pas de l’opportunisme ou dela rancœur, que ce n’est pas une girouette qui tourne avec le vent.
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