Les batailles autour du nom UDF (Union pour la démocratie française pour ceux qui l’auraient oublié!) semblent montrer que celui qui le possèdera aura entre ses mains une sorte de baguette magique lui permettant de transformer une formation sans âme en véritable machine à gagner les élections…
Comme pour le débat sur l’identité nationale initiée par Nicolas Sarkozy pour éviter de parler de ce qui fâche (le chômage, l’insécurité, l’échec de nombreuses réformes, l’état désastreux des finances publiques), on se demande si la dispute opposant l’ensemble les leaders centristes entre eux pour savoir qui est réellement l’heureux propriétaire du graal centriste ne masque pas la pauvreté de la réflexion des partis se réclamant du Centre et leur lente transformation en groupuscules ayant chacun leur esprit de chapelle. Pour que cette interrogation ne devienne pas prégnante, les leaders de ces formations devraient regarder devant eux plutôt que derrière et insuffler une véritable dynamique à leur vision politique.
Evidemment, nous savons pourquoi Hervé Morin veut tellement récupérer le nom UDF. Son parti appendice de l’UMP ne pourra retrouver une image indépendante et une liberté de mouvement qu’en changeant de nom. Le Nouveau Centre est définitivement – ou presque – catalogué comme une simple excroissance de la formation de droite. En devenant l’UDF, il récupère un héritage d’autonomie et de puissance qui parle encore aux militants du Centre. Mais si l’UDF ce fut le premier parti de France lors de certaines élections des années 1970 et 1980, c’est aussi les 4% aux élections présidentielles de 2002 alors que Hervé Morin, président du Nouveau Centre en était un des dirigeants… Bien sûr, c’est aussi les 18,57% aux présidentielles de 2007 même si ce sursaut semble plutôt rétrospectivement un anachronisme si l’on analyse tous les autres résultats électoraux de l’UDF depuis que François Bayrou en avait pris la tête et qu’Hervé Morin faisait partie de sa direction.
Il n’est donc pas du tout sûr que devenant l’UDF, le Nouveau Centre multiplie ses électeurs ni même, d’ailleurs, ses militants. L’exemple du Parti radical qui végète depuis des décennies alors qu’il fut le premier parti de France sous la III° République et qu’il continua à peser sur la IV° République en est un bon exemple. Celui montre, a contrario, qu’il serait dangereux de reprendre le sigle UDF si les succès électoraux ne suivent pas car cela signifierait à court ou moyen terme une disparition de la formation qui aurait repris le nom.
Cette remarque vaut évidemment pour tout autre parti centriste comme l’Alliance centriste, par exemple. Mais il semble que Jean Arthuis, sagement, ait décidé de ne plus se battre pour réclamer et récupérer le nom comme il en était partisan voilà un an. Sa réflexion l’a sans doute amené à penser que, pour incarner l’avenir, il n’est pas utile de faire revivre le passé même s’il faut s’appuyer sur ce dernier.
Reste le mystère François Bayrou. Pourquoi s’est-il littéralement arcbouté devant la prétention d’Hervé Morin à récupérer l’UDF? Une drôle de réaction pour celui qui, a créé le Mouvement démocrate pour justement rompre avec l’image centriste de l’UDF afin de négocier une alliance avec la gauche. On se demande pourquoi il est monté si promptement au créneau pour affirmer qu’il gardera le nom quoiqu’il arrive. On peut certes penser qu’il ne veut pas faire de cadeau à son ancien bras droit, Hervé Morin, et que le fait d’être propriétaire du sigle UDF lui permet de maintenir l’illusion auprès d’anciens militants que le Mouvement démocrate est bien le digne héritier de l’UDF afin d’éviter leur départ qui pourtant a commencé et qui continue au fil des prises de position toujours plus à gauche.
Une réponde, beaucoup plus prosaïque, vient peut-être des liens financiers et juridiques qui relient encore le Mouvement démocrate à l’UDF comme l’ont révélé d’anciens militants déçus et revanchards du MoDem. Si c’était vrai, on comprendrait la volonté farouche de François Bayrou de garder son bien pour des raisons très terre à terre… Et on peut conseiller aux autres partis centristes tentés par le sigle UDF de le lui laisser et de se préoccuper surtout de construire une alternance centriste crédible et rassembleuse pour les prochaines échéances électorales plutôt que de lutter pour récupérer un passé qui fut tout autant glorieux que parfois délicat. De plus, si seul un nom faisait une élection, ça se saurait depuis longtemps!
L’UDF fut une formidable invention. Elle a eu des leaders de grande envergure. Elle a représenté le Centre et a montré qu’elle pouvait être un outil efficace de conquête du pouvoir. Inventer une nouvelle UDF, répondant aux temps présents et à l’avenir est essentiel pour le Centrisme. Pas de ressusciter les morts. Encore moins d’usurper leur identité.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC