samedi 12 juin 2010

Actualités du Centre – France – François Bayrou: «Le Centre ne peut être qu’indépendant»


Dans une interview au quotidien La Croix, François Bayrou revient sur ces dernières rencontres avec Nicolas Sarkozy et sa vision d’un Centre indépendant qu’il affirme incarner. Extraits.

Le centre droit et le centre gauche, est-ce pour vous le centre ou une partie de la droite et de la gauche?

Le centre ne peut être qu’indépendant. Chaque fois que quelqu’un éprouve le besoin d’ajouter l’adjectif (droit ou gauche) au nom (centre), c’est qu’il ne croit pas à la force du centre. Le centre, ce n’est pas un sous-produit de la droite et de la gauche, ce n’est pas «entre» la droite et la gauche, mais «autre» que la droite et la gauche. Le centre, c’est deux choses: d’abord le choix du pluralisme contre la bipolarisation; ensuite un projet et des valeurs différentes des deux partis actuellement dominants.

Un exemple: à droite comme à gauche, il y a un «fétichisme» de l’État: à droite, on rêve que l’État commande tout; à gauche, on rêve que l’État pourvoie à tout. Or, il s’agit dans les deux cas d’une conception jacobine. J’ai une conception différente, plus girondine: je crois que la société doit se prendre en main; la vie locale, l’entreprise, l’association, la famille, ce doit être aussi fort que l’État.

Et qu’est-ce qui vous distingue des centristes de la majorité (Nouveau Centre, radicaux, etc.)?

J’ai refusé d’avaliser les dérives du pouvoir actuel tandis qu’ils les ont approuvées. Je suis dans l’opposition, ils sont au gouvernement et dans la majorité. Comment peuvent-ils contester aujourd’hui ce qu’ils ont applaudi hier et ce qu’ils votent tous les jours? C’est cela la grande différence entre nous. Mais je n’ai pas oublié qu’ils ont été mes compagnons. Nous formons une famille politique. Elle se reconstituera. La période des recompositions politiques n’est pas terminée.

Le PS reste-t-il pour vous un interlocuteur possible?

Il y a beaucoup de personnes au PS avec qui je me sens en phase, sur le plan intellectuel : Dominique Strauss-Kahn, Manuel Valls, Gérard Collomb, et bien d’autres encore issus du courant Delors-Rocard. Ma liberté, c’est de parler avec tous les responsables du champ démocratique français.

Vous avez été très sévère avec Nicolas Sarkozy, vous paraissez l’être un peu moins ces derniers mois…

Je suis très sévère à juste titre. Je m’oppose à Nicolas Sarkozy sur toutes les orientations qui sont pour moi dangereuses et erronées pour le pays et son histoire: faire de l’argent et de la réussite financière une valeur de société, la marchandisation de la société, traiter l’école comme une variable d’ajustement, ne pas respecter la séparation des pouvoirs, se comporter plus en chef de parti qu’en chef de l’État, vouloir verrouiller les médias, publics ou privés. Toutes ces critiques, je les assume. Ce que j’ai dit depuis trois ans, ce que j’ai écrit dans mon livre ‘Abus de pouvoir’, je ne vais pas l’effacer ou l’estomper. Mais aujourd’hui, nous sommes devant une question majeure: celle des retraites. Toute ma vie, je me suis battu contre les déficits. Les Français savent que j’ai fait de ce sujet un avertissement central de ma campagne présidentielle de 2007. J’ai dit que si la réforme était raisonnable et juste, j’étais prêt à assumer le choix de la soutenir. (…)

Les responsables de la majorité laissent entendre qu’il y aurait un «réchauffement» entre vous et Nicolas Sarkozy. Qu’en est-il?

L’idée que je pourrais «dealer», entrer dans une manœuvre avec qui que ce soit, est une idée enfantine! Si j’avais voulu faire des manœuvres, il y a longtemps que j’aurais accepté les propositions diverses et variées, les dorures, les privilèges, les chapeaux à plumes. Or je me suis inscrit, volontairement, dans le dur et austère chemin de l’opposition, sur les principes!

Le terme de réchauffement» est donc inapproprié?

Il y a un terme qui est approprié: celui de responsabilité. Dans la tempête que nous traversons et que nous allons encore traverser – cette crise est la plus grave que la France ait jamais connue depuis la guerre –, je revendique le dialogue entre les hommes responsables. (…)

Propos recueillis par Laurent de Boissieur et Solenn Royer

© La Croix 2010

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