Voici des extraits d’une interview donné par le président du Mouvement démocrate, François Bayrou au Monde.
«Un autre monde est possible», disiez-vous le 29 mars, lors de la première convention européenne de votre parti. Le G20 est-il parvenu à jeter les bases de ce nouveau monde ?
Le G20, c'est un premier pas qui n'est pas négligeable. De là à jeter les bases d'un nouveau monde... Nicolas Sarkozy emploie une expression que je récuse : il dit "capitalisme moral". Le capitalisme est amoral par nature ; son but mécanique est de faire de l'argent, sa loi est celle du profit. Une fois qu'on a compris cela, on peut lui imposer des règles de transparence et de stabilité. Mais le capitalisme ne peut être un projet de société. Un chef d'Etat français ne peut pas définir son projet par le mot capitalisme. Si comme je le veux, notre projet doit être humaniste, sans concessions, il devra s'imposer en dépit du capitalisme, et s'il le faut contre lui. Le capitalisme est inégalitaire par essence, et l'humanisme est égalitaire par vocation.
A l'UMP, on dit que vous courez derrière Olivier Besancenot.
Jusqu'à la semaine dernière, leur mot d'ordre était de me taxer de "Le Pen light"! Il faudrait qu'ils accordent leurs violons !
Assumez-vous une certaine forme de radicalité, voire de populisme ?
Je me fiche des accusations, une seule question compte : ce modèle de société va-t-il ou non dans le bon sens ? Ma réponse est non. A partir de là, je ferai tout pour que les Français comprennent ce qu'on cherche à leur imposer et qu'ils choisissent un autre cap.
Vous estimez que Nicolas Sarkozy est en rupture par rapport à la tradition française?
Tout ce qui fait l'originalité et l'universalité du projet républicain français, démocratique, laïque et social, tout cela, peu ou prou, Nicolas Sarkozy y a porté atteinte depuis qu'il est au pouvoir. Depuis le bouclier fiscal jusqu'aux atteintes à la séparation des pouvoirs et à l'OTAN, on conduit la France vers un modèle qui n'est pas le sien et qui minera notre pays.
Y a-t-il, entre vous et Dominique de Villepin, suffisamment de convergences pour engager un dialogue?
J'entends bien cette rumeur. Je n'ai pas eu de contact avec Dominique de Villepin depuis deux ans. Mais je parlerai volontiers avec lui. Le jour où l'on voudra construire une politique différente en France, il faudra qu'acceptent de travailler ensemble des courants républicains différents, démocrates, socialistes, gaullistes. Il y a une communauté républicaine en France : un jour, si les choses deviennent graves, elle devra se rassembler.
Allez-vous constituer un groupe à l'Assemblée, réunissant des élus venus de divers horizons?
Si cela devient possible, un jour j'en serai heureux.
Propos recueillis par Françoise Fressoz, Sophie Landrin et Patrick Roger
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