C’est la trêve des confiseurs dans la campagne électorale pour la présidentielle de 2012. Un premier bilan à quatre mois du premier tour peut être dressé dans le camp du Centre, d’autant que plus aucune incertitude ne demeure sur ses candidats.
Hervé Morin s’est déclaré officiellement le 27 novembre en Normandie et François Bayrou l’a imité le 7 décembre à Paris puis à Pau. Corinne Lepage, dont on peut considérer qu’elle est aux marges de la galaxie centriste est également entrée dans la danse.
Voilà pour les trois «vrais» candidats du Centre.
De son côté, Dominique de Villepin s’est également déclaré. Ce néogaulliste tente de trouver un point d’ancrage pour crédibiliser sa candidature. Pour cela, il navigue entre la Droite et la Gauche, laisse dire les médias quand ils le présentent du Centre et tente de récupérer à son profit le discours d’union nationale en appelant tout le monde à se regrouper derrière lui.
Non seulement, Villepin n’est pas du Centre mais il n’est même pas au centre. Son opportunisme, seul, peut rappeler ces politiciens qui tentent, dans un flou artistique qui insulte la démocratie, de manger à tous les râteliers et de se positionner partout et nulle part, dans le phénomène bien connu d’«attrape-tout» et que, faute de mieux, les médias ont tendance, à tort, à vouloir situer au centre.
On peut citer Christine Boutin, la catholique, qui peut attirer une partie de l’électorat démocrate-chrétien qui vote traditionnellement pour le candidat du Centre. Mais son évolution, ces dernières années, sur des positions très radicales dans certains domaines ne peuvent en faire une candidate centriste, ce qu’elle ne revendique pas d’ailleurs.
Pour en revenir au Centre, le vrai, la situation semble aujourd’hui claire. Il y a un leader incontesté dans la course, François Bayrou, qui a décollé dans les sondages. Il y a un outsider, loin derrière, Hervé Morin. Et il y a une franc-tireuse, Corinne Lepage qui, sans pratiquement aucune couverture médiatique, attire autour d’1% des intentions de vote.
De même, dans les positionnements, la clarté semble prédominer. François Bayrou a décidé de faire campagne avec une parole «néosouverainiste» comme la nomme François Fressoz dans Le Monde. Hervé Morin développe un discours mondialiste et européen. Corinne Lepage exprime un centrisme écologique ou un écologisme centriste, au choix. Tous en appellent plus ou moins au rassemblement des Français et parlent d’«union nationale» devant les difficultés du pays et de l’Europe.
Les rapprochements entre ces trois candidats sont, pour l’instant, exclus du fait de leurs inimitiés personnelles. Et chacun a besoin de cette présidentielle pour exister politiquement dans le présent mais, surtout, dans le futur.
Pour autant, tout ceci n’est que du hors-d’œuvre et n’est que la photographie à un instant donné d’une situation qui pourrait être beaucoup plus fluctuante qu’on ne l’imagine.
Plusieurs scénarios sont possibles dans les premières semaines de 2012 qui vont être cruciales pour nos trois candidats.
Tout d’abord en matière d’intentions de vote dans les sondages.
Le premier scénario est que la situation se fixe définitivement jusqu’au premier tour de la présidentielle avec un François Bayrou entre 12% et 15%, un Hervé Morin aux alentours d’1%, tout comme Corinne Lepage et donc, un Centre entre 15% et 18%. Des scores insuffisants évidemment pour envisager un second tour pour un candidat centriste mais qui n’est pas mauvais intrinsèquement et qui permet de pouvoir peser d’une manière ou d’une autre sur les deux finalistes (soit en demandant des postes dans un futur gouvernement, soit en demandant un accord politique pour les législatives qui suivront la présidentielle).
Le deuxième scénario est une nouvelle progression de François Bayrou dans les sondages, vers les 20% d’intention de vote. Le président du Mouvement démocrate devient alors le troisième homme de la présidentielle, derrière Hollande et Sarkozy mais devant Marine Le Pen. Il peut dès lors espérer qu’une dynamique lui permettra de dépasser l’un des deux hommes encore devant lui pour se qualifier pour le second tour. Cette option laisse penser qu’Hervé Morin demeurera dans des intentions de vote très basses. Il pourrait, dans ce cas, se retirer si le candidat menacé par Bayrou est Sarkozy.
Le troisième scénario est une forte progression de François Bayrou mais aussi de Marine Le Pen, les deux candidats «protestataires» et «antisystème», du fait d’une situation économique et sociale qui empire dramatiquement. Ce scénario assez improbable actuellement est pourtant privilégié par certains soutiens du leader du MoDem qui semblent croire à la fameuse posture du «recours» qui a porté De Gaulle au pouvoir en 1958. Rappelons-nous, toutefois, que c’est elle qui fit aussi les beaux jours du général Boulanger…
Le quatrième scénario est une stagnation puis une baisse des intentions de vote en faveur de François Bayrou qui ne parvient pas à concrétiser le début de frémissement du à sa déclaration officielle de candidature. Hervé Morin peut en profiter et décoller enfin. On aurait deux candidats centristes assez proches l’un de l’autre en terme d’intentions de vote. Toutefois, cela ne permettrait pas à un candidat du Centre d’être en troisième position. Il se pourrait même qu’il soit alors dépassé par le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon et, pourquoi pas, par la candidat écologiste, Eva Joly. Dans cette option catastrophique pour le Centre, son meilleur candidat ne se trouverait qu’en sixième position. Il pourrait néanmoins négocier son ralliement entre les deux tours mais pour un maigre butin, sauf si les intentions de vote sont extrêmement serrées.
Ces quatre scénarios sont évidemment contingents de la situation qui prévaudra dans le pays dans les semaines à venir.
Le premier scénario en la matière est une sorte de glacis. Economiquement et socialement les choses demeurent en l’état. Elles ne vont ni mieux, ni plus mal. L’effondrement redouté n’a pas lieu, l’embellie espérée non plus. On peut supposer que les candidats des deux grands partis seront alors largement favoris pour le second tour, laissant peu de place à celui du Front national mais aussi à celui du Centre, même si cela n’empêche pas que ce dernier puisse continuer à grimper dans les sondages sans pour autant avoir la possibilité de se qualifier pour le second tour.
Le deuxième scénario est une amélioration de la situation économique et sociale. Le principal bénéficiaire en est évidemment le président sortant, Nicolas Sarkozy, qui pourra se targuer de son action et de son expérience. Ce qui peut lui permettre de s’envoler dans les sondages. Dès lors, le candidat du Parti socialiste, François Hollande sera très fragilisé, d’autant qu’il a adopté la posture de l’«homme tranquille» mitterrandien face à l’«excité» chiraco-sarkozien. Cette fragilisation peut permettre à François Bayrou de devenir le candidat anti-Sarkozy le plus crédible et l’imposer comme le rival le plus sérieux de l’hôte actuel de l’Elysée.
Le troisième scénario est une détérioration plus ou moins importante de la situation économique et sociale mais sans menace internationale. Ici François Bayrou mais aussi Marine Le Pen ont une chance de monter dans les sondages et de venir titiller les deux favoris actuels et, peut-être même, de les dépasser si la situation empire. Evidemment, dans le cas d’un affrontement Bayrou-Le Pen au second tour, le leader du Mouvement démocrate part largement favori. Et il peut tirer son épingle du jeu s’il se retrouve face à Nicolas Sarkozy ou François Hollande.
Le quatrième scénario est une très forte détérioration de la situation mondiale. Nicolas Sarkozy redevient évidemment le favori et son challenger sera François Hollande, deux hommes politiques connus avec deux grands partis de gouvernement qui possèdent dans leurs rangs des hommes et des femmes compétents, ce qui aura tendance à rassurer les Français. Les chances d’un candidat du Centre, dans ce scénario ne sont pas nulles mais sans véritable expérience, avec un parti largement néophyte et obligé de trouver des soutiens un peu partout, il aura un lourd handicap.
Le cinquième scénario est celui du vote utile, tant à Droite qu’à Gauche. Les séquelles du 21 avril 2002 sont encore présentes dans le monde politique. S’il devait y avoir un risque de voir Marine Le Pen (ou même un autre candidat) prendre la place soit du candidat de la Droite, Nicolas Sarkozy, soit du candidat de la Gauche, François Hollande, alors les électorats de chacun de ces deux camps mais aussi ceux qui en sont à la frange et, notamment, ceux du centre-droit et du centre-gauche, pourraient se mobiliser fortement et voter utile dès le premier tour. Ce serait, bien évidemment, un handicap rédhibitoire pour un candidat du Centre.
Un sixième scénario, espoir notamment de François Bayrou, peut se produire, en dehors de toute détérioration ou amélioration de la situation de la France, c’est l’effondrement d’un candidat ou de plusieurs qui devancent le candidat centriste le mieux placé. Pour prendre deux exemples, l’«affaire Karachi» pourrait plus qu’éclabousser Nicolas Sarkozy et le faire plonger dans les sondages. La «mollesse» de François Hollande, si elle s’impose comme la principale caractéristique du candidat socialiste pourrait être un handicap insurmontable, surtout en période de crise économique.
Il y a bien sûr une possibilité qu’aucun de ces scénarios ne soient le bon. Mais, ça, c’est une évidence des prédictions qui n’a même pas besoin qu’on la rappelle… Les surprises font partie intégrante des élections, d’autant que l’instabilité actuelle est propice à ce qu’il y en ait une au soir du 22 avril 2012…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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