La première scène se déroule dans un paysage ravagé après la bataille. Telle une guerre civile, les troupes centristes se sont entredéchirées comme elles l’ont déjà fait par le passé.
Nous sommes en avril 2007.
D’un côté, les troupes fidèles au chef qui vient de perdre la bataille de la présidentielle. De l’autre, les rebelles qui ne comprennent plus où il veut aller et qui ne veulent pas attendre l’éternité avant de goûter au pouvoir.
Du haut de son tracteur, le Béarnais défait contemple la vallée où le dernier combat vient de se dérouler. Il a encore des troupes, même des fraîches, oui, mais plus de généraux, de colonels ou de commandants à part quelques fidèles, plus versés dans l’admiration béate et donc stupide que dans le conseil avisé.
Quant aux anciens lieutenants, avides de prébendes, ils tiennent conseil avec le futur vainqueur de la grande bataille qui leur promet des postes et des honneurs.
Reste de nombreux soldats qui errent, hébétés, sur le champ de bataille, ne comprenant pas ce qui s’est passé (ou le comprenant malheureusement trop bien), ne sachant où aller.
Certains rentreront malgré tout avec le chef, par fidélité, pas forcément à sa personne, mais au parti même si celui-ci va changer de nom pour faire croire que tout a changé. D’autres iront avec les sécessionnistes pour, croient-ils, que leurs idées soient prises en compte par le prochain pouvoir suprême. Un nombre non-négligeable d’entre eux qui n’iront nulle part.
Tous ces fantassins du Centre déboussolés attendront qu’il se passe quelque chose. Ceux qui ont rejoint le Mouvement démocrate ou le Nouveau centre, désespèrent que ce quelque chose arrive dans leurs partis respectifs. Les autres, sans plus aucune attache, se demandent qu’est-ce qui pourrait bien survenir.
Fondu-enchaîné, nous voici deux ans plus tard. Juin 2009.
Pour ces laissés pour compte, l’espoir renaît avec la création d’un nouveau parti, Alliance centriste. Celui-ci veut réunir les centristes et refonder le Centre. Vaste et beau programme!
Avant de devenir un parti, c’était une association qui n’a pas vraiment obtenu de résultats. Qu’à cela ne tienne, ceux qui veulent croire sont là, prêts à rempiler, à suivre ceux qui leur disent qu’ils sont là pour bousculer les notables du Mouvement démocrate et du Nouveau centre afin de créer une dynamique irrésistible qui aboutira à réunir tous les centristes. En route pour de nouvelles conquêtes! Suivez le destrier mayennais!
On s’embrasse, on se congratule. «Enfin, ca bouge!» Et on se dit «à demain». En chantant… ou presque. Comme en août 1914, cela ne prendra pas beaucoup de temps, pense-t-on, pour remplir la mission et fêter la victoire.
Nouvelle scène, deux ans plus tard. Les lendemains qui chantent n’ont pas eu lieu. Rien ne s’est passé ou presque. Les chefs centristes sont toujours en bisbille et la réunion du Centre est encore plus improbable qu’auparavant.
Que s’est-il passé? Rien. Une attente à la Beckett. Une sorte de drôle de guerre centriste où l’on se prépare constamment au combat et quand celui-ci arrive, on est incapable de se battre. Godot n’est pas venu, évidemment puisqu’on l’attendait sans bouger.
Scène finale, surréaliste. Juin 2011, des dirigeants d’Alliance centriste se congratulent devant une poignée de militants. De quoi? On n’en sait rien mais ils semblent satisfaits. D’être seulement encore en vie? Sans doute. On a les ambitions que l’on peut.
Oui, le scénario de départ donnait envie. Et tous les figurants qui ont donné de leur temps, sans cachet, en sont la preuve. Malheureusement, le casting des vedettes n’était pas à la hauteur.
Tout ce que l’on peut espérer, c’est qu’il ne s’agit que de la première partie d’une saga qui se terminera mieux. Car la refondation du Centre mérite une épopée autrement plus flamboyante.
Reste qu’aucun metteur en scène ne s’est encore fait connaître pour tourner la suite…
Le Centriste