L’année 2010 a été une année mitigée pour les courants centristes dans le monde. Victoires, défaites, difficultés et espoirs ont traversé les différentes formations centristes. 2011 s’annonce sur le modèle de sa devancière avec des restructurations en cours et des difficultés pour les centristes au pouvoir.
En France, le Centre demeure morcelé et les centristes alliés à la Droite dans la majorité présidentielle ont perdu de leur influence depuis la formation d’un gouvernement dont ils sont largement exclus.
L’année 2011 sera une année cruciale pour le Centre qui va devoir préparer un projet politique, préparer sa refondation et démontrer sa capacité à proposer une alternative en vue des présidentielles et des législatives de 2012. Et si tous les centristes s’accordent sur l’importance de cet agenda, bien peu sont capables d’en prédire une issue positive pourtant indispensable pour son avenir à court et moyen terme.
En Grande Bretagne, les centristes ont fait une percée aux élections législatives de mai 2010, ce qui leur a permis de revenir au pouvoir et de former un gouvernement de coalition avec les conservateurs, raflant au passage le poste de vice-premier ministre pour leur leader, Nick Clegg. Mais les mesures impopulaires du gouvernement et la crise économique ainsi que les voltes-faces par rapport aux promesses de campagne ont coûté cher puisque les Libéraux démocrates ont des sondages d’intentions de vote et de popularité catastrophiques.
L’année 2011 s’annonce difficile pour les centristes britanniques car le redressement de l’économie prendra encore du temps alors que les mesures impopulaires vont produire encore des difficultés dans la vie quotidienne.
Aux Etats-Unis, le président centriste, Barack Obama, a perdu les élections de mi-mandat qui ont permis aux républicains de remporter une forte majorité à la Chambre des représentants. De même, les centristes, à la fois dans le Parti démocrate et dans le Parti républicain, ont été laminés le plus souvent et leur poids tend à diminuer. Paradoxalement, les électeurs qui ont élu des représentants de plus en plus polarisés, à droite comme à gauche, veulent un consensus, des politiques bipartisanes et une vision centriste du gouvernement du pays. De même, un nouveau mouvement, «No labels», réunissant démocrates et républicains modérés, a vu le jour et pourrait jouer un rôle politique au cours de l’année 2011 et plus certainement 2012.
L’année 2011 sera compliquée pour Barack Obama et son centrisme mais les victoires législatives au Congrès remportées à l’arraché au mois de décembre, avec le vote d’importantes mesures, permettent de penser que le président américain n’a pas dit son dernier mot et que ceux qui l’ont enterré se sont quelque peu avancés. D’autant qu’il demeure la personnalité la plus admirée des Américains et l’homme politique le plus populaire. Les sondages en vue de la présidentielle de 2012 le donne, pour l’instant, gagnant quelque soit son adversaire.
En Allemagne, du fait de la radicalisation des Libéraux, c’est au sein de la CDU que vit le centrisme actuellement. Ce qui, en soi, n’est guère étonnant puisqu’il s’agit, à la base, d’un parti démocrate-chrétien. Pour autant, celui-ci est traversé de courants dont certains se situent à la droite de la Droite.
Le centrisme de la chancelière Angela Merkel a été ainsi dénoncé au cours de l’année 2010 par une partie de la CDU. Et après avoir résisté à cette offensive, elle a tout de même cédé, suite à des revers électoraux d’importance notamment dans les élections régionales, et a musclé son discours face à l’immigration clandestine et, surtout, en déclarant que le modèle d’intégration des immigrés – clandestins ou non – avait été un échec total.
En 2011, la bonne tenue de l’économie, dopée par les exportations et un redécollage de la consommation des ménages allemands, devrait permettre à Angela Merkel de retrouver de la sérénité à moins que la crise de l’euro qui empoisonne le débat politique en Allemagne, ne vienne créer des interférences dans un paysage politico-économique assez favorable à la chancelière.
Au Japon, l’expérience centriste est tout sauf un long fleuve tranquille. Après un pouvoir sans partage de la Droite depuis l’instauration de la démocratie suite à la défaite de 1945, la victoire du Parti démocrate du Japon (PDJ, centriste) de Yukio Hatoyama en 2009 avait été un grand moment d’espoir pour revitaliser une organisation politique du pays sclérosée et touchée par de nombreux scandales.
Mais l’année 2010 a été un désenchantement pour les centristes japonais qui sont tombés, eux aussi, dans la division et le manque de confiance de la population envers ses élites politiques. Du coup, Yukio Hatoyama, le Premier ministre, mais aussi Ichiro Ozawa, le président du PDJ, ont démissionné, notamment pour n’avoir pas tenu leurs promesses électorales, en particulier pour la récupération auprès des Américains de l’île d’Okinawa occupée depuis la fin de la guerre.
En 2011, Le nouveau Premier ministre centriste, Naoto Kan, va devoir gouverner dans une situation difficile avec la montée en puissance de la Chine et la crise nord-coréenne.
En Italie, le Centre se cherche toujours face à Berlusconi. Une tentative de renverser le gouvernement à la fin 2010 a échoué par la défection de quelques députés de la droite anti-Berlusconi et de la gauche. En 2011, la situation politique du pays devrait être tendue mais personne ne peut prédire si la fin politique tant de fois annoncée de Silvio Berlusconi sera une réalité. Si c’est le cas, les formations centristes devraient avoir un rôle à jouer dans une nouvelle majorité.
En Inde, le Parti du Congrès (centre gauche) a gagné les élections et il devrait continuer à gouverner en 2011 malgré différents scandales de corruption, notamment celui sur la vente à des amis du ministre des télécommunications des nouvelles licences de téléphonie mobile. A l’intérieur du parti, les tendances centristes sont, pour l’instant, les plus influentes même si l’incapacité du pays à réduire drastiquement le nombre des plus pauvres relance à périodes répétées un débat sur un retour en force de l’interventionnisme étatique qui n’a jamais réellement cessé. Mais le Premier ministre, Manmohan Singh, fort de la belle croissance du pays, continuera à libéraliser l’économie et la société en 2011 pour en faire de l’Inde une puissance qui compte face à son voisin qui l’inquiète beaucoup, la Chine.
Au Brésil, le Centre a été battu aux élections présidentielles par le Parti des travailleurs au pouvoir (gauche). Le président Luiz Inacio Lula da Silva ne pouvant être réélu, c’est sa candidate, Dilma Rousseff qui est devenue la première femme présidente du pays devant le candidat centriste, Josè Serra. Avec la popularité de Lula (qui pourrait se représenter à la prochaine présidentielle) et la croissance économique, le parti au pouvoir qui oscille entre gauche et centre-gauche ne devrait pas être menacé au cours de l’année 2011.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean Gripari
Chef du service étranger du CREC