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lundi 30 mai 2011

Vues du Centre - La Chronique de Jacques Rollet. L’identité du Centre

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jacques Rollet est politologue, membre du conseil scientifique de l’Institut du Centre et auteur de plusieurs livres dont Tocqueville (Montchrestien 1998), Religion et politique (Grasset 2001), La tentation relativiste, DDB, 2004), Le libéralisme et ses ennemis (DDB, septembre 2011). Il tiendra ici une chronique.

Nous sommes tous convaincus que le Centre  existe dans la vie politique française mais nous peinons à faire partager cette conviction car notre difficulté à exister au plan électoral risque en effet d’induire l’idée que le Centre n’a pas de consistance et est appelé à disparaître totalement. Le mode de scrutin majoritaire à deux tours lamine les candidats centristes, mais les résultats des élections présidentielles de 2007 (18,57% pour François Bayrou) montrent qu’il y a une sensibilité centriste dans l’électorat, les scores précédents de Jean Lecanuet et de Raymond Barre le confirment.
Le centre en vie politique démocratique est fondé sur une approche qu’on trouve déjà chez Aristote au 4° siècle avant JC. Le mésotès d’Aristote, c’et à dire le juste milieu, incarne le sens politique le plus accompli, fondé sur le gouvernement mixte où la classe moyenne joue un rôle essentiel. Le Centre se distingue d’une approche oligarchique ou ploutocratique de la vie politique dans laquelle la richesse est aux commandes, ce qui rend impossible la prise en compte d’un bien commun. Il se distingue tout autant de l’approche égalitariste de la Gauche qui paralyse la vie économique en décourageant l’initiative et en créant une classe d’assistés à vie.
Les sept points évoqués ci-dessous contribuent à dresser le portrait du Centre en politique, centre fondé sur ce juste milieu.
1°- Le Centre se fonde sur une logique sociale, celle-là même que nous propose Aristote quand il nous dit que la classe moyenne est la plus à même de mettre en œuvre le régime mixte (constitué de démocratie et d’aristocratie (gouvernement des meilleurs). L’argument est important: les riches ne doivent pas gouverner car ils ne vivent pas comme la majorité des membres de la cité et sont préoccupés par l’accroissement de leur richesse; les pauvres ne doivent pas non plus gouverner car, ne contribuant pas au financement des dépenses, ils veulent les voir augmenter. La classe moyenne également éloignée de la richesse et de la pauvreté est la plus capable de réguler les dépenses car elle contribue à l’impôt et sait ce dont ont besoin la majorité des membres de la cité.
Le Centre politique d’aujourd’hui s’appuie de fait sur la classe moyenne; Giscard d’Estaing l’avait noté dans Deux Français sur trois.
2°- Le Centre se fonde également sur une logique politique: le meilleur régime est celui qui permet de réguler la société en évitant deux écueils: celui de la révolution et celui du conservatisme des acquis. La révolution est une impasse tragique, le XX° siècle est là pour nous le montrer avec l’échec des régimes communistes. Quant au conservatisme des acquis, il empêche toute réforme et peut être le fait de partis de Gauche comme de Droite. (on l’a vu au sujet de la réforme des régimes spéciaux de retraite ou du régime général). L’équilibre de l’intervention de l’Etat doit se fonder sur le principe de subsidiarité qui fait partie des principes fondamentaux de l’Union Européenne et vient de la Doctrine sociale de l’Eglise catholique (voir l’encyclique Quadragésimo anno de Pie XI). L’échelon supérieur ne doit intervenir que lorsque l’échelon inférieur ne peut assurer le traitement d’un problème. La décentralisation est, fondée sur ce principe qui n’est pas toujours respecté.
3°- Le marché reste, au plan économique, le régulateur fondamental des échanges. Il est le juge de paix établissant ce que nous sommes capables d’acheter ou pas. La concurrence doit être libre et non faussée, est juste. Le crédit trop facile aveugle les individus qui s’endettent; il en va de même à l’opposé pour les spéculateurs des marchés financiers. L’enrichissement doit reposer sur la production effective de biens, industriels ou de services. Rappelons à ce propos, que la crise des subprimes  aux Etats-Unis n’est pas due au marché mais au non respect de ce dernier. On a permis à des gens qui n’en avaient les moyens, de devenir propriétaires. Il faut toujours se souvenir que l’emploi est généré par les entreprises et non par l’Etat. Quand ce dernier s’en mêle, il en résulte des coûts élevés et des effets d’aubaine pour les entreprises. L’Etat est chargé de l’emploi des fonctionnaires et cela suffit. La crise durable de l’Etat–Providence (pour reprendre le terme utilisé en France; Welfare State signifiant en réalité l’Etat de bien-être) implique pour le Centre une réflexion de fond. Il doit s’affirmer libéral sans complexes alors même que la dette de la France atteint 1750 milliards d’Euros.
4°- L’argent public doit être géré de façon plus économe et plus efficace . Nous renvoyons sur ce point à l’ouvrage remarquable de Jean Arthuis: SOS Finances publiques (Calmann-Lévy, 2011). Tout y est dit. Il revient au Centre d’alerter les citoyens sur la situation; Le gouvernement actuel ne le fait pas.
5°- La décentralisation souhaitable et mise en œuvre pour une part depuis 1982, doit être revue. La clause générale de compétence doit être abolie pour les départements et régions et peut être même pour les communes. Celles-ci sont par ailleurs trop nombreuses et devraient être remplacées par les communautés de communes, d’agglomération et urbaines; Ces trois niveaux d’EPCI doivent dans la situation actuelle, voir leurs conseils élus au suffrage universel direct. C’est un scandale absolu de constater qu’elles lèvent des impôts sur des gens qui ne les ont pas élues.
6°- Le libéralisme culturel (terme employé en science politique ) fait des ravages dans la société française. On désigne par ce terme l’affirmation de la liberté individuelle en matière de vie sexuelle et de refus de tout principe d’autorité dans l’éducation des enfants. C’est ainsi que ses partisans réclament le «mariage» pour les homosexuels, l’adoption d’enfants par les couples du même nom, l’avortement comme méthode de contraception (au sens où il est dit que l’avortement est un droit et ne pose pas de problème), la gestation pour autrui, l’expérimentation sur les embryons, etc. Ce libéralisme culturel pose tous ces problèmes en termes de «droit à», alors que le droit supposé ne peut s’imposer au mépris de ce qu’est la nature humaine d’où le fait qu’on réclame également le droit pour les homosexuels de recourir à la procréation artificielle (deux hommes ensemble ou deux femmes ensemble ne font pas un enfant par les voies naturelles…)
Le Centre doit combattre ce type de libéralisme culturel car une société démocratique ne peut subsister s’il n’existe pas un consensus minimal sur les mœurs. La situation actuelle de l’Espagne est éloquente à cet égard: le gouvernement Zapatero s’est plus préoccupé de libéraliser les mœurs que de permettre un véritable développement économique fondé sur une industrie et non uniquement sur la promotion immobilière. Cela nous donne les indignados qui disent s’inspirer du démagogue Stéphane Hessel, comme si s’indigner produisait en soi des effets positifs!
7°- Cela nous conduit pour terminer, à réaffirmer que le Centre ne peut ignorer la tradition judéo-chrétienne qui l’a longtemps inspiré. Il est évident qu’il y a un héritage de ce type en Europe et qu’il est au principe même du sens de la personne et des Droits de l’homme comme droits-libertés. Cela signifie qu’on ne peut refaire un Centre en politique en l’assimilant au radicalisme de la Troisième République. C’est le meilleur de la tradition démocrate- chrétienne qui doit constituer l’ossature du Centre pour toutes les raisons évoquées ci-dessus.
Jacques Rollet

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