Dans un éditorial publié par le magazine L’Expansion, Jean-Louis Bourlanges, ancien député européen UDF et ami passé de François Bayrou, tire à boulets rouges sur le leader du Mouvement démocrate. Intitulé, «La vraie nature de François Bayrou», le texte explique que son virage à gauche était «le terme inévitable de la dérive engagée au congrès de l'UDF à Lyon, en janvier 2006». Car, depuis cette époque, «le grand hérétique assiste au naufrage de son Eglise. Il n'a laissé à ses hommes d'autre choix que le martyre ou l'infidélité. "Elu du centre, pars vite et reviens tard": là où passe le cheval du Béarnais, l'herbe électorale ne repousse pas». Mais cette trahison de François Bayrou n’en est pas une pour Jean-Louis Bourlanges car en fait le député des Pyrénées n’a jamais été centriste. «S'il se moque ainsi de "ses amis", c'est d'abord parce que ce ne sont pas ses amis. Sa dérive se double d'une apostasie. Il a progressivement renoncé à incarner la spécificité centriste. C'est la mission historique du centre que de permettre aux majorités de droite comme de gauche de résister aux poisons de ce que Bernard-Henri Lévy a nommé "l'idéologie française" : refus de la modération et du compromis, culte de l'exception nationale et du souverainisme, exaltation du volontarisme d'Etat, allergie à l'individualisme, à l'Amérique et au marché.»
«L'homme du centre affirme les droits de la société par rapport à ceux de l'Etat. Il préfère le marché aux monopoles, les vertus du face-à-face aux vices de l'arbitrage au sommet et de l'oukase bureaucratique. Il exalte les corps intermédiaires, respecte les élites ouvertes et répugne au pouvoir d'un seul homme. Il privilégie une vie internationale fondée sur la sécurité collective, la coopération multilatérale et le partage juridiquement organisé de la souveraineté.»
«Seulement voilà: François Bayrou n'est pas l'homme de ce rôle. Chez cet antimodéré, tout s'inscrit en faux par rapport aux convictions centristes dont l'opinion le crédite. Sa conception du pouvoir, héroïque, solitaire et prophétique, doit faire se retourner dans leurs tombes Tocqueville ou Benjamin Constant. Son horreur "forrestérienne" du capitalisme libéral le situe plus près de Benoît Hamon que de Pascal Lamy. Son exaltation sans nuance de l'uniformité jacobine fait de lui l'adversaire attitré de toute réforme de l'université et le désigne comme l'ultime défenseur du modèle bureaucratique français. Sa dénonciation, quasi religieuse, de la mondialisation emporte avec elle les derniers articles du credo atlantiste et même européen du centrisme historique.»
Et il conclut son éditorial par cette phrase assassine: «Décidément, ce qui rapproche François Bayrou de la gauche, c'est ce qu'il y a de pire en chacun d'eux». Même si la politique réserve des surprises, gageons que Bourlanges et Bayrou ne vont pas se réconcilier se sitôt…